Ce colloque a été organisé par la section de l’intérieur du Conseil d’État. Il était placé sous le parrainage d’un ancien président Georges Cahen-Salvador, exclu de la fonction publique en 1940 en raison des lois antisémites du régime de Vichy puis réintégré à la Libération et rétabli dans ses fonctions. Il a joué un rôle majeur lors de la création de la Sécurité Sociale.
La norme est l’un des principaux vecteurs des politiques publiques mises en œuvre et de la qualité de la norme dépend, en grande partie, l’efficacité de la performance de l’action publique.
Le Conseil d’État, qui a un rôle important à jouer en matière de contrôle de la production normative, a identifié, à travers quelques exemples, les véritables critères de pertinence d’un appareil normatif au regard de son objectif et de son assimilation par les citoyens.
Il a pu identifier également les situations insatisfaisantes dans lesquelles les normes sont affectées de malfaçons et demeurent inefficientes dans la longue durée.
Deux exemples de lois efficaces ou comment s’en inspirer
La loi du 10 août 1981, qui a créé le prix unique du livre en France, n’a jamais été remise en cause. Elle a ainsi permis de trouver un équilibre entre la production littéraire, les éditeurs, les libraires et les lecteurs.
L’une des conditions de son succès a résidé dans son objet (largement partagé) de défendre une certaine conception de la culture.
Cette loi a atteint son objectif de préservation de la diversité culturelle.
La loi du 24 juillet 2015 sur le renseignement a légitimé l’action des services de renseignement dans le cadre du respect de l’État de droit. Cette loi a été un succès puisqu’elle a permis aux services de s’adapter aux exigences d’une politique publique respectant les enjeux du contrôle démocratique. Elle a également su prendre en compte les évolutions des nouvelles technologies du renseignement, les adapter aux libertés, tout en conciliant le respect du droit et du secret. L’objet de la loi a été défini à partir d’un besoin de transparence et d’efficacité.
Deux exemples de normes complexes qui ne fonctionnent pas en raison de leur caractère particulier ou de leur rigidité.
Le contrôle d’honorabilité et la consultation des fichiers judiciaires, illustre une mauvaise application des lois en raison d’une cause exogène : l’absence totale de coordination entre les ministères en charge de leur application. On observe une cause endogène également puisqu’il apparaît que les différentes finalités de la norme n’ont pas été clairement définies à l’origine. Ainsi, ces textes n’ont pas pu s’adapter dans le temps, aux différents publics concernés par le contrôle d’honorabilité, notamment dans le domaine de la protection sociale des mineurs ou des jeunes majeurs. Ces lois et réglementations sont désormais confrontées à des enjeux différents, voire contradictoires et subissent les effets de l’empilement des lois (impossibilité de rapprocher les fichiers de contrôle de l’honorabilité) mais aussi à l’accélération de la production normative (multiplication des exceptions à ce contrôle) .
La simplification du livre VI du code de commerce (1500 pages) est une urgence puisqu’elle concerne les entreprises en difficulté et les procédures collectives. Il s’agit d’une législation apparue en 1807, victime aujourd’hui d’une très forte inflation normative et d’une accélération vertigineuse du temps de production de la loi. Le sens du détail, l’exhaustivité de cette législation rigidifie une norme qui ne répond plus aux enjeux actuels des 65 000 faillites commerciales en France ! Ce dernier exemple montre qu’une loi qui n’a pas à l’origine d’objectif clair, ou qui est conçue dans la précipitation, deviendra inefficace et ses dysfonctionnements entraîneront des conséquences difficiles à réparer.