92e Assises de DF – Discours de clôture de François SAUVADET, Président de Départements de France

(Seul le prononcé fait foi)

 

Madame la Première ministre,

Mesdames les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Madame la Présidente du Parlement Européen

Mesdames et Messieurs les Présidentes et Présidents de Départements, Mesdames et Messieurs les conseillères et conseillers départementaux, mes chers collègues,

Et je veux saluer tout particulièrement nos amis venus de toute la France et d’Outre-Mer, Chers Partenaires,

Cher Frédéric BIERRY, merci à toi et tes équipes pour ton accueil pour ces troisièmes assises dans cette belle terre d’Alsace ; et merci à vous tous pour ces échanges que nous avons eu ensemble.

 

D’abord je voudrais, au nom de Département de France, remercier tout particulièrement madame la Première ministre d’avoir bousculé votre agenda pour être présente à toute cette matinée en clôture de nos assises.

 

Nous sommes dans un contexte particulièrement lourd sur le plan international ; cette situation a des conséquences directes sur notre pays, sur la vie des Français.

 

Et je veux saluer l’initiative du Président du Sénat et de la Présidente de l’Assemblée nationale soutenue par le Gouvernement pour organiser une marche pour non à l’antisémitisme.

 

Se retrouver ici à Strasbourg, en Alsace, à plus de 1700 élus, n’est pas le fruit du hasard. C’est bien qu’il y a une inquiétude partagée dans tous les Départements.

 

Nous sommes ici en Alsace parce qu’ici les élus et les Alsaciens ont pris leur destin en main. Et cette volonté locale doit être entendue.

Et ici en Alsace, dans ce Parlement européen, où nous ressentons tout particulièrement le poids de l’histoire : l’histoire de la construction européenne.

C’est une leçon d’engagement : les ennemis d’hier avoir le courage de se tendre la main pour dire ensemble « plus jamais ça ».

C’est une leçon pour aujourd’hui. Quand tant de gens souffrent, quand la société est aussi fracturée, cela nous oblige au rassemblement et à la responsabilité.

 

Et face aux défis de notre temps, l’action de la Nation ne peut pas s’imaginer sans un lien étroit avec les élus locaux.

Et ce dialogue n’est pas une option mais une obligation.

 

Je sens poindre un vrai découragement chez mes collègues Présidents de Départements qui n’est pas sans rappeler le sentiment d’impuissance qu’éprouvent beaucoup de nos maires.

Et cela m’inquiète d’autant plus que les élus locaux sont le socle même, le maillon essentiel de la République.

Quand le couple Maires-Présidents de Départements est fragilisé, c’est le socle de notre République qui est malmené.

 

Je vous l’ai dit Madame la Première Ministre il y a un an déjà : nous sommes, Départements de France, frappés de plein fouet par la crise que nous traversons.

Les dépenses explosent littéralement et dans le même temps nos ressources sont en chute libre. Ce n’est pas une situation tenable.

 

On a déjà connu des moments difficiles lors de la crise des subprimes de 2008.

Mais, aujourd’hui, contrairement à 2008 nous n’avons plus de marge. Nous n’avons plus de recette fiscale, pas de foncier bâti pour amortir le choc.

Ce qui place tous les Départements en situation de grande fragilité.

 

Et ce qui aggrave la situation c’est qu’aujourd’hui non seulement nous devons faire face à la chute des DMTO, mais nous devons faire face à la montée des précarités dans un contexte d’inflation, un coût de l’énergie très élevé, et la remontée des taux d’intérêt.

La précarité gravit l’échelle des classes moyennes.

 

Tous les indicateurs sont aujourd’hui dans le rouge. Nous avons bien conscience des difficultés budgétaires de notre pays.

Mais je veux rappeler ici que nous avons fait notre part.

Nous sommes le seul niveau de collectivité à avoir fait jouer la solidarité entre nous.

 

Madame la Première Ministre, et je le dis avec solennité : nous avons besoin de la solidarité nationale pour continuer d’assurer les missions qui nous sont dévolues par la loi.

Nous avons besoin de la solidarité pour assurer le versement des allocations individuelles de solidarité que nous finançons à près de 60%.

Nous avons besoin de la solidarité nationale face au mur du vieillissement,

Nous avons besoin de la solidarité nationale pour assurer l’équilibre territorial.

