Des budgets – en moyenne de 1.189 euros par département et par élève – au manque criant de points d’eau et d’espace dans les établissements, en passant par le numérique et une restauration scolaire bouleversée par la loi Egalim, l’Assemblée des départements de France vient de publier une enquête inédite sur les politiques départementales de l’Éducation.
Une répartition et des financements hétérogènes
Si le ministère de l’Éducation nationale recense en moyenne 72 collèges par département pour un total de 7.230 collèges, dont 5.300 collèges publics, dans l’échantillon de l’enquête de l’ADF, le ratio est, en moyenne, de 54 collèges par département pour un total de 2.601 collèges publics représentés – soit 49% des collèges publics de France. « Le tiers de ces collèges sont identifiés comme ruraux », même si l’ADF note que « 7 départements sur 48 n’ont pas de différenciation entre les collèges ruraux et urbains ». Par ailleurs, 16% des établissements de l’échantillon sont des collèges REP ou REP+, un « résultat cohérent avec la dominante majoritaire rurale des départements participants ».
Concernant le budget global des départements destiné aux politiques éducatives – incluant la dotation globale de fonctionnement – l’enquête révèle une grande hétérogénéité selon les départements. Ainsi, le ratio de la dépense par élève du département de la Creuse se situe en moyenne à 3.169 euros quand celui du département du Nord est de 1.657 euros par élève. « Le budget du département du Nord est cependant 10 fois supérieur à celui du département de la Creuse, et le département compte 22 fois plus d’élèves », relativise l’enquête. Qui estime que, cumulés, les budgets des 48 départements participants représentent un total près de 1,5 milliard d’euros, avec une moyenne de 33,3 millions d’euros par département ; la moyenne par élève étant de 1.189 euros. Un résultat que l’ADF qualifie de « stable ». Lors de sa précédente enquête, la moyenne était estimée à 1.200 euros par élève (sur un échantillon plus restreint de départements).
Les limites du bâti scolaire révélées par la crise
« La crise sanitaire a eu des impacts sur le fonctionnement des collèges et a fait ressortir les limites bâtimentaires des établissements », établit par ailleurs l’ADF (voir notre encadré ci-dessous). Le premier point remonté par les départements sondés concerne le manque de points d’eau : « Le constat est particulièrement criant à la suite des règles inhérentes aux protocoles sanitaires successifs mis en place par le ministère de l’Éducation nationale à compter de mai 2020 », note l’enquête. La deuxième difficulté principale identifiée vise les réfectoires, « inadaptés aux mesures de distanciation sociale » – une problématique « systématiquement relayée par l’ADF lors des échanges avec le ministère de l’Éducation nationale lors de la présentation des protocoles sanitaires ».
Parmi les autres difficultés, la gestion des espaces et des circulations des usagers est également apparue. Dont le problème des élèves concentrés sous le préau par temps de pluie. S’agissant de la ventilation, certains départements signalent des difficultés structurelles pour assurer la bonne aération des pièces, du fait notamment « de fenêtres scellées ». La problématique de l’équipement en capteurs CO2 n’a toutefois pas été remontée dans ce contexte.
Enfin, la crise sanitaire a visiblement conduit certains départements à vouloir « réétudier les plans de rénovation et construction des collèges en raison des limites identifiées » pendant cette période.
En numérique, un tiers des départements vont au-delà de leur compétences
29 départements, soit 60% de l’échantillon, ont indiqué avoir un projet de construction de collège en cours. Les principales motivations évoquées sont la vétusté des locaux existants et l’évolution démographique, après le développement de l’attractivité du territoire et les enjeux de mixité sociale. Si tous ne construisent pas, tous déclarent en revanche être engagés dans des projets de rénovation. Les raisons principales remontées sont « la rénovation énergétique, l’accessibilité ou la vétusté ». Par « rénovation », il faut comprendre aussi « l’intégration d’alarmes, la création de parcs à vélo, la mise en place de badgeuses d’accès ». Et « 42 départements se sont engagés dans des travaux liés à l’amélioration ou la création de sanitaires, enjeu majeur depuis la crise ». En outre, « afin de poursuivre leur objectif d’école inclusive, 30 départements se sont lancés dans des travaux d’aménagements ou de construction » et la majorité des départements a des réflexions en cours ou des projets « liés à l’ouverture à l’extérieur des espaces scolaires des EPLE ».
