Le 12 juin 2025, le Sénat a adopté, à la quasi-unanimité, en première lecture, la proposition de loi adoptée en 2024 à l’Assemblée nationale, à l’époque contre l’avis du Gouvernement, visant à reconnaître la responsabilité de l’État et à indemniser les victimes du chlordécone.
Le chlordécone est un insecticide organochloré toxique et persistant, utilisé entre 1972 et 1993 pour combattre le charançon dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique. Ce produit avait été identifié très tôt, dès la fin des années 1960, comme un produit nocif pour l’homme et à grande rémanence dans l’environnement.
La France a continué jusqu’en 1993 à autoriser, à titre dérogatoire et faute d’alternatives satisfaisantes, l’utilisation de ce pesticide dans les Antilles. Ses effets conduisent notamment à
- Une pollution massive et dans la durée de l’environnement : La terre, l’eau, les rivières, la mer, les poissons, les cheptels, les fruits et légumes, c’est l’ensemble de l’environnement et du biotope qui est concerné par la contamination au chlordécone dans les Antilles ;
- L’apparition d’un certain nombre de pathologies : le risque de développer un cancer de la prostate est accentué, des troubles cognitifs du développement chez l’enfant exposé in utero ont pu être identifiés et des études sont en cours afin d’établir le potentiel lien entre perte de fertilité chez les femmes et exposition au chlordécone.
Ces différents exemples démontrent que le chlordécone touche l’ensemble des populations guadeloupéennes et martiniquaises à des degrés variés et avec des conséquences sanitaires multiples. Le rôle de la science et de la recherche permettra, au fil du temps, d’affiner et de préciser le lien entre l’exposition au chlordécone et le développement d’un certain nombre de pathologies. La proposition de loi met à cet égard l’accent sur le renforcement de la recherche afin de préciser les conséquences d’une imprégnation au chlordécone, et l’incidence de la présence de cette molécule dans l’environnement sur la santé de la population antillaise.
L’article 1er de la proposition de loi affirme solennellement la responsabilité de l’État dans les préjudices causés par l’utilisation du chlordécone et subis par les territoires et les populations de la Guadeloupe et de la Martinique, il répond à cet égard à une attente forte de la population locale. Il fixe par ailleurs pour objectif la dépollution des terres et des eaux contaminées par la molécule et ouvre un chemin au principe d’indemnisation des victimes de cette contamination.
Les travaux du Sénat
En commission puis en séance publique, le Sénat a enrichi le texte en :
- Précisant l’étendue de la responsabilité de l’État dans ce scandale sanitaire et environnemental
- Renforçant l’objectif de dépollution des terres et des eaux des territoires de Guadeloupe et de Martinique ;
- Intensifiant la recherche en faveur des femmes afin de faire la lumière sur les pathologies contractées en raison d’une exposition à la molécule.
En apportant son soutien à ce texte, le Gouvernement reconnait pour la première fois, la responsabilité de l’État dans les préjudices subis par les populations, en cohérence avec les engagements du président de la République, en 2018.
« J’ai œuvré pour que les lignes bougent et que nous puissions avancer car il est temps que la reconnaissance de la responsabilité de l’État figure dans la loi. » a indiqué Manuel Valls, ministre d’État qui se félicite que les travaux parlementaires successifs aient abouti à un texte équilibré.
Cette loi, attendue et nécessaire, ne saurait tout réparer, mais elle ouvre un chemin. Le Gouvernement a indiqué rester pleinement mobilisé pour faire vivre ce texte et garantir, dans les prochains mois, la mise en œuvre effective d’une nouvelle voie d’indemnisation.
En effet, le Gouvernement s’était engagé à l’élargir pour les personnes souffrant d’une maladie résultant d’une contamination en dehors de l’activité professionnelle. Aujourd’hui, seules les victimes malades ayant été contaminées dans le cadre de leur travail peuvent être indemnisées, via le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, le FIVP.
Le ministre des Outre-mer, conjointement avec le ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder lancera, dans les prochaines semaines une mission inter inspections qui sera chargée de proposer les modalités de cette nouvelle voie d’indemnisation.
Accédez à la petite loi :
https://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2024-2025/687.html
Accédez à la synthèse du rapport :