Décentralisation : Dominique Bussereau dénonce « les loupés » du projet de loi 4D

Auditionné ce 9 juin par la commission des lois du Sénat sur la réforme qui entend consolider la décentralisation et la différenciation territoriale, le président de l’Assemblée des départements de France (ADF) a listé les nombreux sujets qui suscitent la déception des présidents de département. Place des départements dans les ARS, intendants de collèges, transfert des routes du fait d’une absence de concertation… Dans plusieurs domaines (économie, mobilités), il s’est dit favorable à des « systèmes de délégations ».

4 D

Transfert des routes : « Il y a eu très peu de concertation »

Sur le transfert des routes encore gérées par l’État, le gouvernement a « compliqué » les choses en prévoyant la possibilité pour les régions volontaires de gérer certaines d’entre elles, dans le cadre d’une expérimentation, a dit Dominique Bussereau. Celui-ci a usé d’euphémismes, les présidents de département étant vent debout contre cette disposition. Plus positif, selon lui : le gouvernement a retenu l’idée d’un transfert uniquement vers les départements volontaires, ce qui avait été proposée par l’ADF. Mais il y a eu jusqu’à présent « très peu de concertation », a-t-il déploré. Conséquence : les élus départementaux ne connaissent pas encore « la carte des routes qui pourraient être transférées », ni « l’état du réseau routier qui est transféré ». « Les conditions des transferts de personnels » seraient également floues.

Dominique Bussereau a aussi évoqué la nécessité de discuter avec l’État du sort de certains « axes qui sont des périphériques de métropoles ou de grandes villes », ou encore de « routes compliquées ». Il a alors évoqué l’exemple de la route nationale 10, « le plus gros axe de transport de poids lourds en France », qui va des Yvelines jusqu’à la frontière espagnole. Et s’est interrogé : l’État doit-il conserver la responsabilité de ce type d’axes et donc des personnels pour les entretenir, ou les départements auront-ils à créer des « syndicats mixtes interdépartementaux » ?

Recentralisation du RSA : l’ADF opposée

Sur l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA), sept départements – dont la Creuse, la Corrèze et la Seine-Saint-Denis – sont candidats. Mais « la majorité de l’ADF, toutes tendances politiques confondues, est contre », a tenu à souligner Dominique Bussereau. Comme nombre de ses collègues, il estime qu' »il y a un lien entre le fait de verser cette allocation et une politique d’inclusion que nous menons sur le terrain ». C’est d’ailleurs pour cela que l’État, « qui n’existe quasiment plus au niveau départemental », serait bien en peine de « gérer cette affaire ». Se rappelant les interminables discussions que l’ADF avait eue avec le gouvernement de Manuel Valls sur le sujet, Dominique Bussereau a aussi pointé la difficulté pour les sept départements candidats à l’expérimentation à déterminer « l’année de référence » servant à la compensation de la recentralisation.

« Très technique », la réforme portée par la ministre de la Cohésion des territoires ne permet pas, en l’état, à certaines des ambitions affichées par les présidents de département de prendre corps. Aux yeux du gouvernement, l’idée de créer un « grand service de médecine scolaire » sous la responsabilité du département n’est pas opportune dans la mesure où la crise sanitaire n’est pas terminée. De même, les départements ne voient pas aboutir leur souhait de « gérer complètement » les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), sous le contrôle des ARS.

« Mettre de l’huile dans les rouages »

Le président de l’ADF a par ailleurs estimé que le projet de loi offre l’occasion de « mettre de la souplesse, de l’huile dans les rouages de la décentralisation ». Sans revenir sur l’affectation depuis 2015 de la compétence des aides aux entreprises aux seules régions – une décision qu’un certain nombre de présidents de département ont du mal à digérer – il serait, possible selon Dominique Bussereau, de prévoir des « systèmes de délégation ». Malgré l’intervention de l’État et des régions, « il y a eu des trous dans la raquette durant la crise », a-t-il justifié, comme il en témoignait déjà il y a un an (voir notre article du14 juin 2020).

Sur la compétence de l’organisation des transports de proximité, que la loi d’orientation des mobilités (LOM) a confiée aux communautés de communes, le président de l’ADF a prôné là encore la possibilité de délégations, notamment en direction des départements. Ne voulant sans doute pas être excessivement négatif sur le projet de loi, Dominique Bussereau a estimé qu’il y a malgré tout « des choses à prendre » dans ce texte, comme la possibilité pour une collectivité territoriale de recruter des professionnels médicaux, ou la responsabilité donnée au département pour « coordonner le développement de l’habitat inclusif ».

L’examen en commission du Sénat de la réforme portée par Jacqueline Gourault débutera à la fin du mois.

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