Sur le sujet du très haut débit (THD), l’enquête révèle un ratio de collèges couverts plutôt bon : 74,5%. Ce taux varie évidemment entre départements : « Le plus faible est de 7%, tandis que plusieurs départements arrivent à 100% de couverture ». Concernant les réseaux utilisés, la fibre est la plus représentée dans les réponses puisque 20 départements sur 44 l’utilisent de façon majoritaire. Concernant les contrats d’abonnement, la « tendance nationale » est la suivante : « Les départements gèrent, le plus souvent, l’accès internet des collèges et ces derniers gèrent les abonnements téléphoniques. » Pour 26 départements, l’équipement mobile passe par des tablettes disponibles au sein de l’établissement. 14 départements privilégient des postes fixes à connexion filaire peu ou pas mobiles. Enfin, 5 ont opté pour des postes fixes à connexion wifi. 32 départements (65%) n’équipent pas les élèves en matériels mobiles et équipent directement les établissements conformément à leur compétence obligatoire issue de la loi Notr. En revanche, 15 départements (31%) vont au-delà de leurs compétences. Ressort par ailleurs des réponses « un sentiment partagé par plusieurs départements que les États généraux du numérique n’ont pas permis des échanges de visions prospectives entre le département et l’Éducation nationale ».
Une restauration scolaire bouleversée
« Profondément bouleversé » par la loi Egalim du 1er novembre 2018, qui impacte « significativement les politiques des conseils départementaux en la matière », une partie de l’enquête est consacrée à la restauration scolaire. Le gaspillage alimentaire, qui constitue désormais une obligation légale (2), est devenu un enjeu pour les départements. 45 départements (94% du panel) sont engagés dans une lutte anti-gaspillage au sein de leurs structures scolaires. L’enquête signale toutefois un effet de « relâchement » de ces efforts anti-gaspillage depuis le début de la crise sanitaire. On notera également que 23 départements sont engagés dans une politique antiplastique. Mais 23 ne le sont pas. Concernant l’approvisionnement en denrées alimentaires, 47 départements ont indiqué avoir mis en place une distribution des denrées par circuits courts – soit 98% de l’échantillon. Le recours aux groupements d’achats pour l’approvisionnement des produits de la restauration scolaire se fait pour 20 départements (41%). Toutefois, un peu plus de la majorité des départements répondants (25) déclarent ne pas y avoir recours. 19 départements précisent utiliser la plateforme d’achat Agrilocal.
Concernant la mise en place obligatoire du menu végétarien, un constat semble partagé par tous les départements ayant participé à l’enquête : « Ces repas coûtent moins chers et permettent un meilleur équilibre des budgets affectés aux restaurants scolaires mais leur mise en place a eu pour effet d’augmenter le gaspillage alimentaire. » Cet effet négatif est signalé par un peu plus de 20% des départements.
Enfin, d’une manière générale, l’atteinte des objectifs de la Loi Egalim par les départements à partir du 1er janvier 2022 – qui prévoit, pour la restauration collective, de proposer au moins 50% de produits durables ou sous signe d’origine ou de qualité dont au moins 20% de produits bio – semble réalisable pour 22 départements mais irréalisable pour 23 (sur 45 répondants).
(1) 48 départements, soit presque 1 département sur 2, ont participé au volet 2 de l’enquête. Il faut néanmoins noter l’absence de réponse de la part des départements de la petite couronne de l’Île-de-France, qui représentent une part importante des collèges et collégiens de France en raison de la densité démographique. 70% de l’échantillon est composé de départements à dominante rurale – soit une représentation dans les mêmes proportions que la composition des territoires au niveau national.
(2) Loi du 11 février 2016 relative au gaspillage alimentaire, loi Egalim du 1er novembre 2018, loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire.
L’enquête de l’ADF évalue à 756.900 euros le surcoût total moyen engendré par les mesures liées au respect des protocoles sanitaires pour un département. Dans le détail, le surcoût le plus élevé est celui lié au renforcement des équipes : 362.000 euros. Suit celui dû aux dotations en masque des élèves : 157.900 euros. Puis celui dû à la consommation de produits d’hygiène : 155.000 euros. Et enfin celui dû aux dotations en masques des personnels : 82.000 euros. Par ailleurs, 57% des départements ont équipé leurs élèves en matériel numérique pendant la période de fermeture des écoles (à la fin du confinement, 39 départements sur 48 ont récupéré les matériels prêtés durant le confinement) et 67% ont mis en place un service de restauration supplémentaire pour respecter les protocoles sanitaires et les mesures de distanciation sociale.
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