Logement : évolutions législatives annoncées

Guillaume KASBARIAN, ministre délégué au Logement depuis tout juste 8 semaines, a réuni les associations d’élus ce mercredi 10 avril pour leur présenter, en avant-première, le contenu du futur « projet de loi pour développer l’offre de logement abordable ».

Renvoyant toute question de décentralisation/déconcentration de la politique du logement et incidemment, celle relative au profil, au rôle et aux moyens à allouer aux futures Autorités Organisatrices (incluant le budget MaPrimeRénov), aux conclusions de la mission Woerth et à des engagements financiers envisageables en 2025…, le ministre se dit parti d’une feuille blanche pour préparer un projet de loi déclinant 4 axes d’intervention destinés à relancer l’offre de logement et fournir des outils aux élus « pour leur permettre d’agir en liberté ».

Ce projet, envoyé au Conseil d’État dès cette semaine, devrait être présenté au Conseil des ministres le 7 mai prochain.

Affirmant répondre par ce texte aux demandes exprimées par les élus et les bailleurs sociaux, ayant co-construit une partie des mesures avec les acteurs dont l’USH, le ministre se dit preneur de toute proposition d’amendement allant dans le sens de la simplification, de la facilitation, ou de l’amélioration de l’offre.

À ce stade, le texte :

  • Ne fixe aucun objectif quantitatif national de construction, ne décline aucune perspective d’évolution ou d’amélioration du parcours résidentiel des citoyens, n’ouvre à aucune appréhension territorialisée des besoins et ne s’appuie dès lors sur aucune action concertée avec les acteurs territoriaux.

 

  • Ne comprend aucune disposition fiscale pour faciliter l’accession à la propriété – complexifiée par le coût du foncier et le coût inflationniste de la construction – ou en soutien à l’investissement locatif pour assurer la mutation et la rotation dans le parc social.
  • Ne comprend pas de mesure de soutien aux bailleurs sociaux pour la construction de logements sociaux, ni la démolition (crédits Anru).
  • N’inclut pas de dispositions incitatives de lutte contre la vacance.
  • Donne des prérogatives importantes aux maires (primo attribution/droit de veto caleol/contingent préfectoral…) et est annoncé contenir des moyens significatifs à destination des bailleurs sociaux pour permettre de rehausser loyers et surloyers….

Des outils pour des élus qui produisent du logement abordable

3 dispositifs ont été présentés au bénéfice des élus :

  • Rattrapage du LLI dans la loi SRU : dans la perspective annoncée de création de 75000 logements LLI, les maires des communes carencées pourront intégrer une part de LLI dans leurs objectifs SRU, calculée sur le flux.

Ne doutant pas que les futurs débats parlementaires se focaliseront sur cette mesure, le ministre a argué qu’il s’agirait d’une faculté donnée aux élus, et que cela constitue un vrai levier incitatif, qui permet d’équilibrer des opérations et donc de faire sortir du logement social dans les grands ensembles, favorable aux classes moyennes et incidemment au bénéfice de la mixité sociale.

Les associations représentatives des maires et intercommunalités ont toutes indiqué n’être pas demandeuses d’une modification de la loi SRU, mais souhaitent que les maires dans l’incapacité de remplir leur obligation ne soient pas stigmatisés. 

 

  • Pouvoir donné aux maires sur la primo attribution de logement (en s’appuyant sur la PPL Primas adoptée en 1ère lecture au Sénat en 2023) Quels seront les critères du pouvoir de veto donné aux maires ? 
  • Nouvel outil de régulation du foncier par l’élargissement du droit de préemption urbain. Cet élargissement se fera t-il comme aujourd’hui au prix du vendeur, ce qui ne permettra pas de faire du logement abordable. Ne pourrait on envisager à titre expérimental de bloquer le prix du foncier sur certains territoires de façon volontariste ?

 

Simplifier et accélérer les procédures administratives

  • Réduire de deux tiers les délais de recours pour produire plus vite (réduction de 6 à 2 mois des délais de recours gracieux, et parallélisme des délais recours gracieux/contentieux
  • Encourager la densification pavillonnaire douce (assouplissement des conditions de modification des règlements de lotissements, permettre aux collectivités de définir des orientations d’aménagement favorables à la densification et de déployer des opérations de renouvellement urbain)
  • Encourager les démarches d’aménagement global (pérennisation et élargissement de la faculté d’obtenir un permis d’aménagement qui porte sur plusieurs sites non contigus)

Axe 3 : Libérer l’investissement des bailleurs

  • Augmenter la production de Logement locatif intermédiaire (LLI) en permettant aux bailleurs de passer de 10 à 20 % de production, et de dégager des ressources en facilitant la revente de LLI (revente possible au bout de 10 ans ou au bout de 5 ans par le locataire (au lieu de 10)
  • Pilotage de la politique des loyers du parc social : lisser, pour les nouveaux entrants, le montant des loyers dans le neuf ou l’ancien et permettre aux bailleurs d’augmenter les loyers au niveau des plafonds réglementaires.

Selon le ministre, alors que la moitié des logements sociaux ne sont pas au plafond réglementaire, cette mesure proposée par l’USH redonnera des centaines de millions de ressources supplémentaires aux bailleurs… (sous réserve toutefois que les ressources des locataires le permettent).

  • Libérer l’initiative des bailleurs sur des montages économiques avantageux

 

Les associations d’élus ont collectivement regretté que la réduction de la la réduction du loyer de solidarité, principal frein à la capacité d’investissement des bailleurs sociaux, ne soit pas remise en cause et ne sera pas comblée par l’hypothétique augmentation des loyers ou surloyers.

Faciliter l’accès au logement abordable

  • Faciliter l’accès au logement des travailleurs des secteurs privés et publics
  • Renforcer la mobilité résidentielle pour que les logements sociaux soient occupés par ceux qui en ont le plus besoin : mieux tenir compte de l’évolution des revenus et de la constitution d’un patrimoine ; contraindre les bailleurs à réexaminer chaque année la situation des locataires
  • Renforcer les compléments de loyers pour les locataires dont la situation s’améliore pour inciter à la mobilité
  • Étendre le bail au parc social pour ceux qui se forment, sont en apprentissage ou en mutation professionnelle. Les associations ont fait valoir la faisabilité complexe de cette mesure face à l’embolie du parc HLM.
  • Accélérer la revente de LLI (par la réduction des délais de revente)
  • Faciliter la vente des logements sociaux (suppression de l’autorisation préfectorale au profit de la seule autorisation du maire, prévoir la gestion de la copropriété par le bailleur social après la vente)

Différents autres textes et propositions de lois complèteront l’arsenal proposé aux élus :

  • Adaptation des bureaux en logement. Soutien gouvernemental à la PPL de Romain Daubié présentée d’ici le 20 mai
  • PPL AirbnB d’Annaïg Le Meur sur la régulation des meublés touristiques dont le ministre est cosignataire présentée elle aussi d’ici le 20 mai au Sénat.

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