Huit associations d’élus ont écrit au chef de l’État pour lui demander de « ne pas écorner la territorialisation de la fiscalité économique locale ni grever le budget de l’État d’une nouvelle charge de compensation ». Une réponse à l’intense lobbying mené par les organisations patronales sur le front de la fiscalité économique.
Après l’intense lobbying de ces derniers mois mené par les organisations patronales (le Medef en tête), les associations d’élus tentent de reprendre la main sur le terrain de la fiscalité de production, ou fiscalité économique. Dans un courrier adressé au président de la République, le 2 mars, huit associations* demandent de « ne pas écorner la territorialisation de la fiscalité économique locale ni grever le budget de l’État d’une nouvelle charge de compensation », au moment où Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, a chargé le Conseil d’analyse économique (CAE) de dresser un nouveau diagnostic sur cet « Everest » de 73 milliards d’euros, qui recouvre une bonne part des impôts locaux, tels que la CVAE et la CFE qui rapportent respectivement 18 et 7 milliards d’euros aux collectivités… Des arbitrages sont attendus au mois d’avril dans le cadre du « pacte productif ».
« Choc de compétitivité »
Le chantier de la fiscalité de production – qui selon les industriels plombe la compétitivité des entreprises hexagonales par rapport à leurs homologues allemandes, notamment (on parle d’un rapport de un à sept) – avait été lancé fin 2017 avant d’être mis en sourdine. Lors du dernier congrès des régions, le Premier ministre avait rouvert la boîte de Pandore, évoquant la possibilité pour les régions de jouer sur le curseur de la CVAE afin de renforcer leur attractivité. Le débat sur la loi de finances pour 2020 avait été l’occasion pour les organisations patronales de pousser des amendements visant à amputer CVAE et CFE ; ils ont finalement été rejetés avec l’appui du gouvernement. Mais l’intervention d’Emmanuel Macron devant les ETI (entreprises de taille intermédiaire), le 21 janvier, à l’occasion de « Choose France », a semé le trouble. « L’argent public est rare, il faut faire des choix. On ne peut pas baisser la C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés), la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée), l’ensemble des impôts de production et les coûts salariaux au-dessus de 2,5 Smic. Il faut choisir les batailles, donner une trajectoire », avait-il dit. Ce que d’aucuns avaient interprété un peu hâtivement comme un appel à une baisse des impôts de production au détriment de nouveaux allègements de charges salariales également revendiqués par l’industrie. En tout cas, pour les élus, ces déclarations appellent une mise au point. Les associations d’élus s’étaient déjà fendues d’une motion commune lors du dernier congrès des maires demandant à ce que « cessent les déclarations visant à remettre en question la fiscalité économique locale ». Depuis, la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, et le secrétaire d’État Olivier Dussopt se sont évertués à assurer qu’il était hors de question de toucher à la CVAE et à la CFE. Pour l’heure, seule semble faire consensus la suppression de ce qui reste de la C3S. Et pour cause, il ne s’agit pas d’un impôt local. Mais son montant, 3,8 milliards d’euros, versé à la Sécurité sociale (qu’il faudra bien compenser), n’est pas à la hauteur du « choc de compétitivité » de 20 milliards sur cinq ans demandé par France industrie.
Élections municipales
Les associations d’élus n’ont jamais été fermées aux discussions. L’ADCF, en pointe sur ce sujet, a toujours annoncé vouloir travailler main dans la main avec le Medef. Elle a des arguments solides à faire valoir, notamment pour ce qui est de bien distinguer les secteurs exposés à la mondialisation et les secteurs protégés. Mais « dans nos échanges quotidiens avec les responsables économiques locaux, aussi bien que lors des rencontres multilatérales que nous organisons, la question de la fiscalité locale n’a jamais émergé », font valoir les huit associations dans leur courrier au chef de l’État. « Les entreprises contribuent à abonder des budgets locaux dont elles bénéficient en retour, à travers par exemple l’amélioration des infrastructures », soulignent-elles. Si le regain de couleur de l’industrie française en 2017 et 2018 avait facilité le report du chantier, les signaux négatifs de 2019 (avec un solde net de 12 usines fermées) plaident plutôt pour son retour dans l’agenda gouvernemental. Seulement, décider, dans la foulée des élections municipales, de rogner le budget des collectivités… la pilule serait amère pour les élus en tout début de mandat, alors que la suppression de la taxe d’habitation n’est toujours pas digérée.
*ADCF, APVF, ADF, AMF, AMRF, France urbaine, Régions de France, Villes de France.