Crise du logement : le point de vue et les propositions des élus locaux

La mission d’information sur la crise du logement mise en place au Sénat le 6 décembre a pour objectif d’identifier les causes des difficultés et de proposer des solutions opérationnelles comme des réformes structurelles, alors que le Gouvernement prévoit de présenter un projet de loi global. Il devrait être présenté d’abord au Sénat à la mi-juin. De son côté, la mission devrait rendre ses travaux mi-mars 2024.

Après avoir auditionné les acteurs de l’immobilier, les services de l’État, les anciens ministres, les experts et chercheurs, la mission a invité les élus locaux le 21 mars à faire connaître à leur tour leur point de vue. Étaient conviés :

  • Renaud PAYRE (Vice-président de la Métropole de Lyon délégué à l’habitat, à la rénovation thermique des logements, à la politique de la ville, au logement social et à l’inclusion par le logement)
  • Nathalie APPÉRÉ (Maire de Rennes, Présidente de Rennes Métropole et secrétaire générale de France urbaine)
  • Isabelle LE CALLENNEC (Maire de Vitré, Présidente de Vitré agglomération, membre du Bureau de l’AMF)
  • Nicolas LEUDIERE (Maire de Sablé-sur-Sarthe)
  • Soizic PERRAULT (Vice-présidente du Département du Morbihan, représentante de Départements de France)
  • Kathy BONTINCK (Vice-présidente de Plaine-Commune, représentante d’Intercommunalités de France)
  • Métropole de Lyon

Au-delà du logement social, il y a une crise de la promotion et de la construction immobilière. Une crise qui touche tous les territoires urbains du pays.

Renaud Payre est d’accord pour envisager une nouvelle étape de la décentralisation afin d’être plus en prise avec les attentes des Français et des acteurs économiques. Selon lui, cette nouvelle loi de décentralisation du logement doit faire de la Métropole de Lyon une nouvelle autorité organisatrice de l’habitat avec plus de moyens et des possibilités de préemption élargies

Il a présenté les 4 attentes de la Métropole de Lyon :

  • Le renforcement de la production de logements locatifs sociaux avec la possibilité notamment d’expérimenter un couplage de l’aide à la rénovation de l’ANAH, dont la Métropole a la délégation et l’aide à la pierre de type PLAI (Prêt locatif aidé d’intégration).
  • La gestion de la demande des attributions de logements avec une AOH chef de file pour une équité de traitement
  • La rénovation des logements conduisant à une délégation complète des aides de l’ANAH et une gestion complète de Ma prime Rénov
  • La possibilité d’intervenir dans le marché de l’immobilier avec la possibilité d’un encadrement des loyers, le règlement des meublés touristiques et la possibilité d’une expérimentation du zonage local
  • France Urbaine

La crise que traverse la France est inédite :

  • Chute des mises en chantier de logements (- 23,7 % entre 2022 et 2023),
  • Agrément de seulement 85 000 logements sociaux en 2023 (soit le plus bas niveau depuis près de 40 ans, alors que les demandeurs sont de plus en plus nombreux)
  • Effondrement des dépôts de permis de construire,
  • Marché privé devenu financièrement inaccessible pour la grande majorité des ménages français, dont les revenus ont insuffisamment évolué ces dernières années.

Nathalie Appéré a tout d’abord réaffirmé la nécessité de maintenir les fondamentaux de la loi SRU et de mobiliser des moyens pérennes pour un rééquilibrage de l’offre et de la demande en logements.

Elle a indiqué que les LLI (Logements locatifs intermédiaires), pour lesquels le ministre a annoncé la création d’un fonds de 1 Md€ pour financer 10 000 logements de ce type – allaient concerner un nombre restreint de ménages, alors même que les besoins en LLS sont immenses. Actuellement, le niveau de construction de LLS est très faible par rapport à la demande non satisfaite, qui s’élève en moyenne dans les grandes villes à 50 % du parc existant.

Dans ce cadre, il convient avant tout de réaffirmer que le choc de l’offre restera un vœu pieux si cette offre ne rencontre pas une demande soutenue. La déconnexion entre offre et demande se maintiendra si la future loi ne s’attelle pas à les équilibrer.

C’est pourquoi, France urbaine rappelle que la priorité doit être donnée au logement du plus grand nombre avec une relance ambitieuse de la production de logements sociaux.

Si la décentralisation n’est pas la solution « miracle » à la résorption de la crise, elle pourra contribuer à territorialiser les réponses sur un principe de différenciation des politiques du logement. Les territoires sont à même de répondre aux besoins constatés et au calibrage le plus pertinent de la demande et de l’offre.

