Reprenant une promesse de campagne du Président de la République Emmanuel Macron, le Gouvernement s’est engagé à l’automne 2018 à construire 15 000 places de détention supplémentaires et à créer 20 nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) d’ici 2027. Plus de 4,6 milliards d’euros ont été alloués à ces deux programmes ambitieux. Mais à mi-parcours, force est de constater que le chantier a pris beaucoup de retard. Au point d’être devenu irréalisable ?
Les conclusions du rapporteur spécial Antoine Lefèvre (LR-Aisne) sont sans appel : l’échéance de 2027 devrait être largement dépassée et le coût total de ces deux plans supérieurs d’au moins 20 % par rapport aux prévisions initiales. Certains projets connaissent d’importants dérapages budgétaires et calendaires : le coût prévisionnel des travaux sur le centre pénitentiaire de Bordeaux‑Gradignan a augmenté de 50 %, tandis que les délais de livraison du centre de Basse‑Terre ont été allongés de sept ans. Au total, seulement 2 771 places nettes et trois centres éducatifs fermés ont été livrés au 1er juillet 2023.
Or, la situation carcérale française est alarmante : 74 513 personnes étaient détenues et écrouées au 1er juillet 2023, alors même que le plan 15 000 a été calibré pour une population de détenus de 75 000 personnes en 2027. Il est déjà acté que les capacités du parc seront saturées avant même l’achèvement du plan. En plus de conduire à des conditions de détention indignes, la surpopulation et l’état du parc immobilier pénitentiaire se traduisent par des conditions de travail elles aussi difficilement supportables pour les personnels de l’administration pénitentiaire.
Après avoir explicité les causes de ces écarts – autant structurelles que conjoncturelles – et sans remettre en cause la nécessité de ces deux programmes immobiliers, le rapporteur spécial a formulé 12 recommandations pour s’assurer que ces deux plans s’achèvent dans de bonnes conditions.
Il défend notamment le déploiement d’équipes « test » sur les chantiers, pour remédier le plus en amont possible aux défauts majeurs de conception. Il est difficilement concevable que les châssis des fenêtres d’un établissement tout juste livré puissent être démontés en quelques minutes à l’aide d’un coupe‑ongles ou que les mineurs d’un centre éducatif fermé aient facilement accès aux boutons de sécurité permettant d’ouvrir toutes les portes…
Parmi les autres recommandations avancées, figure celle de finaliser l’outil de suivi du parcours des mineurs d’ici 2024, en le rendant accessible au secteur associatif habilité, et produire des évaluations sur la récidive et la réitération des mineurs pour mesurer l’efficacité des mesures de placement (ministère de la justice).