La date n’a pas été choisie au hasard : le 9 mai, jour de la Fête de l’Europe. Le lieu non plus : les élus mosellans ont passé l’après-midi en compagnie d’une délégation de leurs homologues de la Sarre à Scy-Chazelles, en banlieue de Metz, dans la maison de Robert Schuman. Quelques heures plus tôt, les Conseillers départementaux avaient adopté une délibération pour exprimer leur droit à la différenciation et revendiquer solennellement auprès de l’Etat la reconnaissance de la spécificité frontalière mosellane. Leur ambition ? Transformer le département de la Moselle en « Eurodépartement » aux compétences élargies.
Cette revendication s’inspire du principe de « différenciation territoriale » prévu dans la future révision constitutionnelle et défendu par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 25 avril. Le Président de la République avait déclaré à cette occasion vouloir « changer la méthode d’organisation de la République ». Elle fait aussi écho au traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier avec la chancelière Angela Merkel, destiné à relancer le volet transfrontalier de la coopération franco-allemande. Le Département de la Moselle entend ouvrir ainsi un nouveau chapitre de son histoire transfrontalière.
La Moselle européenne et quotidiennement transfrontalière.
Le Département compte environ 100 000 travailleurs qui franchissent la frontière pour aller exercer en Belgique, en Allemagne et, surtout, au Luxembourg. Cette spécificité justifie l’exercice de compétences particulières afin d’apporter des réponses aux problématiques posées par le fait frontalier : mobilité, emploi, formation, santé, aménagement du territoire… « En Moselle, on vit l’Europe de façon concrète au quotidien » explique le Président du Département, Patrick Weiten. « Il est temps d’adapter notre cadre institutionnel à cette réalité. »
La résolution adoptée exprime le souhait que la collectivité soit dotée de huit compétences nouvelles. C’est le cas notamment de la coopération transfrontalière et de l’apprentissage des langues afin de favoriser le plurilinguisme. « Parce que, sur notre territoire, il faut faire plus d’efforts qu’ailleurs pour favoriser l’apprentissage de l’allemand, nous voulons partager cette compétence avec l’Etat », explique Patrick Weiten. « Pour nos jeunes, c’est un passeport pour l’emploi. » L’enjeu est d’autant plus important que le travail frontalier, porté par le dynamisme de l’économie luxembourgeoise, va encore progresser dans les années à venir. Le vieillissement de la population allemande devrait produire également un double effet : directement en Allemagne, où d’importants besoins se manifestent déjà, et indirectement au Luxembourg, où près d’un quart des emplois frontaliers sont actuellement occupés par des Allemands.
Une coopération transfrontalière concrète
«Si nous demandons ce droit à la différenciation, c’est aussi pour mettre fin à des situations absurdes», assure Patrick Weiten, qui cite l’exemple des sapeurs-pompiers. « Aujourd’hui, chaque pays organise ses services de secours sans tenir compte de ce que fait le voisin », constate le Président du Département. « Nous venons de découvrir que les lances à incendie utilisées en Allemagne ne sont pas compatibles avec les bornes françaises. S’il y avait un incendie à la cathédrale de Metz, les sapeurs-pompiers sarrois, basés à 60 kilomètres de là, ne seraient pas en capacité de venir nous aider. Et inversement. Voilà pourquoi nous devons obtenir le droit de nouer des relations bilatérales à l’échelle de nos territoires. »
Cette politique innovante ambitieuse, qui gagnera à s’inscrire pleinement dans le Traité d’Aix-la-Chapelle, doit permettre de lever les freins (administratifs, techniques et financiers) encore existants dans la coopération transfrontalière et d’ouvrir ainsi un droit à une expérimentation féconde et novatrice, clé de la décentralisation de demain.