Le 4 décembre 2024, la commission des affaires économiques a modifié la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Une autre proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie a également été adoptée. Elle vise notamment à compléter le Pacte en faveur de la haie annoncé fin 2023 par le Gouvernement. Ces deux textes doivent maintenant être examinés en séance publique, à une date non encore connue.
Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur
Cette proposition de loi présentée par plusieurs sénateurs s’inscrit en complémentarité de l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
Elle vise à apporter des réponses concrètes à des situations d’impasses dans lesquelles se trouvent de nombreuses filières agricoles françaises, suscitant incompréhension et désarroi parmi les agriculteurs, et contribuant à la montée de la colère dans les campagnes en même temps qu’à un déclin rapide des performances de la ferme France.
Les mesures proposées sont le fruit de multiples travaux du Sénat, d’initiatives de parlementaires, et de l’écoute attentive des besoins urgents des filières agricoles. Elles entendent :
- S’attaquer de front à certains totems néfastes à l’économie agricole, à l’instar de la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques ;
- Revenir sur certains surtranspositions pesant lourdement sur notre compétitivité, et notamment l’interdiction de l’usage des produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes, dans le respect du droit européen ;
- Œuvrer à faire de l’activité agricole une priorité nationale en tant qu’elle nourrit la nation.
Les travaux des sénateurs
Le choix de sécuriser juridiquement le texte sans en affecter l’ambition politique a guidé les travaux sénatoriaux. Ainsi, la commission des affaires économiques a souhaité :
- Dessiner les contours d’un conseil stratégique global facultatif au service des agriculteurs ;
- Permettre au ministre chargé de l’Agriculture de prendre des décisions relatives aux demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, dans le respect des règles européennes ;
- Inscrire dans le marbre de la loi le principe du contrôle administratif annuel unique des exploitations agricoles, mesure attendue par le monde agricole.
Accédez au texte de la commission :
https://www.senat.fr/leg/ppl24-186.html
Préservation et de la reconquête de la haie
Dans un contexte où le nombre de haies diminue chaque année en France, le Gouvernement a décidé de se fixer un objectif : compter 800 000 kilomètres de haies en 2030, soit 50 000 de plus qu’aujourd’hui. Telle est l’ambition du « Pacte en faveur de la haie » présenté en octobre 2023 par le Gouvernement.
Les haies, dont les alignements d’arbres et les trames bocagères, constituent un formidable levier de la transition écologique, et de lutte contre le réchauffement climatique. Elles brisent le vent, sont une ombre précieuse pour le bétail, permettent de lutter contre l’érosion et sont un réservoir à biodiversité. Elles retiennent aussi l’eau et stockent le carbone.
Enfin, dernier atout environnemental : leur valorisation. Les haies sont source de bois énergie et peuvent être transformées en bois de chauffage. Les haies présentent donc de multiples vertus en plus d’agrémenter nos paysages ruraux et d’être bénéfique pour l’économie locale.
Mais elles ont été fortement malmenées lors des remembrements fonciers des années 1970, puis par les mutations agricoles de ces cinquante dernières années.
Le rythme annuel de disparition des haies a plus que doublé en France entre 2017 et 2021. La France a ainsi perdu 23 500 kilomètres de linéaire tous les ans au cours de cette période, contre 11 500 kilomètres par an entre 2006 et 2014, comme le constate le rapport « La haie, levier de la planification écologique », publié par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER ) le 26 avril 2023.
Si différents dispositifs d’action publique et de mesures agroenvironnementales existent pour promouvoir la mise en place et l’entretien des haies bocagères, cela reste trop marginal face à l’ampleur du phénomène.
Les travaux de la commission des Lois
En commission des Affaires économiques, les sénateurs ont convergé sur le fait que l’on ne replanterait et maintiendrait des haies qu’avec et pour l’agriculture, et non pas contre elle. C’est par des incitations, non des sanctions, que les pouvoirs publics changeront le regard sur les haies, trop souvent perçues aujourd’hui comme des charges. La commission a ainsi :
– supprimé l’article 4, qui créait un crédit d’impôt forfaitaire de 3 500 € par an et par entreprise agricole certifiée pour la gestion durable des haies, au profit d’un amendement adopté au PLF vendredi 29 novembre, prévoyant que 60 % des dépenses engagées pour la gestion durable des haies soient éligibles au crédit d’impôt, sous un plafond de 4 500 €. Cosignée par 67 sénateurs de l’ensemble des groupes du Sénat, cette mesure donne tout son sens au reste du texte. Cela étant, cette disposition devra encore être revue suite à l’annulation de la loi de finances 2025 consécutive au vote à l’Assemblée nationale de la motion de censure.
– mieux articuler l’article 1er, qui date de juillet 2023, avec le « Pacte en faveur de la haie » publié en octobre 2023, afin de capitaliser sur les initiatives existantes : la stratégie pour la gestion durable et la reconquête de la haie ne serait plus opposable en droit mais définirait toujours des objectifs (en termes de haies gérées durablement et de matière sèche mobilisée en bois énergie), à l’ambition révisée pour plus de crédibilité ;
À noter dans cet article 1er, la définition d’une Stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie. Celle-ci devra aboutir à un plan national doté d’une instance de concertation et de suivi. Cette instance comprendra notamment des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements.
– fixé à l’article 2 des critères exigeants de gestion durable, le principe de leur adaptation au contexte climatique des territoires et prévu la reconnaissance, par arrêté ministériel, d’une ou plusieurs certifications satisfaisant ces principes (plutôt que de créer un label public unique ou au contraire de laisser faire le seul jeu de la concurrence), afin de concilier ambition et lisibilité de la démarche d’une part, et massification de l’autre.
Accédez au texte de la commission :