L’AMF, l’ADCF, l’ADF, l’APVF, France Urbaine, Ville et Banlieue… toutes apportent leur soutien au mouvement HLM contraint, dans le projet de loi de finances pour 2018, de baisser les loyers des locataires HLM APLisés. Leurs craintes : les « faillites » d’organismes HLM sur leurs territoires, l’arrêt des constructions et réhabilitations dans le parc social, l’impossibilité de lancer le programme Anru 2, le risque pesant sur les garanties d’emprunt que leurs collectivités ont signées…
Elles sont toutes inquiètes : l’Association des maires de France, l’Assemblée des communautés de France, l’Assemblée des départements de France, l’Association des petites villes de France, France urbaine, Ville & Banlieue… Leurs récentes prises de position, émises dans le cadre du congrès HLM de Strasbourg qui se tenait la semaine dernière, s’ajoutent à « l’appel des élus locaux pour le logement social » lancé durant le congrès. A l’heure où nous bouclons, cet appel a recueilli près de 6.300 signatures d’élus et de citoyens.
Les maires des petites villes sont souvent administrateurs d’offices HLM
L’Association des petites villes de France, présidé par le député de l’Ardèche Olivier Dussopt, a été la dernière en date à se manifester, par un communiqué du 3 octobre. Rappelant que « les maires de petites villes sont souvent administrateurs d’offices HLM (et donc) en première ligne sur ces questions », l’APVF se dit « inquiète » de la baisse des APL et de « la réduction unilétarale des loyers pratiqués par les bailleurs sociaux ». Cela risque selon elle de « déstabiliser les finances d’un certain nombre d’organismes » et « ne sera pas sans conséquence sur les finances des collectivités territoriales qui leur ont accordé leurs garanties et pourraient être ainsi appelé à couvrir leur emprunt ». Elle pointe également « un risque de désinvestissement dans le secteur du logement social avec des retards dans les projets de rénovation qui ne sera pas sans impact dans le secteur du bâtiment ». Elle conclut son communiqué en « invitant le gouvernement et le Parlement à revenir, dans le cadre de l’examen du PLF, sur les dispositions les plus contestables des mesures envisagées ».
Les départements appellent à un moratoire sur le financement du logement social
La veille, l’Assemblée des départements de France affirmait sa « solidarité » avec les acteurs du logement social. L’association estime en effet, dans un communiqué daté du 2 octobre, que « l’annonce gouvernementale d’imposer aux bailleurs sociaux une baisse des loyers sur les logements accueillant des ménages bénéficiaires des aides publiques (APL) fragilise leur action sur l’ensemble du territoire. Au-delà du déséquilibre financier probable, c’est leur capacité à produire, à rénover et à s’inscrire dans la transition énergétique qui sera durablement amputée ».
L’ADF évoque le risque d’un impact sur l’accomplissement des obligations de la loi SRU, mais aussi le risque portant sur les garanties accordées aux emprunts des organismes de logement social. Dans ce contexte agité, l’ADF demande donc « la mise en place d’un moratoire sur le financement du logement social pour engager une véritable et indispensable concertation avec tous les acteurs concernés ».
Selon François Baroin, « nous allons au-devant d’une grande mobilisation »
« Tous les maires de France, quelle que soit leur couleur politique, sont aux côtés du mouvement social de l’habitat », a affirmé François Baroin, à Troyes, vendredi 29 septembre (voir le communiqué). Le président de l’Association des maires de France, sénateur-maire de Troyes et président de Troyes Champagne Métropole prédit : « Nous allons au-devant d’une grande mobilisation, avec une volonté de prise de conscience du gouvernement. Il faut qu’il reconnaisse l’erreur qu’il est en train de commettre, c’est une énorme menace qui pèse sur les bailleurs sociaux, donc sur les logements, donc sur les habitants, et sur les collectivités. » Et d’ajouter : « Si le gouvernement ne recule pas, la rupture entre l’Etat et les territoires risque d’être consommée, et nous ne le souhaitons pas. »
François Baroin a annoncé à cette occasion que le bureau de l’AMF et la direction de l’Union sociale pour l’habitat allaient se réunir pour faire « cause commune ». Lors du congrès HLM, Jean-Louis Dumont, président de l’USH, avait également évoqué devant les journalistes le projet d’une mobilisation nationale réunissant les maires, les organismes HLM et les entreprises du bâtiment. L’idée était notamment de sensibiliser tous les acteurs du logement et l’opinion public en diffusant des simulations non seulement financières mais aussi sur l’arrêt des mises en chantier et des réhabilitations, les pertes d’emploi dans le BTP…
La veille de l’intervention de François Baroin à Troye, le bureau de l’AMF avait fait savoir que l’association était « bien sûr disposée à travailler encore plus étroitement avec l’USH pour faire partager les enjeux de la mixité sociale et du développement harmonieux des territoires ». Il soulignait également que « tous les territoires ne sont pas soumis aux mêmes pressions et que les réformes mises en place en matière de logement doivent en tenir compte et ne pas mettre en place un dispositif national calqué sur les territoires tendus ».
