« La montagne ça vous gagne ! » Plus qu’un slogan, la relation des Français avec leurs territoires de montagne est une histoire qui glisse : près d’un Français sur dix pratique les sports d’hiver et la montagne représente environ 15% du chiffre d’affaires du tourisme français. Si le tourisme, été comme hiver, constitue l’un des principaux atouts de ces territoires, les Départements de montagne disposent de bien d’autres spécificités à saisir pour se projeter vers l’avenir… Alors que la neige envahit les massifs, découvrez notre dossier à quelques jours du démarrage des congés d’hiver.
Petit rappel avant de commencer : est définie comme zone de montagne un espace d’une altitude supérieure à 700 m (600 m pour les Vosges), une pente moyenne supérieure à 20% ou la combinaison de ces 2 facteurs (arrêté du 28 avril 1976). Avec six massifs en métropole (Alpes, Corse, Jura, Massif Central, Pyrénées, Vosges) et trois ultramarins (Martinique, Guadeloupe, La Réunion), les zones de haute et moyenne montagne couvrent près de 29% du territoire national et accueillent près de 8 millions d’habitants.
Le tourisme 4 saisons, nouveau défi des stations
Atout majeur du tourisme hexagonal, le domaine skiable français reste le leader européen en matière de fréquentation (en hausse de 7% en 2017 selon l’Organisation Mondiale du Tourisme), et se place au 1er rang mondial en termes d’installations de remontées mécaniques devant les États-Unis et l’Autriche. Si l’enneigement n’est pas toujours au rendez-vous, exception faite sur cette première partie de saison exceptionnelle, l’engouement des français pour la montagne et le ski ne se dément pas ! Un constat renforcé par le sondage mené fin 2016 par l’IFOP et l’ANEM (Association nationale des élus de montagne) : pour trois quarts des personnes interrogées, les zones de montagne constituent des territoires d’avenir.
Les Départements sont d’ailleurs partie prenante dans la structuration, la dynamisation et la promotion des activités hivernales. Ils contribuent notamment à la modernisation des infrastructures (pistes, remontées mécaniques, etc.) et des sites pour assurer un accueil, une animation et une promotion de qualité. En Haute-Savoie, le Département encourage et accompagne financièrement les projets structurants et innovants de développement touristique des stations à travers son Plan tourisme 2013-2022. Exemple concret : la création de retenues collinaires – réservoirs recueillant les eaux pluviales et de ruissellement – pour alimenter les enneigeurs qui fabriquent de la neige de culture.
Mais pour faire face à un manteau neigeux parfois capricieux, des attentes de plus en plus variées de la clientèle et une concurrence accrue, les stations ne peuvent plus miser sur le « tout ski » même s’il reste en encore l’activité centrale en montagne. Elles doivent repenser leur modèle de gestion et inventer les stations du futur, économiquement viables et respectueuses de l’environnement. Certains Départements ont déjà pris le virage des mutations touristiques et numériques, et surfent sur les nouvelles tendances de consommation. Activités de plein air, de détente et de nature, la montagne dispose de bien d’autres atouts tout au long de l’année, au printemps et en été, pour faire découvrir des pratiques alternatives et vivre de nouvelles expériences : sportive, culturelle, gastronomique ou thermale ! Une offre qui se veut diversifiée, originale, mais surtout de qualité pour un effet boule de neige qui booste les réservations touristiques et le commerce local.
Dans la Loire par exemple, le Département est propriétaire des infrastructures de la station de Chalmazel. Fortement tributaire de la météo, ce site de basse altitude présente aussi des atouts de station familiale et de proximité. L’offre estivale y est d’ailleurs en plein développement : un nouvel espace trail a été lancé par le Département et des projets sont en cours pour la création d’un parcours d’orientation, de luge d’été ou encore de tyrolienne à virages.
Côté savoyard, l’association Savoie Mont Blanc (SMB), née de la fusion des agences touristiques des deux Départements de la Savoie et la Haute-Savoie, a mis en place un outil d’aide en ligne pour bien choisir sa station. Les vacanciers peuvent directement, suivant leur station préférée, leur géolocalisation ou leurs affinités, être accompagnés dans leur choix de destination neige. Un outil exclusivement digital qui s’inscrit dans la stratégie de transformation numérique de SMB et répond aux usages de la clientèle : 89 % des acheteurs d’un produit séjour ski ont utilisé Internet pour préparer leurs vacances aux sports d’hiver (étude Google & TravelFactory, novembre 2015).
Citons également l’initiative des Hautes-Alpes pour promouvoir sa destination : la visite virtuelle de la plupart des domaines skiables du Département est désormais accessible depuis Google Maps. Une première en zone de montagne, puisque cette technologie de prises de vues à 360° était jusqu’alors réservée aux grands sites historiques de l’hexagone.