 

Et la Première urgence c’est que l’État accompagne dès aujourd’hui les 15 départements qui ne peuvent déjà plus faire face. C’est la première étape. Il faudra aller au-delà. Parce que la dégradation de la situation concerne tous les Départements de France.

 

Et nous sommes face à des grands défis : Il y a un débat actuellement au Parlement sur ‘immigration.

 

Nous faisons face à une arrivée massive des mineurs non accompagnés qui fragilise nos structures d’accueil.

Là aussi Départements de France vous a fait des propositions. Nous avons travaillé ensemble.

On attend que l’État assume ses missions.

La France a accueilli autant de MNA au 1er septembre 2023 que durant toute l’année 2022. On dépassera les 44.000 MNA à la fin de l’année et là aussi déjà de nombreux Départements ne peuvent plus les accueillir.

Cela représente une charge lourde, de 2 Milliards d’euros, pour les Départements.

 

Oui Madame la Première Ministre la situation de la protection de l’enfance est extrêmement tendue, au bord de la rupture partout en France avec des capacités d’accueil qui sont saturées.

C’est un sujet lancinant pour nous tous Présidents de Départements. On se sent bien seuls face aux problématiques psychiatriques et de santé mentale quand 17 départements n’ont pas de pédopsychiatre.

 

Sans compter les difficultés que rencontre la protection judiciaire de la jeunesse qui n’est pas en capacité de faire face à la montée de la violence et de la délinquance juvénile.

Et c’est nous qui en assumons la charge.

Et laisser entendre, dans ce contexte difficile, que l’État ferait mieux que nous sur la protection de l’enfance c’est juste incompréhensible ; et je vous le dis choquant pour nos agents, pour les élus qui s’impliquent avec responsabilité et humanité pour protéger nos enfants.

Qui peut raisonnablement penser que les DDASS d’antan protégeraient mieux nos enfants que nous ? Personne !

Oui nos services de la protection de l’enfance sont au bord de la rupture.

 

Ce que nous demandons c’est que l’État assume le fait migratoire qui embolise nos structures et qui ne relève pas des compétences des Départements.

Ce que nous demandons c’est que pendant le temps de l’évaluation qui doit rester de la responsabilité départementale, l’État assure la mise à l’abri de ceux qui ne sont pas ENCORE reconnus comme mineurs.

Et je veux rappeler, et ce n’est pas anecdotique, que dans nos Départements 70% de ceux qui se présentent mineurs se révèlent majeurs après évaluation.

Départements de France, n’a qu’une position : c’est que l’État doit assumer toutes ses responsabilités et faire jouer la solidarité nationale, pour que nous puissions assumer les nôtres dans la protection de l’enfance et dans tous les domaines.

 

Notre société est face au mur du vieillissement : nous avons aujourd’hui plus de personnes de 65 ans que de jeunes de 15 ans.

On a connu le baby-boom, maintenant nous voici face au papy-boom.

Là encore peut-on afficher une loi Bien vieillir sans prévoir un euro supplémentaire aux Départements pour financer le virage domiciliaire et l’amélioration de la prise en charge dans les établissements ?

Là encore laisser les Départements seuls face à ce mur et envisager de confier aux seules ARS la responsabilité de l’accueil en établissement sans contrôle départemental, serait délétère.

 

Je l’ai dit au Président de la République : on ne réussira pas le bien vieillir sans faire le lien étroit entre virage domiciliaire et accueil en établissement.

 

Votre gouvernement, madame la Première Ministre, nous a proposé une discussion. Notamment pour harmoniser les contributions de la CNSA. Nous y sommes prêts.

Dès lors que l’État accepte de mettre les moyens pour aboutir à cette harmonisation. Sans quoi, c’est nous renvoyer, une nouvelle fois, à un débat entre nous pour la péréquation.

Là encore il nous faut une réponse dès ce Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale.

Il ne se passe pas un jour sans que nous en soyons sollicité par des services d’aide à domicile ou par des EHPAD en difficulté pour payer leurs échéances.

 

Madame la Première Ministre, Départements de France n’a qu’un unique objectif : c’est d’apporter des réponses au peuple français ; et nous l’avons en partage.

Je sais que là aussi nous avons beaucoup échangé sur tous ces sujets. Et je salue votre écoute mais aujourd’hui il nous faut des réponses concrètes de votre Gouvernement.

