Les Présidents Jean-Léonce DUPONT (Calvados) et Jean-Luc CHENUT (Ille-et-Vilaine) ont représenté DF au Haut Conseil des Finances Publiques Locales organisé le 9 avril dernier à Bercy.
Alors que le Gouvernement confirme sa volonté de mettre à contribution les collectivités pour réduire le déficit, ils ont insisté sur la spécificité des Départements, niveau de collectivité le plus exposé à la conjoncture et qui joue le rôle d’amortisseur social en finançant à plus de 60% de leurs budgets les dépenses d’intervention sociale.
La situation des finances départementales
Tandis que la petite musique de la bonne santé des collectivités locales continue d’être jouée, DF rappelle la spécificité de la situation des Départements, qui font face à un dramatique effet ciseau, entre la chute de leurs recettes et une hausse continue de leurs dépenses imposées par l’État.
Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales, a d’ailleurs elle-même reconnu la semaine dernière que les Départements étaient « la strate la plus fragile et la plus en difficulté », face à « des charges qui augmentent, car ce sont les acteurs de l’action sociale, mais avec des recettes qui baissent ».
Le Président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a lui insisté sur le fait que la situation des Départements s’était incontestablement dégradée ; tout en reconnaissant que ces derniers avaient réussi à continuer d’investir et à maîtriser leur endettement malgré des recettes en baisse et des dépenses en forte hausse.
Il manque en effet actuellement aux Départements 8 milliards d’euros par rapport à 2021, du fait de la chute des DMTO (-23% en moyenne), de la non-indexation des dotations sur l’inflation et de toutes les dépenses imposées depuis la sortie de la COVID, dont les revalorisations des AIS et l’augmentation du point d’indice. Et cela sans compter les principaux chocs budgétaires à venir pour les Départements que sont la hausse du RSA[1], le basculement de l’ASS vers le RSA[2] ou encore la solidarité à la source[3].
« Entre le reste à charge des Allocations Individuelles de Solidarité (APA-PCH-RSA) pour près de 10 milliards, les augmentations imposées depuis la Covid et la non-indexation de nos ressources sur l’inflation, nous participons déjà à hauteur de près de 15 milliards par an, à la résorption du déficit de l’État. Alourdir encore la barque en nous transférant l’ASS et la solidarité à la source revient à amputer nos capacités d’investissements de 5 milliards supplémentaires. Nous refusons cette évolution qui est contraire à notre mission comprenant, outre les solidarités humaines auxquelles nous sommes très attachés, les solidarités territoriales qui visent au développement équilibré entre villes et campagnes », avait alerté François SAUVADET, Président de DF.
La péréquation
« Les Départements contribuent déjà au redressement des finances publiques ! Par l’augmentation du reste à charge des AIS d’abord, par la non-indexation de la DGS ensuite », a déclaré Jean-Léonce DUPONT, Président du Calvados et de la commission Finances de DF, tout en demandant, à Bercy, une étude sur la contribution des collectivités à la baisse du déficit via ce biais.
Il a également rappelé « le comportement vertueux des Départements qui, lorsque la période était plus favorable, se sont fortement désendettés et ont mis en place volontairement un système de péréquation horizontale, et ce dès 2019 ». Cette dernière est désormais à son maximum. « Il a d’ailleurs fallu adapter le mécanisme pour 2024 et il fait peu de doute, compte tenu de la persistance de la crise immobilière que le fonds de répartition des DMTO n’atteigne pas les 1,6 milliard d’euros de son plancher en 2025 », a prévenu François SAUVADET.
L’investissement
En ce qui concerne l’investissement. Dominique FAURE avait déjà déclaré que les élus locaux devraient « peut-être, un jour, [en] ralentir le rythme ». Or chaque année, les Départements mettent en œuvre 12 milliards d’euros d’investissements, dont plus de 1,6 directement au service des communes. « Dans la situation de crise économique que nous traversons, il n’est pas raisonnable de sacrifier l’avenir, en augmentant les dépenses sociales des Départements, au détriment des investissements nécessaires pour les routes, les collèges, la fibre, l’approvisionnement en eau ou la transition écologique. Le « en même temps » trouve ses limites ! », lui avait répondu François SAUVADET. « La paralysie de l’investissement qui résulterait d’un fléchage de plus en plus exclusif de nos ressources sur le seul volet social serait un choc immense pour le monde rural, dont nous sommes, bien souvent, le seul rempart ».
« Du fait de la forte dégradation de l’épargne nette et du recul de la participation de l’État au financement des AIS, maintenir à niveau les prestations sociales mises en œuvre par les Départements se fait désormais au détriment de la cohésion territoriale, de l’investissement et donc de l’activité économique », a alerté Jean-Léonce DUPONT durant la réunion. Et d’interroger : « Dans ces conditions, comment le Gouvernement pense-t-il que nous allons pouvoir répondre aux défis du vieillissement de la population et aux risques climatiques à venir ? ».
Les revendications des Départements
Par la voix de Jean-Léonce DUPONT, Départements de France a ainsi proposé lors du HCFPL une pause normative de trois ans et un allégement des normes existantes.
DF a également demandé l’équivalent d’un article 40[4] pour les collectivités sur la parole présidentielle et gouvernementale pour toute dépense imposée : toute dépense doit être à la fois financée et finançable ; ainsi que l’application de la Charte des collectivités locales et notamment de son article 9 qui traite de l’autonomie fiscale des collectivités, en particulier ses alinéas 3 et 4 qui disposent qu’ « une partie des recettes des collectivités doivent provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles fixent le taux » et que « les systèmes financiers sur lesquels reposent ces ressources doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l’évolution réelle des coûts de l’exercice de leurs compétences ».
[1] + 4,6 % au 1er avril (hausse automatique, mais non concertée) qui creuse le reste à charge déjà élevé (avec celle de 2023 nous arrivons au seuil des 50% de Reste à Charge sur le RSA)
[2] 320 000 bénéficiaires actuellement, donc + 2 Md€ quand tout le « stock » basculera
[3] + 3,5 Md€ si le taux de 34 % de non-recours au RSA est exact.
[4] L’article 40 de la Constitution limite le pouvoir d’initiative des parlementaires en matière financière. Il interdit toute création ou aggravation d’une charge publique et n’autorise la diminution d’une ressource publique que dans la mesure où celle-ci est compensée par l’augmentation d’une autre ressource.