Le 22 octobre, en séance publique, les sénateurs ont refusé d’approuver le projet de loi portant approbation des comptes de l’année 2023, comme les députés une semaine auparavant. Il en a été de même pour le projet de loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2023.
Le rejet de ces textes qui arrêtent le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État de l’an dernier, et le résultat financier qui en découle, n’a pas de conséquences budgétaires concrètes. Seul leur examen, avant celui du projet de loi de finances et du projet de loi de Financement de la Sécurité sociale est nécessaire.
Le vote a été néanmoins l’occasion pour les sénateurs d’exprimer leur désapprobation sur la gestion budgétaire de l’année 2023, qui a eu un impact majeur sur celle de 2024.
Selon Isabelle Briquet (Haute-Vienne) « Nous y sommes : la catastrophe annoncée trouve ici sa traduction. Ce n’est pas faute d’avoir dénoncé la théorie du ruissellement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce texte atteste de l’inefficacité des politiques menées et de l’impasse fiscale des différents gouvernements depuis 2017.
Estimé à 5,5 % du PIB, le déficit de l’État s’est aggravé de 80 milliards d’euros par rapport à 2019. Hors crise, un tel niveau n’avait jamais été atteint sous la Ve République. L’écart entre prévision et exécution est, lui aussi, inédit : sur les 25 dernières années, un tel écart n’a été atteint qu’en 2008, lors de la crise financière.
En 2023, il ne s’agit pas d’une erreur dans la prévision de croissance, mais bien de recettes fiscales du budget général en nette régression, passant de 330,3 milliards d’euros en 2022 à 322,9 milliards d’euros en 2023. Le déficit n’a pas été creusé par une hausse des dépenses, mais par une baisse irrationnelle des recettes. Chaque année, il manque 62 milliards d’euros dans les caisses de l’État » a-t-elle déclaré.
Vanina Paoli-Gagin (Aube) : « Cet exercice 2023, et celui de 2024 montrent que nous devons procéder à un changement systémique pour mettre un terme, dès 2025, à la spirale de ce déficit structurel sans fin, qui dure depuis quarante-trois ans. L’effort que nous nous apprêtons à demander à nos administrations, à nos collectivités territoriales, à nos concitoyens, à nos entreprises est inédit. Il faudra être à la hauteur en faisant preuve de sérieux : ne pas alourdir les dépenses ni la fiscalité – dans un pays où elle est l’une des plus lourdes au monde ».
Christine Lavarde (Hauts-de-Seine). « Les dépenses publiques hors crédits d’impôt ont augmenté en valeur deux fois plus vite que les recettes fiscales. La baisse de la dépense a consisté à éteindre les dispositifs d’urgence et de relance. La Cour des comptes l’a dit : aucune mesure structurelle significative d’économies n’avait été prévue. Dans son avis du 15 avril dernier, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a donné la voie à suivre : une action résolue sur la dépense publique et un réexamen des dépenses fiscales.
Ne nous méprenons pas sur le rôle des collectivités territoriales. Certes, en 2023, leurs dépenses ont pu être supérieures par rapport à ce que la loi de programmation avait prévu, mais elles ont soutenu la croissance grâce à 4,5 milliards d’euros d’investissements, sans s’endetter massivement.
Les Départements sont dans un cas très particulier : leur épargne brute a baissé de 39 % en raison de la chute des droits de mutation et de la hausse des dépenses sociales ».
Financement des comptes de la Sécurité sociale 2024
Les sénateurs ont mis en avant l’impossibilité pour la Cour des comptes de certifier les comptes 2023 de la CNAF et de la branche famille, en raison notamment du maintien d’une proportion élevée de paiements erronés. Dans le cas de l’indicateur à 9 mois, les erreurs résiduelles sont en augmentation, passant de 9,9 % en 2022 à 10,9 % en 2023.
S’agissant de l’appréciation de l’efficience des dépenses sociales, ils ont observé que les annexes au Placss ne respectent encore qu’imparfaitement la loi organique, même si des progrès ont eu lieu par rapport à l’année dernière.
Ainsi, d’une part, les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) n’indiquent toujours pas les résultats atteints lors des trois dernières années comme le prévoit la loi organique.
D’autre part, l’annexe relative aux niches sociales n’évalue toujours pas un tiers de ces niches, au moment du dépôt du Placss, seulement 13 % des niches (correspondant à 20 % du montant) avaient été évaluées.
À l’occasion du débat, la sénatrice Elisabeth Doineau a rappelé que la commission des Affaires sociales du Sénat s’est penchée sur les relations entre la CNSA et les départements. En la matière, une réforme est urgente pour simplifier l’architecture des concours, les rendre plus lisibles et plus cohérents et répondre aux besoins territoriaux.