L’annonce des propositions budgétaires de la Commission européenne pour la période 2021 – 2027 était très attendue, dans un contexte particulier de mutations politique et stratégique du projet européen. En effet le Brexit et la cristallisation d’enjeux comme la lutte contre le terrorisme et la crise migratoire ont mis en lumière certaines faiblesses des institutions européennes. Retour sur les annonces formulées et leur impact pour les collectivités, avant la publication du 29 mai au 14 juin prochains, des propositions législatives par la Commission européenne.
A travers l’annonce des premières propositions pour l’avenir du budget de l’Union Européenne, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, souhaitait disposer d’un cadre financier répondant à trois exigences :
- Gagner en flexibilité, afin de pouvoir réagir aux inévitables urgences ;
- Gagner en solidité, pour relancer la convergence économique et sociale et affronter les crises ;
- Gagner en modernité, quitte pour cela à revoir à la baisse certains champs de dépenses historiques.
Ainsi, malgré un budget en hausse (1 279 milliards d’euros, soit 1,11% du PIB des 27 Etats membres contre 1 % pour le précédent cadre budgétaire), le pouvoir exécutif européen a diminué de 5% le budget de la PAC (politique agricole commune) et de 10 % le budget de la politique de cohésion. Un cadre fixé par Bruxelles qui va à l’encontre de la position commune défendue par les Départements en novembre dernier (cf. article du 30/11/2017).
L’annonce récente de diminuer fortement la dotation française au titre des fonds européens structurels pour l’investissement (FESI) pour la période 2021-2027, en la ramenant probablement de 27,5 à 24,5 milliards d’euros nourrit de réelles inquiétudes.
On peut s’interroger sur la légitimité de cette inflexion budgétaire ciblée sur la PAC et la politique de cohésion qui met en péril l’un des fondements du projet européen : la protection des plus fragiles. Ce sont autant de projets portés par nos agriculteurs, nos collectivités ou encore nos PME qui sont aujourd’hui menacés en raison d’une diminution des financements. Sont en revanche privilégiés les postes de dépenses suivants :
- La recherche et l’innovation, dont le budget est en hausse de 50% par rapport au précédent cadre financier pluriannuel ;
- Le programme Erasmus, qui devrait voir ses fonds multipliés par deux ;
- La gestion des frontières – les effectifs du corps européen de garde-frontières pourraient passer de 1 200 à 10 000 d’ici 2027, etc.
- La politique extérieure devrait aussi être renforcée.
A cela s’ajoutent de nouvelles lignes budgétaires qui n’existaient pas jusqu’ici. Par exemple, 20 milliards d’euros sur 7 ans devraient ainsi être consacrés à la politique européenne de défense, ainsi que 10 milliards d’euros à la gestion des migrations.
Les propositions de la Commission européenne ont été accueillies avec un faible enthousiasme, certains représentants de pays membres critiquant l’affaiblissement des deux piliers de l’Europe que sont la PAC et la politique de cohésion. Les négociations institutionnelles s’annoncent houleuses.
Innovation budgétaire
Plus vives encore devraient être les discussions relatives à la volonté de Bruxelles de conditionner l’octroi des fonds européens, quels qu’ils soient, au respect de l’Etat de droit par les États membres. Cette mesure est sans équivoque dirigée contre la Pologne et la Hongrie, qui, aux yeux de la Commission, multiplient les atteintes à l’indépendance de la justice ou encore à la liberté de la presse.
Jusqu’au 14 juin prochain, la Commission européenne publiera le détail de ses propositions législatives pour chaque champ de dépense. Un accord de l’ensemble des Vingt-Sept et du Parlement européen est nécessaire pour adopter ce cadre financier pluriannuel. L’exécutif européen espère que ce sera chose faite d’ici mai 2019. En effet, du 23 au 26 mai 2019 auront lieu les prochaines élections européennes. De leurs résultats découleront la couleur politique de la prochaine Commission et la composition du prochain Parlement.