Les intercommunalités « s’attendent à être davantage sollicitées financièrement pour faire face aux pertes de ressources des bailleurs »
L’Assemblée des communautés de France avait fait connaître dès le 28 septembre sa position par un communiqué titré « Les communautés et métropoles solidaires des bailleurs sociaux ». Pour ses élus, « ce sont les politiques locales de l’habitat qui vont être bouleversées ». Et notamment parce que « les intercommunalités, qu’elles soient délégataires des aides à la pierre ou non, s’attendent à être davantage sollicitées financièrement pour faire face aux pertes de ressources des bailleurs ». Par ailleurs, « l’invitation des bailleurs sociaux à accroître la cession de logements pour financer de nouveaux programmes peut contrarier dans de nombreux territoires la poursuite des objectifs SRU en déclassant une part du patrimoine », souligne-t-elle.
L’ADCF pointe elle aussi « la fragilisation des équilibres financiers des organismes de logement social » qui « fera peser un risque sur les garanties d’emprunt que leur apportent les collectivités locales, ce qui est de nature à dégrader leur propre notation financière ».
Pour autant, l’association admet que « le mode de financement du logement social (…) doit certainement être réexaminé et repensé à long terme ». Mais elle ajoute aussitôt que « ce travail doit être conduit en concertation avec l’ensemble des acteurs publics concernés et soigneusement préparé ». Elle considère pour sa part que « c’est à la racine du problème qu’il faut agir » et « accorder la priorité » à une « stratégie de maîtrise et de réduction des coûts fonciers » via « une libération accélérée des terrains mutables mais aussi une révision en profondeur des mécanismes bancaires et fiscaux qui exercent des effets inflationnistes sur les valeurs foncières, les prix de l’immobilier et le pouvoir d’achat des ménages ».
France urbaine alerte sur « les « risques de crispation, d’enlisement et de ralentissement des opérations d’aménagement »
Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de Toulouse métropole, et Yvon Robert, maire de Rouen, ont envoyé le 28 septembre un courrier à Jacques Mézard au nom de la commission « Politique de la ville et sociale » mise en place par France urbaine, l’AMF et Ville & Banlieue. Ils sollicitent auprès du ministre de la Cohésion des territoires « une audition dans les meilleurs délais », devant ce que France urbaine appelle les « risques de crispation, d’enlisement et de ralentissement des opérations d’aménagement, que le congrès HLM de Strasbourg a laissé entrapercevoir ». « Nous souhaitons vous alerter sur l’ampleur de l’émotion qui grandit auprès des acteurs quotidiens du logement social », écrivent Jean-Luc Moudenc et Yvon Robert, ajoutant qu' »il est nécessaire que vous puissiez en prendre la pleine mesure ». France urbaine fait par ailleurs savoir que ses élus « seront vigilants à ce que le budget de l’Anru soit effectivement doublé dans les prochains mois (de 5 à 10 milliards d’euros), comme annoncé » et souligne que « au passage, il apparaît difficile voire contradictoire d’appeler les bailleurs sociaux à faire un effort financier pour soutenir le NPNRU, tout en les fragilisant avec la réforme des APL et la baisse des loyers dans le parc social (NDLR : le gouvernement comptait sur 2 milliards d’euros de l’USH pour parvenir aux 10) ».
