Immigration et intégration : les sénateurs veulent un renforcement des dispositifs pour assurer un réel contrôle migratoire

Le 14 novembre, le Sénat s’est prononcé par un scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration. À l’occasion des débats, DF a fait voter une disposition demandant l’élaboration d’un cahier des charges national dédié à l’évaluation de la minorité des MNA, en concertation avec les Départements. Tour d’horizon des dispositions votées.

Ce projet de loi a pour objet, selon le Gouvernement :

  • d’assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue ;
  • d’améliorer le dispositif d’éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l’ordre public ;
  • de sanctionner l’exploitation des migrants et de contrôler les frontières ;
  • d’engager une réforme structurelle du système de l’asile ;
  • de simplifier les règles du contentieux relatif à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers.

C’est un texte considérablement modifié qui ressort de ces travaux. L’adoption de 127 amendements a permis de donner une nouvelle dimension au projet initial du Gouvernement dont les nombreux angles morts avaient été unanimement déplorés.

Le texte adopté par le Sénat veut rompre définitivement avec une politique migratoire « du fil de l’eau », et pose les fondations d’une « stratégie migratoire assumée ».

Le Sénat a prolongé la démarche entreprise par la commission des lois en mars dernier qui avait déjà imprimé sa marque sur le texte. Il a ainsi confirmé la mise en place de quotas migratoires ainsi qu’une restriction de l’admission au séjour pour motifs de regroupement familial ou de soins. Conformément à une position constante du Sénat, le remplacement de l’aide médicale d’État par une aide médicale d’urgence a également été confirmé, de même que les restrictions de visas et la modulation de l’aide au développement à l’encontre des pays délivrant peu de laissez-passer consulaires.

  • Pour un cahier des charges national dédié à l’évaluation de la minorité des MNA

Il a été difficile d’aborder la question des MNA dans la mesure où ce projet de loi n’a pas vocation à traiter des politiques de l’ASE. Cela étant, DF a transmis plusieurs amendements aux sénateurs issus de la motion adoptée par les Présidents afin d’aider les Départements à assumer leurs obligations au regard du très grand nombre de jeunes migrants arrivés sur leur territoire. La proposition d’un cahier des charges national élaboré en concertation avec les Départements a été adoptée malgré l’avis défavorable de la commission des Lois et du ministre qui ont rappelé l’arrêté du 20 novembre 2019 assorti d’un guide des bonnes pratiques, en faisant valoir que ces documents sont suffisants.

La proposition visant à donner un pourvoir d’appréciation au Président du Département pour accorder un contrat jeune majeur à un jeune migrant sous OQTF n’a pu aboutir ; la commission des Lois a considéré qu’il n’était pas cohérent qu’un Département aide une personne à rester alors qu’il lui a été demandé de partir.

Enfin, la proposition visant à attribuer à l’Etat la responsabilité de la mise à l’abri des MNA a été rejetée dans la mesure où la protection des mineurs n’est pas le sujet de ce texte de loi.

  • Sur la maîtrise des voies d’accès au séjour et à la nationalité

En matière d’immigration familiale, le Sénat a durci les conditions du regroupement familial, en rehaussant à 21 ans l’âge minimal pour en bénéficier et en excluant les aides personnelles pour le logement (APL) des prestations prises en compte pour apprécier les ressources du demandeur. Les conditions applicables au regroupement familial ont par ailleurs été étendues aux conjoints de Français et la condition de résidence pour obtenir une carte de résident pour motif familial a été portée de 3 à 5 ans. Enfin, le Sénat a restreint la réunification familiale, en particulier en supprimant la possibilité de réunification des fratries.

En matière d’immigration étudiante, le Sénat a conditionné la délivrance d’un premier titre de séjour au dépôt d’une caution visant à couvrir le coût d’éventuels frais d’éloignement. Il a également consacré dans la loi le principe de majoration des droits d’inscription pour les étudiants extra-communautaires. Le Sénat a restreint l’accès à la nationalité, en conditionnant son acquisition par les mineurs nés en France de parents étrangers à une manifestation de la volonté, à une durée de résidence de dix ans, ainsi qu’à une condition d’assimilation. Il a également porté de 4 à 5 ans le délai d’ancienneté du mariage requis pour devenir français par cette voie, et de 5 à 10 ans la condition de résidence pour la naturalisation.

Afin de renforcer le contrôle des mariages frauduleux, le Sénat a enfin incité le procureur de la République à prendre position dans les 15 jours du signalement de l’officier de l’état civil et doublé le délai du sursis à statuer qu’il peut ordonner afin de procéder aux investigations nécessaires.

