Débat de politique générale
Jean-Paul Delevoye appelle à relever le défi de la mondialisation
Pour le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), les collectivités doivent s’adapter à une nouvelle donne.
Les structures de notre pays sont-elles adaptées à l’évolution du monde ? Comment faire face aux revendications d’une société qui semble avoir fait le deuil du système politico-administratif en place ? Une société qui « ne croit plus en rien mais qui est prête à croire en tout et dont les peurs sont récupérées par les partis populistes ? » C’est en répondant à ces questions que les gouvernements et les collectivités territoriales répondront aux défis d’une mondialisation qui touche toute notre société. C’est ce qu’est venu dire en substance le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Jean-Paul Delevoye, lors de l’ouverture du débat de politique générale, à la tribune du congrès de l’ADF.
À la question d’actualité « faut-il adapter les collectivités ? », Jean-Paul Delevoye répond sans hésiter : « oui ». Selon lui, l’offre territoriale doit évoluer, parce que le monde change et que la globalisation fait disparaître les limites des territoires. Aujourd’hui, Internet bouleverse les échanges, dans tous les domaines. Et 98 % de ces échanges sont capitalistiques, « quelle que soit la volonté politique », insiste-t-il. Le président du CESE rappelle aussi l’éclatement des repères, la remise en cause des pouvoirs verticaux et la nécessité de réfléchir à la « captation des flux » sur les territoires. Car le vrai sujet n’est plus d’acquérir la propriété mais de capter la valeur ajoutée sur les flux. Pour cela, Jean-Paul Delevoye préconise de « retrouver un pacte collectif » afin de développer une logique d’offre des territoires. Dans une société où tout va plus vite et où les réseaux sont rois, il faut réinjecter de la fluidité dans les réformes si l’on ne veut pas courir le risque d’« AVC territoriaux ».
« Nous ne vivons plus ensemble, nous cohabitons », constate également l’ancien président de l’Association des Maires de France. Il faut donc créer du lien dans une société qui a besoin d’horizontalité et de proximité. Pour cela, il ne faut pas « réformer à reculons » mais au contraire « y aller avec enthousiasme, dans un dialogue apaisé, construit ».
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Intervention de M. Claudy Lebreton
Le président de l’Assemblée des départements de France a rappelé le contexte particulier de ce 84e congrès. S’il attendait des précisions du gouvernement sur la réforme, il estime que l’avenir s’éclaircit.
Le débat sur la réforme territoriale est au cœur de l’actualité et le discours du Premier ministre au Sénat mardi 28 octobre dernier augurait d’une évolution concernant la position du Gouvernement sur les départements.
Avant que celui-ci ne s’exprime au Congrès de Pau, Claudy Lebreton, président de l’ADF, attendait notamment de lui qu’il précise sa position concernant l’avenir des départements et leurs compétences mais aussi qu’il aborde la question des finances départementales dans la continuité de l’accord du 16 juillet 2013 sur les allocations individuelles de solidarité.
Lors de son discours le président de l’ADF a ainsi rappelé le rôle essentiel des départements pour assurer la cohésion sociale et l’équilibre des territoires sur l’ensemble du territoire national. En fervent décentralisateur il a insisté sur la nécessité d’une réforme territoriale qui s’inscrive dans une dynamique de décentralisation en s’appuyant notamment sur l’intelligence des territoires et de leurs élus afin de trouver des solutions institutionnelles adaptées aux spécificités des territoires.
Enfin, le Président Lebreton a rappelé que malgré la capacité des départements à se réinventer pour répondre aux nouveaux besoins des citoyens, ils connaissent une situation financière particulière que le Gouvernement doit prendre en compte notamment concernant le RSA. Cette considération est essentielle pour assurer la cohésion sociale, la pérennisation des services publics de proximité délivrés par les Conseils généraux mais aussi pour leur permettre d’influer sur la relance économique notamment grâce aux investissements publics.
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Intervention de M. Manuel Valls
A l’occasion de son intervention à Pau, le jeudi 6 novembre, le Premier ministre a délivré un message de confiance. La réforme territoriale aura bien lieu mais elle passera par le dialogue et le consensus. Le gouvernement se dit prêt à des ajustements.
Le Premier ministre, Manuel Valls, est venu à Pau devant les élus départementaux pour renouer les liens de confiance distendus depuis l’annonce de la grande réforme des collectivités territoriales. « Le rôle des départements est indispensable », a-t-il martelé à plusieurs reprises. Devant les 650 congressistes de l’Assemblée des départements de France, il a ainsi appelé de ses vœux à poursuivre le travail « de rencontre et de dialogue ».
Le message du gouvernement s’est voulu clair : la réforme territoriale se fera. Reste désormais à en préciser les formes et les modalités. Et pour cela, le Premier ministre entend tenir compte de la voix des territoires et surtout de leur réalité de terrain. « En écoutant, on change », a ainsi concédé Manuel Valls, manière de dire qu’il entendait les revendications des conseils généraux et qu’il ne restait pas figé sur ses positions initiales. « Je comprends vos doutes, vos interrogations et vos colères », a-t-il répété, reconnaissant que certaines annonces avaient pu fortement troubler l’opinion dans un contexte de crise.
Appelant au consensus, le représentant du gouvernement a tenu à afficher la souplesse d’esprit qui doit selon lui présider à la réforme des conseils départementaux. Entre de grandes régions stratèges et des intercommunalités développées, « le cadre départemental pourra évoluer », a-t-il rassuré. Autre leitmotiv du discours de Manuel Valls : la clarification. « En clarifiant les compétences des collectivités, nous en clarifierons les financements », a-t-il résumé. Loin de rejeter tout le poids de la réforme sur les seules collectivités territoriales, le Premier ministre s’est également livré à un exercice de partage des responsabilités et en a appelé à un grand effort collectif et national. « Les politiques publiques ne mobilisent pas suffisamment ensemble l’État et les collectivités. Et aujourd’hui, il existe trop de doublons entre eux », a-t-il reconnu.
Le Premier ministre n’a voulu oublier personne, à commencer par les territoires ruraux. « L’objectif majeur de la réforme est de renforcer tous les territoires et d’inventer de nouvelles solidarités. Nous devrons également créer de nouvelles ruralités », a avancé Manuel Valls qui présidera en personne le Comité interministériel à l’égalité des territoires.
Dénonçant un climat ambiant « décliniste », le Premier ministre a tenu à mettre en avant « l’intelligence collective » et les expérimentations positives à l’œuvre dans les territoires, rappelant notamment les 155 000 emplois d’avenir signés au plan national.
Au-delà du discours, Manuel Valls n’est pas venu les mains vides. Il a tenu à faire un premier geste, preuve de sa volonté d’avancer main dans la main avec les départements. Il propose ainsi de pérenniser le taux de prélèvement de 4,5 % sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), de reconduire le fonds de solidarité territoriale, de faire évoluer le RSA socle et son financement et de revoir les critères de calcul du potentiel fiscal. Autrement dit, un premier pas vers la nouvelle fiscalité appelée de leurs vœux par les collectivités territoriales.