La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale a proposé, ce 9 mai, de faciliter les expérimentations conduites par les collectivités territoriales et de permettre un exercice plus souple des compétences locales. Elle va préparer des amendements au projet de loi constitutionnelle présenté le même jour en conseil des ministres.
Le jour même de la présentation en conseil des ministres du projet de loi constitutionnelle qui instaure un droit à la différenciation entre collectivités territoriales (voir notre article ci-dessous), une « mission flash » de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale a proposé de donner aux collectivités plus de liberté pour procéder à des expérimentations et adapter leur action aux réalités locales.
Depuis la révision constitutionnelle de 2003, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, sous certaines conditions, « déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences » (article 72 alinéa 4 de la Constitution). La même réforme constitutionnelle a introduit dans la Constitution un article 37-1 selon lequel « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».
Quinze ans après l’instauration de ces nouveautés, 36 expérimentations ont été conduites, selon le bilan mené par la délégation. 9 ont été lancées sur la période de 2004 à 2006 et une dizaine dans les années suivantes. Enfin, 17 expérimentations lancées ces dernières années, sont en cours. Sur ces 36 expérimentations, 28 ont été initiées sur la base de l’article 37-1 de la Constitution et seulement 4 sur le fondement de l’article 72 alinéa 4 (4 ne sont pas classées), a détaillé Jean-René Cazeneuve, président LaREM de la délégation et rapporteur de la mission flash. Au total, les expérimentations ont débouché sur 14 généralisations et 4 abandons. L’issue n’est bien sûr pas encore connue pour les 17 expérimentations en cours.
Assouplir le droit à l’expérimentation
« Le législateur a prévu plusieurs cas d’exercice différencié des compétences des collectivités territoriales », a aussi indiqué le député. Il a cité le cas des transferts de compétences des communes vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et celui de la délégation de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales. Cette dernière possibilité a été très peu utilisée, a-t-il précisé. Selon un récent rapport de l’Inspection générale de l’administration, seule la région Bretagne y a recouru « dans les domaines de la culture et de l’emploi ».
Le législateur adapte d’ores et déjà les normes aux spécificités des territoires, a-t-il aussi souligné. C’est le cas lorsqu’il applique des règles spécifiques à certaines collectivités « pour des raisons d’ordre géographique ou démographique ». Mais, « il ne s’agit pas d’un pouvoir d’adaptation des normes attribué aux collectivités elles-mêmes, ce qui serait contraire au cadre constitutionnel actuel ».
La mission flash propose d’assouplir les modalités d’utilisation du droit à l’expérimentation par les collectivités territoriales prévu à l’article 72 de la Constitution, en créant une alternative à la généralisation au terme de l’expérience. L’alinéa 4 serait ainsi complété pour préciser que « les expérimentations peuvent à leur terme, soit être abandonnées, soit être maintenues et généralisées à l’ensemble du territoire national, soit être maintenues pour tout ou partie des collectivités expérimentatrices et, le cas échéant, étendues à des collectivités qui n’avaient pas participé à l’expérimentation », a déclaré le député LR Arnaud Viala, autre rapporteur de la mission flash. Celle-ci préconise aussi d’alléger la procédure de mise en œuvre des expérimentations locales, notamment en accordant aux préfets le pouvoir de décider de lancer ou non celles-ci. De nouvelles expérimentations pourraient ainsi être facilitées, par exemple pour la gestion de l’eau ou l’urbanisme, deux domaines souvent cités lors des auditions menées par la mission.
Transferts de compétences entre collectivités
Celle-ci préconise encore d' »ouvrir de nouvelles possibilités encadrées de différenciation des compétences » des collectivités territoriales. « Nous proposons de compléter l’article 72 (alinéa 2) de la Constitution pour prévoir que la loi puisse autoriser, dans des conditions définies par la loi organique, certaines collectivités territoriales d’une même catégorie à exercer des compétences en nombre limité, transférées par l’Etat ou les collectivités territoriales d’une autre catégorie », a expliqué Arnaud Viala. Cette faculté pourrait s’exercer pour les lycées actuellement gérés par les conseils régionaux et les collèges gérés par les conseils départementaux, a-t-il précisé. Sa mise en œuvre permettrait d' »assurer une meilleure efficacité de l’action publique ».
Par ailleurs, la mission recommande de compléter l’article 72 de la Constitution par un nouvel alinéa prévoyant que « toute loi ou tout règlement comportant une disposition applicable aux collectivités territoriales ou ayant un impact significatif sur elles, prend en compte les spécificités des territoires et des collectivités concernés ». La même disposition affirmerait que « la loi ou le règlement peut autoriser les collectivités territoriales, dans des conditions précisées dans la loi organique, à adapter aux spécificités de leurs territoires les dispositions législatives et réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences ». Avec cette proposition, les députés vont « plus loin que ce que le gouvernement a en tête », a souligné Jean-René Cazeneuve.
Selon lui, la mission va à présent « faire un travail législatif pour voir comment [ses propositions] peuvent se traduire en amendements », puis elle va « travailler avec le gouvernement ».