Crise du Logement : le Sénat adopte deux propositions de loi

La première proposition de loi vise à remédier aux déséquilibres du marché locatif. Elle traite en particulier du régime fiscal des revenus tirés de la location meublée touristique dite location Airbnb. La seconde aborde la question de la transformation des bureaux en logement. Ensemble, ces deux textes cherchent à répondre à la crise du territoire présente sur tous les territoires.

Remédier aux déséquilibres du marché locatif

De nombreuses communes font face à une diminution de leur parc de résidences principales en raison de l’essor de la location de meublés touristiques. À ce jour, le nombre de meublés de tourisme serait estimé à 800 000, sur un stock de 38 millions de logements en France. De nouveaux outils aux mains des élus locaux semblent donc nécessaires pour réguler ces activités au plus près des spécificités locales, sans altérer les conditions de développement économique de territoires touristiques et en préservant l’équilibre entre résidents permanents, résidents secondaires et touristes.

Ce texte dote les élus locaux de nouveaux outils, facultatifs, de régulation de la location meublée touristique, notamment :

  • En étendant le périmètre des communes pouvant mettre en œuvre le régime d’autorisation préalable au changement d’usage,
  • En donnant la possibilité aux communes de décider de quotas d’autorisations temporaires de changement d’usage,
  • En les dotant de la faculté de déterminer des zones où les constructions nouvelles de logements sont dédiées à l’usage de résidence principale.

Ce texte entend également aligner progressivement les exigences de décence énergétique applicables aux meublés touristiques sur celles applicables aux résidences principales afin de limiter le report des investissements du logement classique vers la location meublée touristique du fait d’exigences moins élevées.

La proposition de loi prévoit de réduire les abattements fiscaux dans le cadre de l’imposition des revenus tirés de la location touristique, en maintenant des avantages supplémentaires pour les meublés classés et certaines communes situées dans des zones peu denses ou en montagne.

Les travaux du Sénat

Le Sénat a modifié le texte (et son intitulé dont l’objectif est de renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale) avec des mesures pour équiper les élus locaux d’une « boite à outils » de régulation des meublés de tourisme, notamment :

  • Rendre plus opérationnelle la déclaration avec enregistrement – dispositif approuvé par près de 80 % des élus locaux consultés – grâce à l’accès systématique des communes et des EPCI aux données fiabilisées à l’aide de pièces justificatives, notamment concernant la preuve de résidence principale pour éviter les fraudes ;
  • Doter les communes d’un pouvoir de suspension des numéros de déclaration en cas de fausse déclaration, lorsque le meublé est visé par un arrêté de péril, a fait l’objet d’un changement d’usage irrégulier ou est un logement social. Ce pouvoir de suspension donne aux communes un outil opérationnel permettant de faire rapidement cesser les manquements ;
  • Exiger un niveau minimal de sécurité incendie des meublés lors de la déclaration avec enregistrement pour favoriser la sécurité des occupants et la qualité du tourisme.

En outre, le Sénat a adopté des mesures visant à :

  • Encourager la transition énergétique des meublés de tourisme et éviter l’éviction du logement permanent vers la location touristique en raison des exigences de décence énergétique. À cet égard, il a notamment simplifié le dispositif introduit à l’Assemblée nationale et modifié le calendrier pour de le rendre plus réaliste. Par exemple, les règles de décence énergétique des meublés de tourisme sont progressivement alignées avec les locations nues avec l’obligation d’atteindre la classe D dans un délai de dix ans au lieu de cinq, soit en 2034 ;
  • Créer une possibilité d’injonction du juge aux plateformes en cas de non-transmission aux communes des données concernant la location de meublés touristiques sur leur territoire ;
  • Renforcer les sanctions en cas de non-respect des autorisations de changement d’usage.

Accédez au texte de la petite loi :

https://www.senat.fr/leg/tas23-131.html

Accédez à la synthèse du rapport :

https://www.senat.fr/rap/a23-579/a23-579-syn.pdf

 

Transformer les bureaux en logements

Adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 7 mars 2024, ce texte a été adopté, avec modifications, en séance publique au Sénat le mercredi 22 mai 2024.

Afin d’autoriser la transformation de bureaux en logements, ou modifier la « destination » d’un bâtiment, ce texte propose notamment d’assouplir les conditions de délivrance du permis de construire en permettant de déroger aux règles du plan local d’urbanisme avec l’accord de l’autorité compétente. Le dispositif prévoit notamment :

  • La délivrance de permis de construire « à destinations successives » pour prévoir et faciliter la réversibilité des bureaux en logements dès leur construction ;
  • Le recours plus facile du CROUS à la « conception-réalisation », une mesure déjà appliquée pour les HLM ;
  • La simplification de la prise de décision pour changement d’usage du tertiaire vers l’habitation.

Si ces opérations de transformation aboutissaient à une augmentation de la surface, elles seraient alors assujetties à la taxe d’habitation, afin de couvrir les frais d’investissement des communes dans les équipements collectifs nécessaires aux nouveaux habitants.

Les travaux du Sénat

Le Sénat a élargi le champ d’application du texte à la transformation de tous types de bâtiments ayant une destination autre qu’habitation en habitations. Le titre de cette proposition a en conséquence été revu. Elle est désormais intitulée proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu’habitation en habitations. En conséquence, cet apport permettra notamment de couvrir les transformations de locaux hôteliers ou garages, qui se prêtent particulièrement bien à ce type de transformations, mais aussi de bâtiments agricoles désaffectés.

Le Sénat a également mieux encadré le permis de construire à destinations multiples en bornant sa durée dans le temps, à 10 ans, renouvelable deux fois pour une durée de 5 ans, et en permettant au maire d’exiger la mention de la première destination.

Taxe d’aménagement : un abattement de 50 % sur l’assiette

Sur le plan fiscal, les sénateurs ont décidé de rendre automatique, et non plus facultative, comme initialement prévu, l’assujettissement de ces opérations de transformation à la taxe d’aménagement. Ceci en laissant, toutefois, la possibilité aux élus locaux de mettre en place une exonération « s’ils le désirent ».

Tout en limitant l’application de cette mesure à la part communale, ils ont introduit un abattement de 50 % sur l’assiette afin de « réduire, là encore, le coût de l’opération de transformation pour les porteurs de projets », selon l’amendement LR validé en commission.

Départements de France et la FNCAUE se sont mobilisés pour que les Départements soient aussi destinataires de la nouvelle part de la taxe d’aménagement issue de ces transformations. Une demande sera adressée en ce sens aux membres de la CMP qui se réunira fin juin.

Accédez au texte de la petite loi :

https://www.senat.fr/leg/tas23-132.html

Accédez  à l’essentiel du rapport :

https://www.senat.fr/rap/a23-594/a23-594-syn.pdf

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