Charte européenne de l’autonomie locale en France : « Une application des traités à géométrie variable »

17 ans après sa ratification, la Charte européenne de l’autonomie locale n’est toujours pas appliquée en France. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe qui en évalue la mise en œuvre le déplore, dans son deuxième rapport évoquant une décentralisation incomplète, un manque d’autonomie financière et des marges de manœuvre limitées pour les collectivités locales.

« L’application des traités internationaux n’est pas à géométrie variable. Combien de fois nous a-t-on opposé que telle ou telle disposition que nous réclamions comme, par exemple, celle consistant à privilégier les productions locales dans nos appels d’offres n’était pas conforme aux traités européens ? », s’est interrogé François SAUVADET, Président de Départements de France.

DF appelle ainsi le Gouvernement à appliquer l’article 9 de la Charte qui traite de l’autonomie fiscale des collectivités, en particulier ses alinéas 3 et 4 qui disposent qu’ « une partie des recettes des collectivités doivent provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles fixent le taux » et que « les systèmes financiers sur lesquels reposent ces ressources doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l’évolution réelle des coûts de l’exercice de leurs compétences ».

 Les corapporteurs notent en effet « une diminution progressive de la fiscalité locale entraînant une centralisation excessive du financement des collectivités territoriales ».

Les Départements, qui n’ont plus de leviers fiscaux et voient leurs recettes dégringoler en même temps que les dépenses imposées par l’État explosent, réclament de longue date une autonomie financière. « Il faut nous redonner du souffle et de l’autonomie financière. On ne peut pas disposer de nos ressources au gré des besoins de communication des différents ministères. Pour être crédibles et effectives, les promesses doivent être finançables », a déclaré François SAUVADET.

Le Congrès enjoint ainsi le Gouvernement à accroître le pouvoir décisionnel des collectivités territoriales pour que l’autonomie fiscale devienne un principe effectif ; à réviser périodiquement les coûts liés aux compétences transférées ou encore à réduire progressivement l’importance du financement contractuel des autorités locales et régionales.

Mélanie LEPOULTIER, Présidente de la délégation française au CPLRE et vice-présidente du Département du Calvados a, de son côté, témoigné de l’inquiétude des élus locaux face à la multiplication des appels d’offres et des appels à manifestations d’intérêt qui « introduisent souvent une hiérarchie dans les collectivités bénéficiaires, en fonction de leurs tailles et de leur capacité d’ingénierie. Ce qui obère leur capacité d’initiative, empêchant ainsi la différenciation, les volontés locales propres et parfois leur autonomie ».

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe constate également que les réglementations trop détaillées ne laissent aux collectivités locales qu’une marge de manœuvre et une liberté d’adaptation réduite.

Pour le Président de DF, François SAUVADET : « Décentraliser, c’est d’abord laisser l’intelligence des territoires s’exprimer. C’est privilégier les pilotes pour sortir de cette logique de silos qui fige l’action publique et frustre nos concitoyens ».

Départements de France appelle l’État à accepter de « lâcher prise » et d’en finir avec cette passion pour les jardins à la française qui brident les initiatives locales. « Nos compatriotes attendent de nous que l’on agisse ; nous devons pour cela urgemment définir tous ensemble quel est le bon niveau pour agir et les moyens à mobiliser pour y parvenir ».

Les rapporteurs appellent aussi la France à poursuivre la décentralisation, en ancrant le principe de subsidiarité dans la législation ; à clarifier et simplifier le système actuel de répartition des compétences ; et à éviter la surrèglementation.

Enfin, le mécanisme de consultation des associations nationales n’est pas, selon les rapporteurs, un cadre de discussion et de négociation. Effectivement, DF ne compte plus les annonces non concertées (point d’indice, ASS, RSA) dont les conséquences seront dramatiques pour les Départements, qui financent à plus de 60 % de leurs budgets des dépenses d’intervention sociale (RSA, APA et PCH) et qui sont le niveau de collectivité le plus exposé à la conjoncture.

« Les objectifs que l’on se fixe, en commun, doivent être atteignables et finançables », avait rappelé François SAUVADET au Premier ministre.

Le Congrès invite enfin les autorités françaises à mettre en œuvre un véritable mécanisme de consultation des associations nationales pour en faire des instruments de cogouvernance.

« Après la Cour des comptes, c’est au tour d’une institution européenne d’abonder dans le sens des collectivités. Le Sénat vient quant à lui de déposer trois propositions de loi « Pour rendre aux élus locaux leur pouvoir d’agir ». Alors que DF s’est plusieurs fois entretenu avec Eric Woerth dans le cadre de sa mission Décentralisation, j’engage le Gouvernement à rendre leur autonomie fiscale aux collectivités, et notamment aux Départements, afin qu’ils puissent mener à bien les missions qui leur sont confiées par le législateur », a conclu François SAUVADET.

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