À la veille des premières rencontres nationales départements – CNSA, Anne Burstin, directrice de la CNSA, et Frédéric Bierry, président du Conseil départemental du Bas-Rhin et de la commission Solidarité et Affaires sociales de l’ADF, partagent leurs attentes quant à cette journée.
La collaboration entre la CNSA et l’ADF existe désormais depuis plus de 10 ans, pourtant jamais une telle réunion n’a été organisée. Pourquoi cette décision en 2018 ?
Anne Burstin : La décision d’organiser cette journée s’est imposée assez naturellement.
La CNSA et l’ADF ont progressivement approfondi leur relation au cours de ces dix années. L’évolution des politiques de l’autonomie et les récentes réformes ont rapproché nos deux institutions et ont renforcé les liens entre la CNSA et les départements. La représentation des conseils départementaux au sein de notre Conseil s’est étoffée et nos équipes travaillent ensemble au quotidien pour mettre en œuvre les grandes réformes du champ des politiques de l’autonomie (les mesures de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, la démarche « réponse accompagnée pour tous », le système d’information commun des MDPH par exemple). Cette collaboration doit encore s’amplifier. En effet, les enjeux et les défis à relever sont majeurs pour les départements, mais aussi pour la CNSA. Cela impose, au-delà des échanges techniques, de créer un lieu d’échange stratégique. Les Rencontres offrent ce nouveau cadre plus politique.
Cette initiative s’inscrit dans l’accompagnement des transformations du secteur médico-social et plus largement dans un mouvement qui doit impliquer l’ensemble de la société pour plus d’inclusion et pour une expression réelle de la citoyenneté des personnes âgées et des personnes handicapées : diversifier les modes d’accompagnement des personnes, soutenir les proches aidants, transformer l’offre médico-sociale actuelle, venir en appui des professionnels du secteur, etc. Ces orientations politiques, stratégiques, concernent tous les acteurs du secteur et, en tant que chefs de file des politiques de l’autonomie, les départements. Il est donc indispensable de prendre le temps d’échanger, de partager en capitalisant sur les expériences locales : les réussites, mais aussi les écueils rencontrés, les difficultés surmontées ou à lever. C’est par ailleurs une attente forte des départements de pouvoir échanger entre eux sur les politiques qu’ils mettent en œuvre.
Frédéric Bierry : La collaboration entre l’ADF et la CNSA est de grande qualité. Les Départements sont représentés au conseil d’administration de cet établissement public où ils disposent d’une vice-présidence. Les travaux collaboratifs sont réguliers et nous pilotons avec la CNSA de nombreux chantiers : réponse accompagnée pour tous, transformation de l’offre, système d’information, etc.
Face aux enjeux du handicap et grand âge, nous avons décidé conjointement avec Marie-Anne Montchamp de donner une nouvelle dimension à notre collaboration. L’idée d’organiser conjointement une journée nationale, associant notamment les élus départementaux, est devenue une évidence. C’est véritablement une première.
L’enjeu du grand âge nous oblige. Il nous faut anticiper une nouvelle société. Nous aurons davantage de personnes à accompagner. De plus, il nous faudra tenir compte des nouveaux besoins et des nouvelles aspirations des personnes et de leurs familles. Ce phénomène, qui concerne aussi les personnes handicapées vieillissantes, doit nous interroger en matière de prévention, d’accompagnement, de gestion des situations complexes, d’emploi, de parcours résidentiel.
Quels sont les objectifs de cette journée ? Qu’en attendez-vous ?
Anne Burstin : Il s’agit d’impulser une relation plus stratégique entre les conseils départementaux et la CNSA, de partager ambitions et expériences. L’objectif est de dégager des orientations communes pour répondre aux besoins des personnes âgées et des personnes handicapées, mais aussi de repérer et valoriser tout ce qui permet de faire progresser les coopérations locales entre départements, agences régionales de santé, représentants des établissements ou services et services déconcentrés de l’État. Je souhaite également que nous nous donnions pour objectif commun d’agir pour plus d’équité sur les territoires et entre les territoires.