  • Sur la lutte contre l’immigration irrégulière

Afin de rendre la France moins attractive pour les clandestins, le Sénat a réservé le bénéfice des prestations sociales non contributives aux étrangers résidant régulièrement en France depuis plus de 5 ans et a rétabli le délit de séjour irrégulier. Il a également exclu du bénéfice du dispositif d’hébergement d’urgence les étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou définitivement déboutés de leur demande d’asile, sous réserve d’exceptions.

  • Sur la politique d’intégration

Opposé à toute mesure qui s’apparenterait à une prime à la fraude, le Sénat a supprimé l’article 3 prévoyant une régularisation de droit des travailleurs dans les métiers en tension, au profit d’une procédure strictement discrétionnaire confiant la décision finale au seul préfet. Il a également supprimé l’article 4 autorisant certains demandeurs d’asile à accéder immédiatement au marché du travail. Le Sénat a par ailleurs créé un diplôme visant à récompenser les citoyens ayant acquis la nationalité et auteurs de parcours d’intégration exemplaires. Il a enfin facilité l’accès au séjour des étrangers victimes de « marchands de sommeil » portant plainte contre ces derniers.

  • Sur la mise en œuvre effective des décisions d’éloignement

Le Sénat a étoffé les motifs de refus ou de retrait de titre de séjour de séjour existant, en y incluant le non-respect par un étranger du « contrat d’engagement aux principes de la République » même en l’absence d’un trouble à l’ordre public, ainsi que la commission de faits incompatibles avec un parcours d’intégration effectif tels que la fraude documentaire, l’inexécution d’une décision d’OQTF ou tout crime ou délit commis à l’encontre d’un élu ou agent public.

Afin d’augmenter les marges de manœuvre de l’administration pour procéder à des éloignements effectifs, le Sénat a porté de 2 à 3 ans le délai de validité maximal d’une OQTF et de 5 à 10 ans celui d’une interdiction de retour sur le territoire français en cas de menace grave pour l’ordre public. La durée maximale d’une assignation à résidence a par ailleurs été augmentée pour atteindre 135 jours aux fins d’exécution de l’éloignement et 2 ans en cas d’impossibilité de quitter la France dans un court délai. Par ailleurs, le Sénat a acté la création d’un nouveau régime d’assignation à résidence et de placement en rétention des demandeurs d’asile.

Le Sénat a, en outre, réduit au minimum les régimes de protection existant contre l’éloignement, autour d’un principe simple : l’éloignement est la règle et la protection l’exception. Les protections contre les expulsions et les interdictions de territoire français ont notamment été réservées aux étrangers en situation régulière et leur levée a été autorisée en cas de condamnation pour des faits passibles de 3 ou 5 ans de prison, d’atteintes aux principes de la République ou de violence sur des élus ou des agents publics.

Le Sénat a également supprimé toute protection contre les OQTF, au profit d’une vérification par l’administration d’un éventuel droit au séjour au moment de l’émission de la mesure. Le Sénat a également imposé au préfet de délivrer une OQTF à l’encontre des déboutés du droit d’asile.

En matière de rétention administrative, le Sénat a admis la prise en compte d’un motif d’ordre public pour décider d’un placement et a doublé la durée de la première séquence de rétention, pour qu’elle atteigne 4 jours avant la première intervention du juge des libertés et de la détention.

  • Sur la politique d’asile

S’agissant de l’asile, le Sénat a tenu à garantir dans la loi l’information du demandeur sur sa possibilité d’être accompagné pour l’entretien individuel. Afin de lutter contre les détournements de la procédure, un nouveau régime d’assignation à résidence et, à défaut, de placement en rétention administrative a été créé, la visioconférence a été autorisée pour la tenue d’entretiens portant sur certaines demandes irrecevables, un nouveau cas d’irrecevabilité a été créé lorsque le demandeur jouit d’une protection analogue dans un pays tiers et une clôture automatique de sa demande a été prévue lorsqu’il quitte son lieu de résidence.

  • Sur le contentieux des étrangers

Enfin, le Sénat a complété la réforme du contentieux des étrangers opérée par la commission des lois en limitant les annulations pour vice de forme de placement en rétention aux seules causes substantielles de nullité. Il a par ailleurs prévu un caractère suspensif de l’appel contre une décision de remise en liberté lorsque l’étranger est retenu pour des motifs à caractère terroriste et instauré une procédure de « contradictoire asymétrique » pour les litiges portant sur des décisions d’éloignement fondées sur des éléments couverts par le secret défense.

 

Accéder au texte adopté par les sénateurs :

https://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2023-2024/58.html

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