 

Et quand je parle des grands défis devant nous. Il y a aussi les conséquences du changement climatique :

Et je voudrais adresser un message de remerciements à tous nos pompiers et à nos agents mobilisés ces derniers jours particulièrement dans l’Ouest, le Finistère, le Pas-de Calais et le pourtour Méditerranéen qui a dû faire face à des inondations et des tempêtes.

Nous sommes face à des risques nouveaux avec des feux de forêts d’ampleur inédite, des phénomènes tempétueux désastreux.

Nous avons dû équiper nos Services Départementaux d’Incendie et de Secours dont je rappelle que nous assurons 60% du financement.

 

Nous avons obtenu certaines avancées suite à la mission confiée à André ACCARY et Jean-Luc GLEYZE.

On vous a fait des propositions sur l’évolution de la Taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA). Et il faudra remettre à plat le mode de financement de nos SDIS chère Dominique FAURE. Et nous en avons parlé hier.

On a évolué dans le pacte capacitaire pour nos pompiers. Mais là aussi il faut avancer. Dans la relation avec le Gouvernement madame la Première ministre, il y a des exemples qui ont bien marché. On est sorti d’un contrôle strict de nos dépenses. On est sorti de l’esprit contraignant des contrats de Cahors.

 

France travail a permis d’avancer avec Pôle emploi et l’expérimentation porte déjà ses fruits. Je l’ai vu dans mon propre Département.

Parce qu’on a respecté les compétences de chacun.

 

Et Départements de France a pris toute sa part pour que l’esprit de la loi Plein Emploi votée au Parlement respecte l’équilibre auquel nous sommes parvenus ne soit pas remis en cause.

 

C’est ce travail que nous devons poursuivre face aux grands défis devant lesquels notre Nation doit faire face.

Parce que la situation que connaît notre pays est trop grave pour faire comme avant.

Et si nous voulons tous renforcer la République, Il faut sortir des annonces sans lendemain.

 

Et cela passe par tirer un constat lucide de 40 ans de décentralisation et de recul des libertés locales.

J’ai une conviction profonde. Si on veut renforcer la République, c’est en s’appuyant sur le socle des communes et des Départements.

Et quand je vois se rouvrir, à la demande du Président de la République, un débat sur la Décentralisation en se posant la question du nombre de strates, je pense qu’on va droit dans le mur parce qu’on a tiré aucune leçon des crises que l’on a traversées.

 

On nous disait qu’on avait trop de communes en France et il a fallu la crise des Gilets Jaunes pour qu’on redécouvre nos 35.000 Maires et que dans notre République, chaque commune compte.

Il a fallu la crise de la COVID pour qu’on redécouvre la chance qu’on a d’avoir en France des Départements ; la chance de pouvoir compter sur nos 380 000 agents présents sur tout le territoire.

 

Car la vraie réforme de la décentralisation attendue c’est le changement des pratiques de l’État. C’est de retrouver des espaces de libertés locales, de redonner de la confiance.

 

Et je veux le redire ici en Alsace, que la reconnaissance de la diversité de la France, l’implication des élus locaux, n’est pas un affaiblissement pour l’État.

 

C’est au contraire une chance pour bâtir ensemble un avenir de confiance.

Pour conduire la France face à de tels défis, il faut savoir voir loin et oser regarder de près.

Pour qu’une réforme soit réussie, il faut impliquer les Français et les élus locaux car un citoyen impliqué, un élu local impliqué, est un acteur du changement.

 

Lorsqu’on nous impose de vivre de dotations, quand le citoyen ne voit pas le lien entre l’impôt qu’il verse et les services qui lui sont rendus, quand l’État décide de l’affectation même de nos ressources parce qu’il les pense siennes : Comment voulez-vous que nos concitoyens et les élus s’impliquent dans des choix qui leur sont imposés ?

 

C’est ce combat pour les libertés locales que nous devons mener pour continuer d’agir au plus près.

C’est à ce prix que nous renouerons avec la démocratie qui s’essouffle.

 

Et j’aspire à un véritable pacte de confiance qui permette de libérer les énergies locales, l’innovation et la respiration des Départements.

 

D’ici, au Parlement Européen à Strasbourg, ville symbole de la France et de sa vocation européenne, je lance l’appel d’Alsace pour une nouvelle étape de Décentralisation, une vraie étape respectueuse et engageante ;

 

Pour que vivent les Départements et que vive la France !

 

Je vous remercie

 

 

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