La CNSA sera à l’écoute de ces témoignages et des besoins exprimés par les acteurs locaux et veillera à y répondre en ce qui la concerne. Elle s’attachera notamment à une animation plus décloisonnée, « croisée », des réseaux : départements, ARS, MDPH en particulier. Elle pourra aussi offrir des espaces de mutualisation interdépartementale sur des sujets qui imposent des synergies, comme les systèmes d’information par exemple.
Frédéric Bierry : Les personnes en situation de handicap ont besoin de réponses concrètes. Nos aînés en perte d’autonomie également. Nous souhaitons donc partir du local, de manière très pragmatique. En liant proximité et innovation. Nous donnerons donc la parole aux Départements, aux agences régionales de santé et à de grands témoins, tel Denis Piveteau.
Nous consacrerons également un temps important à la prospective : quelle société voulons-nous ? Quel nouveau modèle souhaitons-nous construire ensemble ? L’ADF a déjà présenté sa vision de l’avenir des politiques sociales départementales fin 2016. Nous allons faire part très prochainement de nos propositions concrètes en matière de retour à l’emploi. J’aurai alors l’occasion de développer les pistes que porte l’ADF en la matière. Je suis personnellement un farouche défenseur du travail pour tous. Ne laisser personne au bord de la route. Croire dans les talents de chacun. Accompagner dans la durée. Voilà les maîtres mots de notre engagement en faveur des plus fragiles, et notamment les personnes âgées et handicapées.
La journée permet aussi de reconnaître le travail des élus, des acteurs de l’administration, les directeurs… Ce qui est à faire, ce qui est à préparer est ambitieux, engage des changements profonds (généralisation de la réponse accompagnée pour tous, mise en place des systèmes d’information, mise en place de la loi d’adaptation de la société au vieillissement dans toutes ses déclinaisons)….
Anne Burstin : Notre souhait est aussi de créer un climat propice à des échanges sans tabous, mais sereins : il ne s’agit pas de nier les difficultés, mais de se donner pour volonté partagée de les dépasser. La CNSA a pour ambition d’être un lieu de débats riches et constructifs entre l’ensemble des parties prenantes.
La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a d’ailleurs choisi ce temps fort avec les départements et l’ensemble des acteurs pour présenter sa feuille de route en faveur des personnes âgées.
Avec cette journée, quelles sont les perspectives à ouvrir pour renforcer la collaboration entre les départements, l’État et la CNSA ?
Frédéric Bierry : Ensemble, nous nous inscrivons résolument dans une démarche prospective.
Ce n’est pas tant la collaboration qu’il faut renforcer -elle est déjà excellente- mais plutôt une réflexion ancrée sur les réalités locales et sur l’environnement des Français. Il faut véritablement simplifier la vie quotidienne des personnes en situation de handicap et des personnes âgées en perte d’autonomie. Cela réclame d’examiner de très près les actions innovantes qui ont été développées localement. Afin de permettre à chacun de pouvoir s’en inspirer. Apporter de vraies réponses, concertées avec les familles. Bannir les procédures trop administratives et parfois incompréhensibles. Nous concentrer sur les aspirations et les souhaits des personnes.
Plus que jamais contraint par un niveau de dépenses considérable en faveur des plus fragiles mais totalement concerné par les solidarités humaines, le Département est devenu la collectivité la plus résiliente. Au même moment, nous n’avons jamais été aussi proches de nos concitoyens, et jamais aussi inventifs.
Proximité et innovation : voici les deux priorités qui devraient guider cette journée. L’accompagnement des personnes nécessite enfin un profond changement de pratiques, en mettant la personne au cœur des démarches.
Anne Burstin : De manière très opérationnelle, je souhaite que cette journée puisse donner lieu à la mise en place de nouvelles modalités de travail avec les départements qui permettent d’accompagner les acteurs dans leurs pratiques professionnelles comme nous le faisons aujourd’hui, mais aussi d’éclairer les décideurs (directeurs de l’autonomie, élus en charge de ces politiques) dans la définition de leur stratégie.
Elle sera également le socle des réflexions que nous avons à engager avec l’État et les départements pour renouveler avec de nouvelles ambitions nos conventions pluriannuelles qui arriveront à échéance à la fin de l’année 2019.