126,5 kilomètres, le toit du Tour à franchir, une arrivée à la station de Tignes, voilà le programme de départ initialement annoncé sur nos livres de route pour cette 19e étape 100% savoyarde. C’était sans compter sur les conditions météo du jour : orage sur Val d’Isère, averse de grêle, coulée de boue, la route du Tour prend l’eau. La course est neutralisée km 89 au sommet de l’Iseran. Une journée historique.
Et pourtant le soleil brillait fort ce matin au Village départ de Saint-Jean-de-Maurienne. Une nouvelle journée de canicule s’annonçait. Cartes postales, itinéraires de randonnées à pied ou à vélo, les balades dans le Parc national de la Vanoise, entre vallées de la Maurienne et de la Tarentaise, semblaient motiver les troupes des badauds et des invités pour poursuivre en beauté une nouvelle journée ensoleillée. Notre Maillot Bleu Ludovic Turpin, dans le peloton professionnel pendant une dizaine d’années et désormais entraîneur des jeunes et des filles de Chambéry, aurait pu nous soumettre quelques idées d’itinéraires cyclistes. Une halte chez Julien Marie, notre lauréat Au Tour des Fromages, la coopérative de la Vallée des Arves, aurait pu nous permettre de déguster un bon Beaufort, cette AOP qui « gardent les montagnes vivantes », tel que le défendait Hervé Gaymard, le Président du Département, en interview sur le Village. La journée s’annonçait en effet sous les meilleurs auspices, mais plusieurs coups de tonnerre sont venus frappés la course…
Etape noire pour les Français
Cette étape devait être décisive. Avec 1’30’’ de retard au général, les poursuivants de Julian Alaphilippe se devaient d’attaquer pour faire la différence. Une trentaine de coureurs s’échappe dans les premiers kilomètres, mais l’intérêt de la course est ailleurs. Premier coup de tonnerre : le haut-saônois Thibaut Pinot, 5e au général, est rapidement contraint à l’abandon, touché depuis la veille par une territble douleur à la cuisse. C’est en pleurs que le formidable vainqueur du Tourmalet (Hautes-Pyrénées) quitte la Grande Boucle pour la 4e fois, une image terrible…
Devant, les Ineos mènent un train d’enfer et font des dégâts dans l’ascension de l’Iseran. D’abord Thomas, puis Bernal, l’attaque est incisive et seul Warren Barguil parvint un temps à suivre le jeune colombien. Julian Alaphilippe s’accroche autant qu’il peut, grimace, mais finit par craquer. Avec plus de 2 minutes de retard sur Bernal au sommet du toit du Tour (2 770 m, le plus haut col routier des Alpes), « Loulou » n’est plus virtuellement Maillot Jaune.
Etape blanche sur la route
Mais nouveau rebondissement et nouveau coup de tonnerre, bien réel celui-là. Alors que nous descendons l’Iseran, l’orage gronde sur la vallée. La pluie et la grêle s’abattent sur la station de Val d’Isère située en contre-bas. La route est recouverte en quelques minutes de petites billes de glace et des coulées de boue et de cailloux sont annoncées à 4 kilomètres de la ligne. Gros Léon balaie, le Département de la Savoie sort ses « alpicrabes », gros engins de déneigement peu habitués à quitter les garages en été. La chaussée est trop glissante, les risques sont persistants, la direction d’ASO décide de neutraliser la course et d’arrêter les chronos au sommet de la dernière ascension. Aucun vainqueur d’étape n’est désigné, mais Egan Bernal, 22 ans, a frappé un grand coup et chipe la tunique jaune.
Du jamais vu ou presque que cette situation dantesque. La précédente en date : 1996, sur les mêmes pentes de l’Iseran et du Galibier, recouvertes de plusieurs centimètres de neige. Quand la montagne n’en fait qu’à sa tête…