Du droit de vote à la parité femmes–hommes : 70 ans d’ascension des femmes dans les instances politiques

Il y a 70 ans, les femmes obtenaient le droit de vote par une ordonnance du 21 avril 1944, droit inscrit dans le préambule de la constitution. Presque un siècle après leurs homologues masculins, les femmes ont ainsi obtenu le droit de s’exprimer devant les urnes mais aussi de se présenter, pour la première fois lors des élections municipales de 1945. Quelques rares femmes remportent même les élections. Cette première marche marque une avancée majeure des droits des femmes, dans les champs professionnel, sociétal, familial, et désormais politique.

Aujourd’hui encore, une réflexion parait nécessaire pour accompagner le développement de la parité. Pourtant, si les femmes sont encore sous-représentées à la tête des exécutifs (16% de femmes maires, 8% présidentes d’EPCI, 1 seule présidente de Région), le nouveau mode de scrutin binominal lors des dernières départementales a permis d’instaurer 50% de femmes au sein de toutes les assemblées départementales.

Départementales 2015, un tournant historique dans la féminisation des institutions publiques françaises

Les élections départementales de mars 2015 marquent un tournant dans la vie politique française. Pour la première fois, la moitié des élu(e)s départementaux sont des femmes. Bien que les arguments avancés pointent encore les devoirs de mère, d’épouse, et de professionnel comme obstacle à l’exercice d’une haute fonction politique, le principe de parité a offert aux 2 054 femmes élues de nouvelles opportunités. Près de 500 femmes élues ont ainsi été désignées vice-présidentes d’un conseil départemental, et 10 à la tête de l’exécutif (dont 8 élues le 02 avril 2015, qui rejoignent Anne Hidalgo et Josette Manin déjà en poste au Conseil de Paris et en Martinique, jusqu’en décembre 2015).

Chacune d’entre elles a tenu, dans son discours d’investiture, à souligner le caractère historique de cette élection, un véritable aboutissement dira Christine Bouquin, première femme élue présidente dans le Doubs et même en Franche-Comté : “Il maura fallu beaucoup de ténacité et beaucoup denvie pour être écoutée par les hommes et mimposer“. Et pourtant, cette femme de 53 ans est loin d’être novice en politique, puisqu’elle a exercé pendant 20 ans les fonctions de Maire, et est conseillère départementale depuis 2001.

De l’expérience elles en ont toutes, et se sont pour certaines impliquées très tôt dans la vie politique locale. C’est le cas d’Hermeline Malherbe, sénatrice, réélue pour la quatrième fois à la tête du conseil départemental des Pyrénées-Orientales. Cette catalane d’adoption, étudiante en biologie a démarré dès son adolescence son engagement militant, affichant une sensibilité à la cause environnementale et aux questions de solidarité. Le 02 avril, lors du discours d’introduction d’avant vote, le doyen de l’assemblée, René Olive, s’exprimait sur la parité : “Heureusement il y a parfois la loi pour reconnaître le talent“, illustrant les qualités de la présidente en place.

La présence d’une femme au rang de chef de l’exécutif imprime-t-elle un style particulier au mandat ? La fonction en elle-même exige une prise en considération des responsabilités qui sont les leurs, et pour lesquelles ces femmes doivent affirmer leur légitimité et leur leadership. Pour Nathalie Sarrabezolles, “Il faut maintenant être présentes et montrer que les femmes en politique sont aussi responsables et avec un aussi bon sens politique que les hommes“. Cette première femme présidente dans le Finistère, professionnelle issue du secteur culturel, a choisi dès 2008 l’échelle cantonale pour répondre à ses convictions et intervenir sur les thèmes de la solidarité et la proximité.

Capacité d’agir et rôle de proximité sont également deux axes qui ont plus particulièrement incité Valérie Simonet, qui a gravi petit à petit les échelons, à s’engager pour la Creuse : “Le Conseil Départemental de demain, grâce à son ancrage dans tous les cantons, est la seule collectivité qui, à l‘échelle du département, conjugue la proximité pour être à l‘écoute et la capacité pour agir concrètement”.

Fières et légitimes en tant que responsables politiques expérimentées

Anne Hidalgo, Maire de la première Ville de France et présidente du Conseil de Paris parlait déjà un an plus tôt d’une “responsabilité particulière”, preuve s’il en était qu’  “il ny a pas de citadelle imprenable pour les femmes, la parité est en marche”. Car ces dix femmes dirigent des territoires de différentes tailles, qu’ils soient urbains ou ruraux. Avec les Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, s’impose dans le deuxième département de France (en terme de population, hors Paris) avec un budget de plus de 2.5 Mds €. Ancienne élève de Sup de Co, elle a commencé sa carrière à la tête d’une entreprise familiale de plus de 200 salariés avant de faire son entrée en politique en 2001. Elle a su  imposer son style, de la délégation aux emplacements publics à la Mairie de Marseille, jusqu’au poste de Présidente : “Une femme doit être choisie pour ce qu’elle fait et non parce c’est la mode. J’étais contre la parité et les binômes mais j’avais sans doute tort. Il faut forcer le destin.

Un sentiment de fierté et une légitimité également défendus par Sophie Pantel en Lozère : “On ne choisit pas un élu parce que c’est une femme“. Cette titulaire d’un DESS de Droit a débuté sa carrière dans le contentieux auprès de différents services juridiques des Bouches du Rhône, avant de revenir en Lozère dans sa terre natale. Assistante parlementaire puis fonctionnaire d’état sur les questions éducative et sociale, elle a gravi les échelons municipal, départemental et même régional, en tant que vice-présidente en charge de la ruralité.

Cet attachement au territoire est aussi mis en exergue par Nassimah Dindar, présidente du conseil général puis départemental de La Réunion depuis mars 2004. Enseignante de formation et militante de la condition féminine depuis les années 80, elle défend la cause environnementale à travers son poste de Présidente du Comité Opérationnel Outre-mer du Grenelle de l’Environnement, l’outre-mer français représentant 97 % de la superficie des eaux maritimes françaises.

Ainsi, le développement, la proximité, et les valeurs progressistes, sont défendues par ces dix femmes qui replacent le Département au cœur des échanges partenariaux, tel que l’affirme Josette Borel-Lincertin en Guadeloupe : “seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin“. Cette ancienne enseignante et chef d’établissement, également présidente de Région, a fait le choix d’abandonner son poste afin de briguer le mandat départemental en 2015 (contrairement à son voisin Martiniquais présidé depuis 2011 par Josette Manin, département et région n’ont pas vocation à évoluer vers une collectivité unique).

A travers la féminisation des institutions départementales, ces dix femmes présidentes ont à cœur de prouver, tout au long de leur mandature, que leur place n’est pas due au hasard ou à la loi. Elles disposent de six années pour impulser des politiques publiques, impacter les stratégies et la mise en œuvre des politiques départementales, au-delà des clichés et des idées reçues véhiculées par leur position de femme dans la société.

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