Les rôles de l’État et des Autorités organisatrices de l’habitat (AOH) devront être conçus dans une perspective de confiance et de complémentarité. Pour cela, les ajustements réglementaires de simplification ne suffiront pas. Les moyens devront être mobilisés de façon pérenne et sécurisée avec l’intercommunalité confortée dans son rôle pivot et stratégique : programmation/agrément des constructions et des rénovations, attributions, encadrement des loyers, structuration des hébergements touristiques…

AMF

La mise en place d’un nouveau modèle économique et financier favorable à la production et à la rénovation, marquant une relance de l’engagement de l’État, est préalable à la mise en œuvre de la décentralisation Il faut :

  • Permettre aux communes d’ajuster localement les modèles économiques en leur laissant une marge de manœuvre suffisante sur la fiscalité locale et les zonages qui conditionnent le financement d’opérations ciblées
  • Redonner du pouvoir d’agir aux maires pour relancer l’offre, réglementer les meublés de tourisme et équilibrer l’offre locative, attribuer les logements sociaux.
  • Relancer l’accession à la propriété en généralisant le prêt à taux 0 quel que soit le revenu et le territoire
  • Penser à la réforme de l’IFI
  • Assouplir les diagnostics de performance énergétique (DPE) et déconcentrer ma prime renov
  • Mettre en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en mettant en place un modèle économique et financier sur le long terme,

Mme Le Callenec a également fait part de son inquiétude quant à la fin de la loi Pinel.

Villes de France

La situation exige que chaque acteur prenne ses responsabilités en fonction des problématiques propres à chaque territoire. Il est proposé de :

  • Mettre en place des dispositifs d’observation et d’évaluation des besoins en logement dans les territoires
  • Simplifier de toutes les procédures administratives
  • Conforter la production et la gestion d’une offre d’habitat attractive en réorientant le dispositif Denormandie vers l’accession à la propriété par des investisseurs individuels
  • Laisser aux Maires une latitude importante dans l’attribution des logements
  • Renforcer l’intervention publique pour limiter le coût du foncier sur les équilibres d’opérations
  • La Décentralisation du logement est un tournant important dans lequel il ne faut pas se précipiter. Si elle doit avoir lieu, cette nouvelle étape devra valider les EPCI comme étant des AOH et les DMTO devront être dévolus à la collectivité qui exerce la politique logement.

Départements de France

Dans le concert de la Décentralisation, les Départements sont les ensembliers des politiques de solidarités territoriales et humaines (politiques sociales, gestion des routes, CAUE.). Forts de ces principes et de leurs axes d’intervention, les Départements souhaitent s’inscrire dans l’objectif affiché du Président de la République consistant à aller plus loin dans la Décentralisation des politiques du logement.

Pour l’échelon départemental, Mme Perrault a formulé les propositions suivantes :

  • Instaurer un dispositif de gouvernance des politiques de l’habitat à l’échelle départementale (AOH), s’appuyant sur le renforcement du Plan Départemental de l’Habitat (PDH) comme outil de programmation et la mise en place d’un Comité Départemental de l’Habitat et de l’Hébergement (CDHH) comme instance de régulation. Il s’agirait d’un dispositif expérimental porté par les Départements volontaires (en particulier ceux exerçant déjà la Délégation des aides à pierre) ;
    • Renforcer le Plan Départemental de l’Habitat (PDH), d’une durée de 6 ans. Ce document définirait des actions opérationnelles s’intégrant dans la stratégie régionale et complétant les plans locaux d’urbanisme pour promouvoir une vision départementale ;
    • Étendre les compétences des Offices Publics de l’Habitat (OPH) départementaux, opérateurs pilotés par les Départements, qui deviendraient de véritables généralistes de l’habitat et des aménageurs afin d’apporter des réponses de proximité ;
    • Construire un programme ambitieux et spécifique de l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (ANAH) pour l’isolation des logements privés (propriétaires occupants ou bailleurs) et l’installation d’énergies renouvelables en lien avec l’habitat ;
    • Rendre possible le transfert de la compétence des Aides à la pierre, en allant donc au -delà d’une simple délégation.

Ces propositions nécessitent au préalable de mieux définir la notion d’AOH et étendre cette notion aux Départements

ADCF

La crise actuelle est avant tout une crise de l’offre du logement trop cher. Cette crise porte en elle des facteurs structurels profonds, dont la déconnexion régulière entre le revenu des ménages et le coût du logement. Ainsi, la part du logement dans la dépense des ménages se situe désormais autour de 25 % contre 20 % il y a 10 ans.

Avec plus ou moins d’intensité, tous les territoires sont impactés. De même pour l’ensemble des acteurs d’un secteur économique très large, marqué par de fortes interdépendances entre financeurs, constructeurs, maîtres d’ouvrage, intermédiaires et gestionnaires…

Si les compétences doivent évoluer, en Île-de-France, les faire évoluer en plein crise ne semble pas pertinent car les EPCI se sont dotées de moyens adéquats qu’il sera difficile de transférer à la métropole du Grand Paris

  • Parmi les propositions avancées :

– transformer les EPCI en AOH

– baisse de la TVA sur tous les segments du logement social ;

– relance de l’APL accession et réduction de la RLS ;

– revalorisation de l’APL

-Soutien aux bailleurs sociaux

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