La commission des finances du Sénat a commandé à la Cour des comptes une enquête portant sur les crédits dits « exceptionnels » attribués à la culture et aux industries créatives dans le cadre des programmes d’investissement d’avenir, du plan France 2030 et du plan de relance.
Depuis le premier programme d’investissement d’avenir (PIA) jusqu’au plan France 2030, la part de ces crédits dédiés au secteur de la culture n’a cessé d’augmenter, jusqu’à atteindre plus de 3 milliards d’euros cumulés au cours des cinq dernières années.
Le panorama qui ressort de ces travaux doit impérativement conduire à une réflexion sur l’usage qui a été fait de ces financements publics : lacunes dans le pilotage et l’évaluation malgré l’importance des moyens consacrés ; absence de lisibilité des dispositifs ; faiblesse du rôle de contrôle laissé au Parlement ; liens avec les filières culturelles parfois limités.
Au-delà du seul secteur culturel, cette enquête doit, selon les rapporteurs spéciaux de la mission « Culture », Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD, ainsi que selon le rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles », Jean Raymond HUGONET, permettre de tirer la sonnette d’alarme afin d’éviter que la suite du plan France 2030 ne continue de reproduire ces erreurs.
Lors de leur audition devant la Commission des finances du Sénat, Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, et Sophie Zeller, cheffe du service du spectacle vivant et adjointe au directeur général de la création artistique, ont réagi à différents points soulevés par la Cour des comptes.
Bruno Bonnell a tout d’abord réfuté le titre du rapport qui évoque des « crédits exceptionnels » attribués à la culture et aux industries créatives (ICC). « Ces crédits n’ont rien d’exceptionnels puisqu’il s’agit de crédits d’investissement votés par le Parlement comportant, dans le cadre de France 2030, un volet spécifique d’investissement destiné à soutenir les industries culturelles et créatives », a-t-il indiqué.
Florence Philbert, quant à elle, a rappelé que s’agissant des industries culturelles et créatives, « nous sommes au croisement de la politique culturelle et de la politique industrielle, mais aussi au croisement des financements publics et des financements privés », les ICC souffrant d’une « faible structuration capitalistique », notamment en matière de fonds propres. Ce constat justifie « une logique de continuum de financements » : « au-delà des financements via des subventions, assurés par le ministère de la Culture, il s’agit de voir comment la puissance publique peut faire en sorte que les acteurs des ICC soient financés par le secteur privé », a expliqué la directrice générale des médias et des industries culturelles.
Sophie Zeller enfin a concentré son intervention sur « Mondes nouveaux », dispositif doté de 30 M€. « Celui-ci a suscité un très grand élan créateur : 3 200 projets déposés, et 264 soutenus, portés par 430 artistes. Une rémunération directe d’un peu moins de 6 M€ a été versée aux artistes, à laquelle il faut ajouter les retombées en termes de présentation ou de vente des œuvres, ou de droits d’auteurs », a-t-elle souligné. La cheffe du service du spectacle vivant et adjointe au directeur général de la création artistique a cependant convenu du manque de visibilité de « Mondes nouveaux » pointé par la Cour, qu’elle a justifié par les différences de temporalité de réalisation des œuvres ainsi que leur répartition sur l’ensemble des territoires, « qui ont pu complexifier les opérations de communication ». « Afin de redonner de la visibilité au programme, nous avons mis en place en avril 2023 une présentation des projets à l’École nationale des Beaux-Arts », a ajouté Sophie Zeller, promettant, lors du lancement d’un nouvel appel à projets fin 2024, la mise en œuvre de « liens plus étroits entre les Frac et les Centres d’art, et l’ensemble de l’écosystème.
Propositions du Sénat
Recommandation n°1 : dans le cadre d’une évaluation systématique des dispositifs préalable à toute prolongation ou pérennisation, prévoir la mise en place de clauses de revoyure afin d’améliorer la récupération des financements indus
Recommandation n°2 : veiller à intégrer davantage les réseaux déconcentrés du ministère de la culture afin d’améliorer l’équilibre territorial des projets soutenus
Recommandation n°3 : limiter le recours aux modes exceptionnels de financement (programmes d’investissement et plan de relance) aux projets les plus innovants pour lesquels un réel pilotage interministériel est nécessaire
Recommandation n°4 : améliorer l’information du Parlement sur l’exécution des crédits France 2030, impliquant au préalable la formalisation d’un suivi budgétaire rigoureux
Pour accéder au rapport :