Autre exemple, les Pyrénées-Atlantiques impulsent en ce sens des « destinations quatre saisons » s’appuyant sur un patrimoine naturel et culturel à préserver, accompagné d’une redéfinition du modèle de développement touristique au profit des entrepreneurs souvent saisonniers. Cette démarche originale – le Plan Montagne 64 – initiée en 2016 par le Département a été construite avec plus de 200 acteurs de la montagne basque et béarnaise, une véritable ambition pour transformer cette zone des Pyrénées.
Les autres versants de l’économie de montagne
Agriculture, aménagement du territoire, environnement, numérique, santé, sont autant de sujets d’intérêt qui préoccupent les territoires de montagne. Réunis au sein d’un groupe de travail spécifique présidé par Henri Nayrou, Président de l’Ariège, ils sont 50 Départements de montagne et de massif au sein de l’ADF à travailler plus particulièrement sur ces thématiques, dans la continuité de l’acte II de la Loi Montagne du 28 décembre 2016. Car tel que l’évoquait Sophie Pantel, Présidente du Département de la Lozère, « il est nécessaire de se donner une véritable ambition pour la montagne. Ce qui jadis était perçu comme des handicaps doit désormais être identifié comme de véritables atouts ».
L’accessibilité des territoires de montagne est au cœur des réflexions : elle passe non seulement par la desserte de zones reculées ou parfois bloquées par les intempéries, pour laquelle les services des routes des Départements sont largement mobilisés (à lire nos articles dédiés au plan de viabilité hivernale et au déneigement) mais aussi par le numérique, l’accès aux services publics, aux soins, au logement ou à l’emploi.
Si en matière de tourisme les atouts des paysages de montagne sont indéniables, les reliefs peuvent toutefois constituer un handicap naturel pour leurs habitants en termes d’aménagement ou d’accès aux soins, aux services publics et à l’emploi. Ces problématiques nécessitent par conséquent d’y consacrer une attention particulière et des mécanismes d’aides publiques spécifiques de façon à compenser ce « handicap » et faciliter l’installation et le fonctionnement de services de qualité.
En matière d’aménagement numérique, le déploiement du haut et très haut débit fixe et mobile répond à un enjeu majeur pour éviter d’exclure ces zones rurales d’un réseau structurant et d’avenir. Tel que l’affirme l’ANEM, les élus de montagne ne veulent pas être des spectateurs passifs et revendiquent l’accès au THD à l’égal des autres citoyens au nom de l’équité territoriale et de la solidarité nationale. Dans ces zones souvent abandonnées par les grands opérateurs nationaux, les Départements sont les principaux architectes et maîtres d’ouvrage des réseaux d’initiative publique de 1e et 2e génération pour déployer du haut débit. L’achèvement de la couverture numérique des territoires figure parmi les principaux sujets de préoccupation réaffirmés à l’occasion du 33e Congrès de l’ANEM les 19 et 20 octobre 2017 à Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence). Si des progrès ont été accomplis au cours des derniers mois, des difficultés budgétaires, réglementaires ou techniques subsistent sur le terrain pour lutter contre cette « fracture territoriale ». L’accord signé le 14 janvier 2018 entre l’Etat, l’ARCEP et les 4 opérateurs devrait offrir de nouvelles perspectives.
L’agriculture est notamment un secteur vital pour l’économie montagnarde. Dans un contexte économique difficile, l’économie pastorale prépondérante dans les Départements doit être pérennisée et valorisée, au travers de la dynamisation des ressources naturelles, des circuits courts et du patrimoine gastronomique.
La situation particulière des Départements de montagne pose des problématiques en termes de services de santé aux habitants. Les Départements de montagne ont un rôle à jouer en tant que territoires non seulement d’expérimentation, mais aussi de développement de formes nouvelles de médecine (télésanté, e-médecine) pour pallier le manque de centres de santé en particulier dans les zones de montagne rurale qui ont des difficultés à accueillir des médecins.
En termes de transition énergétique, la montagne sait valoriser son potentiel hydroélectrique et mène de multiples expériences de productions alternatives. Dans la montagne ardéchoise par exemple, un parc éolien avec des pales chauffantes pour les périodes de grand froid a été inauguré en juin 2017. Il permet d’alimenter un territoire de 80 000 habitants. Avec le plus grand parc éolien d’Auvergne Rhône-Alpes, l’Ardèche devient le 1er Département de la Région en matière d’énergies renouvelables.
Ces exemples illustrent autant de démarches portées par les Départements pour accompagner le développement des territoires de montagne. Des sujets sur lesquels le Groupe de travail des Départements de montagne continue à travailler afin d’inscrire toujours un peu plus les territoires dans une perspective d’avenir.