Ville & Banlieue s' »alarme » de la « fragilisation » des organismes bailleurs sociaux
Marc Vuillemot, président de Ville & Banlieue et maire de La Seyne-sur-Mer, a adressé quant à lui, le 27 septembre, un second courrier à Emmanuel Macron lui demandant audience (le premier courrier, daté du 3 août suite à la parution du décret du 20 juillet portant annulation de crédits, étant resté sans réponse, voir notre article Politique de la ville – La promesse de « sanctuariser » les crédits pour 2018 ne suffit pas à faire passer les coupes de 2017). Parmi plusieurs sujets de mécontentement, il s' »alarme » de la « fragilisation des organismes bailleurs sociaux suite aux annonces relatives à l’aide personnalisée au logement ».
Bref, il ne manque que les régions. Sans doute ont-elles d’autres sujets d’actualité (voir notre article d’hier Le président de Régions de France, Philippe Richert, démissionne et quitte la politique). Et puis, le logement social est assez éloigné de leurs compétences, même si, comme toutes les collectivités territoriales, les régions sont autorisées, depuis 1982, à se porter garantes des emprunts souscrits par les organismes HLM*.
A noter qu’aucune association d’élus ne fait référence aux contreparties que l’Etat envisage à la perte de recette supposée des bailleurs sociaux. Les mesures évoquées par l’Etat pour compenser les baisses des loyers semblent balayées d’un revers de main. Les associations d’élus estiment-elles que ces contreparties sont « inexistantes, anecdotiques, mensongères ou à effet à moyen/long terme » ainsi que le dit le mouvement HLM ? Ou ont-elles uniquement saisi l’occasion de malmener l’exécutif, ainsi que l’évoquent certains commentateurs ?
*Tout prêt émis par la Caisse des Dépôts et destiné à financer la construction, l’acquisition ou l’amélioration de logement locatif social doit être garanti par une collectivité, la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) n’intervenant que si l’organisme HLM n’obtient pas l’accord de la collectivité qu’il sollicite, ou si la garantie obtenue n’est que partielle.
« Il n’y aura aucun perdant », assure Julien Denormandie
Le projet de loi de finances pour 2018 a confirmé l’obligation faite aux bailleurs sociaux de baisser les loyers de leurs locataires touchant les APL afin de réduire les versements des aides par l’Etat à hauteur de 1,5 milliard d’euros, via un mécanisme dénommé « Réduction de loyer de solidarité » (RLS). Pour le bailleur, cela reviendrait à une baisse de 60 euros de loyers pour les locataires APLisés, soit l’hypothèse haute retenue jusque-là. Petite surprise au passage : le PLF 2018 prévoit que les baisses de loyers pourront être supérieures à la baisse des APL. « Ainsi le pouvoir d’achat des allocataires sera préservé, aucun bénéficiaire des aides au logement ne verra sa situation se dégrader », insiste le gouvernement. « Les locataires ne sont pas mis à mal » et « les bailleurs ne seront pas mis à mal », a martelé Julien Denormandie au dernier jour du congrès HLM de Strasbourg qui se tenait les 26, 27 et 28 septembre. Selon le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires, il n’y aurait donc aucun « perdant », a-t-il promis devant une salle qui a exprimé clairement son scepticisme (voir notre article du 28 septembre).
Car « pour accompagner les bailleurs sociaux dans cette réforme et éviter une dégradation de leur situation financière, ceux-ci bénéficieront d’avantages économiques. Ces avantages engendreront une amélioration de trésorerie pour les bailleurs, répercutée à la baisse des loyers », explique le ministère dans son communiqué de presse de 3 pages sur le budget 2018 du portefeuille de la Cohésion des territoires qui englobe les politiques du Logement, de l’Urbanisme, de la Politique de la ville et de l’Aménagement du territoire. Les contreparties sont connues depuis le plan Logement présentée le 20 septembre : allongement des prêts, rémunération du livret A bloqué à 0,75, prêts de haut de bilan, vente de logements sociaux…
V.L.