C’est bien connu, après la pluie vient le beau temps. Et avec lui, s’est invité le vent.
Si le maillot jaune a eu le temps de sécher entre Copenhague et Roskilde, il a aussi été grandement ébouriffé lors de cette 2ème étape au Danemark, au point de changer d’épaule à l’issue de la traversée du détroit du Grand Belt. Constamment balayé par le vent, le 3ème plus grand pont suspendu au monde a donné quelques sueurs froides aux coureurs ainsi qu’à nos agents départementaux.
Trop loin, trop cher. Suffisant pour décourager les départements français.
Peu d’entre eux étaient candidats au voyage dans le grand Nord, pour le début de course le plus septentrional de l’histoire du Tour de France. Il n’y avait donc aucun département français présent à Roskilde, ancienne capitale danoise au charme balnéaire indéniable.
Nos équipes n’ont pas chômé pour autant. À 7h, six agents départementaux sur les onze venus au Danemark étaient déjà sur les routes, au volant de leurs trois fourgons respectifs. Ensemble, ils composent la patrouille avant. Toujours la première, elle part entre cinq et trois heures avant les coureurs. Sa mission : assurer la sécurité et le balisage du parcours sur chaque étape du Tour. «C’est la course avant la course», plaisante Loan Marcy, agent départemental des Hautes-Alpes. Il y a 3 ans, il a été contaminé par la fièvre de la Grande Boucle. Contagieuse et addictive, elle lui permet toutefois de lutter contre la fatigue. «Ça devient toujours un peu difficile vers 11h-12h».
Car d’ordinaire, le réveil est encore plus matinal, souvent aux alentours de 4h ou 5h du matin. A ses côtés, Jean-Philippe Sellier, venu tout droit des Vosges.
Nouveau dans l’équipe, il découvre la patrouille avant et son rythme soutenu.
Le Tour, travail et passion
120 panneaux de signalisation doivent être posés le long des 202,2km séparant Roskilde de Nyborg. «La moyenne, c’est 150», lui explique Loan. Et même avec trois heures d’avance sur la caravane publicitaire, pas le temps de traîner ! Au premier point dangereux du jour – un terre-plein central – les deux hommes bondissent presque simultanément du véhicule, attrapent le bon panneau et l’accrochent à l’aide d’un fil de fer sur un ballot de paille, planté devant eux sur la route. Durée de l’opération : moins d’une minute.
Les 3 fourgons communiquent via talkie-walkie. Les directives sont données par le responsable de la patrouille avant : Jean-Pascal Bourmaud. En tête de cortège, il guide le reste de l’équipe. L’étape du jour a été préparée la veille. Tous les points dangereux sont recensés dans un livre de bord. Terre-plein centrale, rond-point, dos d’âne… 19 dangers au total sont représentés sur les panneaux de signalisation. Principale difficulté du jour : le vent. Il oblige l’équipe à solidifier les panneaux davantage que d’habitude.
Un travail intense, bien sûr, et qui prend du temps : 8 heures pour parcourir l’étape du jour. Mais l’effervescence de la Grande Boucle n’est jamais bien loin. En terre danoise, la patrouille avant se prendrait presque pour une rock star, tant elle est saluée, acclamée, applaudie par la foule massée aux abords du tracé ! «C’est incroyable, je n’ai jamais vu un tel engouement à l’étranger», lance Jean-Pascal. «Si, en Angleterre!», rétorque son copilote.
Le pont de tous les dangers
Le Tour de France offre, il est vrai, des moments d’exaltation. Des moments privilégiés aussi. Bien en amont du peloton, sur des routes fermées au public, vierges de toute circulation, la patrouille avant se retrouve parfois seule au monde. Ce fut le cas sur le pont du Grand Belt. En réalité, 2 ponts de 7 kilomètres reliant les deux principales îles du Danemark. L’attraction du jour. Son plus grand danger aussi. Suspendus à 65 mètres au-dessus de la mer Baltique, nos agents ont délaissé les fourgons quelques minutes, pour immortaliser l’instant. Rien que le bruit du vent et de la mer. Le cliché est parfait. Il donne quelques frissons de bonheur.
Pour les coureurs, les frissons ont plutôt été des sueurs froides.
Après avoir traversé la campagne danoise, il a fallu batailler et tenir bon face au vent. Beaucoup rêvaient de voir un gars du coin s’imposer. L’occasion était idéale. Mais à l’arrivée, et malgré les nombreux marquages d’encouragement au sol tout au long du parcours, pas de Jonas Vingegaard, de Mads Pedersen ni de Kasper Asgreen, levant les bras au ciel. A Nyborg, c’est le néerlandais Fabio Jakobsen qui s’est offert la victoire au sprint final. Le maillot jaune, lui, revient à son dauphin : le Belge Wout Van Aert.
Plus qu’une chance de briller à domicile : demain lors de la troisième et dernière journée de course au Danemark.