Faire preuve d’ambition pour la ruralité

Le 25 septembre dernier, la commission « Égalités » de l’ADF faisait sa rentrée sur le thème du monde rural. Souvent mal considérée, abandonnée, la ruralité présente toutefois un fort potentiel qui, sans investissements ni politiques ambitieuses, risque d’être condamné. Dans leur ouvrage intitulé « Ruralité : stop ou encore ? », Yves Krattinger, Président de la Haute-Saône et Emmanuel Faivre, Directeur général et docteur en géographie et aménagement du territoire, réinterrogent la prise en compte de la ruralité dans les politiques publiques et plaident pour une réelle ambition en faveur du monde rural. Une lecture éclairante sur nos campagnes dans la perspective de l’agenda rural présenté par le Gouvernement…

Pour aborder la ruralité, les auteurs Yves Krattinger et Emmanuel Faivre ont adopté une approche pragmatique : respecter le monde rural, c’est se poser la question de son utilité,  définir les prérequis obligatoires pour qu’il soit compétitif et c’est aussi faire des propositions concrètes qui contribueront à sa renaissance. En effet, à l’heure où les services publics d’Etat ferment les uns après les autres dans les campagnes, il y a urgence à identifier le monde rural comme un élément essentiel de la cohésion nationale et comme un acteur incontournable des politiques d’équilibre et de solidarité.

Pour une ruralité moderne, solide et offensive

A travers l’expérience d’un Département rural tel que la Haute-Saône, les auteurs réaffirment la nécessité de concevoir et mener des politiques ambitieuses, en s’appuyant sur la décentralisation comme « électrochoc » pour préparer un changement profond.

Leur analyse se base sur plusieurs constats :

  • Le monde rural, cette « France périphérique » décrite par le géographe Christophe Guilluy, a beaucoup de mal à émerger sur les cartes et se retrouve régulièrement caricaturé par les statistiques. La nomenclature même employée par l’Insee fait état de « communes isolées en dehors des pôles urbains », menant à une représentation tronquée du monde rural, au service d’une idéologie urbaine dominante ;
  • Il n’y a pas une mais plusieurs ruralités, marquées par des problématiques communes (faible densité, vieillissement, paupérisation, départ des jeunes diplômés, enclavement numérique, éloignement de certains services…) mais disposant d’un potentiel, notamment touristique, sur lequel s’appuyer ;
  • La ruralité est souvent appréhendée à travers cette « mélancolie pagnolesque », vision nostalgique de la vie rurale qui bloque souvent son évolution. Il faut construire deux communautés complémentaires : la villageoise qui maintient la démocratie locale et la proximité des élus et une intercommunalité renforcée, avec une gestion efficace des équipements et du personnel ;
  • La ruralité subit de plein fouet l’accroissement des inégalités territoriales et sociales, souvent à l’écart des profits générés par les mutations économiques et des centres de décision ;
  • Il persiste un déficit structurel de hautes qualifications dans le monde rural lié à ses spécificités et à un manque d’ambition de sa jeunesse. Cette question de la place des jeunes est d’ailleurs au cœur de l’actualité (mission suivie par l’ADF au sein du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse, mission de réflexion du gouvernement sur les obstacles que rencontrent les jeunes en milieu rural…) et fera l’objet d’un atelier « jeunesse et attractivité » le 17 octobre au Congrès des Départements à Bourges ;
  • L’ingénierie territoriale rurale est en forte recomposition à la suite du désengagement de l’Etat, les Départements jouant d’ailleurs un rôle majeur, reconnu par la loi NOTRe, tel qu’évoqué lors du dernier Atelier des Départements de France dans le Loiret.

Un premier bouquet de mesures chocs pour préparer des changements plus profonds

Face à ces enjeux, si une réflexion sur le long terme est nécessaire, la mise en œuvre de mesures chocs peut être une première réponse. Emploi, numérique, mobilité, transition énergétique, etc., ce sont ainsi onze mesures thématiques qui sont proposées par les auteurs. Leur ambition : créer les conditions de profonds changements et envoyer des signaux positifs aux acteurs et aux populations de ces espaces ruraux éprouvant souvent un sentiment de délaissement.

A travers ces mesures, les auteurs présentent le devenir du monde rural comme un investissement d’avenir pour le pays, au même titre que les métropoles. « S’il ne faut pas opposer urbain et rural, l’Etat par l’absence de réflexion étayée sur le monde rural nourrit cette opposition, décrivent les auteurs. C’est ainsi que le ressentent de plus en plus les acteurs ruraux.» Alors stop ou encore ?

 

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