Éloignement des services de l’Etat en matière d’ingénierie, crise des centres-villes, risques environnementaux, aménagement numérique, manque de moyens humains et financiers, recours de plus en plus contraints à l’ingénierie privée… Difficile dans ces conditions d’exercer pleinement ses responsabilités en matière de solidarité territoriale. Pourtant, un peu partout sur le territoire émergent de nouvelles solutions.
Jean-Léonce Dupont, Président du Département du Calvados a introduit les débats en présentant synthétiquement l’état des réflexions du groupe de travail qu’il anime pour le compte de l’ADF sur la rénovation de la place des Départements et pour un dialogue apaisé avec l’Etat.
Pour le Président du Département du Calvados, cela ne fait aucun doute : « l’ingénierie départementale est incontestablement un facteur de solidarité ». Même si parfois il avoue s’interroger « sur le souhait de la technostructure de voir les territoires réussir. » Ses certitudes ? « Il n’est pas nécessaire de réinventer le monde » et surtout « il faut faire le pari de la responsabilisation des territoires. » D’où sa circonspection pour ne pas dire plus sur les velléités du gouvernement de créer une agence nationale pour la cohésion des territoires.
Jean-Léonce Dupont estime pour sa part à 30 000 le nombre de communes (rapport du sénat de 2010) qui n’ont pas les moyens de s’organiser directement en matière d’ingénierie. Et il n’en fait pas mystère, la seule solution viable consisterait en « une coordination de moyens, une instruction commune des dossiers et une mutualisation des fonctions supports des satellites locaux. » Alors pourquoi, tout simplement, ne pas « faire du département, le chef de file de l’inter-territorialité ? »
Vers un schéma d’aménagement partagé
Un point de vue partagé en partie par Mathieu Darnaud, Sénateur de l’Ardèche et coauteur de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie territoriale et qui a souhaité temporiser : « Notre philosophie c’est que le Département a la juste expertise sur son territoire en matière d’ingénierie et d’infrastructure. Concernant cette nouvelle agence [agence nationale de cohésion territoriale] nous serons donc très vigilants sur la gouvernance, la souplesse de fonctionnement et à ce qu’elle ne constitue pas un moyen de recentralisation au détriment des initiatives départementales. »
Valérie Simonet, Présidente du Département de la Creuse, a invité l’assemblée à « imaginer un nouveau modèle pour le département rural » tout en abandonnant ce vieux réflexe qui consiste à « rédiger deux pages pour demander plus de sous à l’Etat. » Le Département de la Creuse a en effet pour projet d’élaborer avec les intercommunalités et les communes le premier Schéma de cohérence territoriale (SCoT) rural à l’échelle départementale. « C’est une expérimentation très intéressante, a ajouté l’élue, qui va nous permettre d’avoir une vision partagée et cohérente de l’aménagement de notre territoire que ce soit en matière de projets, de mobilité, de santé, etc., ainsi qu’une carte détaillée de l’écosystème mobilisable. »
Sortir de la politique de guichet
Nathalie Sarrabezolles, Présidente du Département du Finistère estime pour sa part que les Départements ne doivent pas s’enferrer ad vitam aeternam dans une politique de guichet. Reconnaissant au passage que la situation géographique du département Finistère était peut-être au final un atout : « Depuis longtemps, le Finistère a la culture de la périphérie. De fait, nous ne nous contentons pas d’attendre, nous nous organisons. Et c’est exactement ce que nous avons fait avec la création de Finistère ingénierie assistance. »
Cette dernière intervient auprès des collectivités locales que ce soit en matière de diagnostics techniques ou de budget prévisionnel sur toutes les questions qui ont trait à la gestion de l’eau, la voirie, le bâtiment ou la revitalisation de centre-bourg. Aussi quelle ne fut pas la surprise de la Présidente du Finistère lors de l’annonce de la création de l’agence. « Avec le dispositif existant nous sommes dans la concertation permanente et le regard croisé. Je ne vous cache pas que nous l’avons pris pour une véritable provocation. Et qui plus est, toutes nos propositions concernant l’instruction de la Dotation d’Équipement des Territoires Ruraux (DETR) et du fonds de soutien à l’investissement local (FSIL) sont restées lettres mortes. »
Des acteurs de terrain
Puis ce fut au tour de Joël Baud-Grasset, Président de la Fédération Nationale des Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement (FNCAUE) et Conseiller départemental de la Haute-Savoie de prendre la parole. Ce dernier a notamment souligné la nécessité, dans un contexte d’étalement urbain, de réfléchir à l’aménagement, à l’urbanisme, au paysage. Il a évoqué l’intérêt du CAUE, qui réunit dans sa gouvernance les différentes parties prenantes (l’Etat, les élus, les professionnels, la société civile).
Enfin, Stéphanie Yon-Courtin, Présidente du Groupe de travail sur les laboratoires d’analyse de l’ADF, Vice-présidente du Département du Calvados a présenté les caractéristiques des laboratoires départementaux (LDA), ainsi que leur expertise en matière de conseil en veille sanitaire et leur modèle économique. Pris entre leurs obligations de service public et les contraintes de la mise en concurrence, le fonctionnement des LDA dépend du concours financier des Départements. Or avec la diminution de leurs ressources, leur engagement présente des limites évidentes. « Pourtant nous avons besoin de leur compétence pour gérer les crises sanitaires. »
Ces différents exemples (et ces différentes interventions) illustrent bien que les Départements sont un moteur pour l’ingénierie territoriale.