La loi de finances pour 2020 est parue au Journal officiel du 29 décembre. Deux jours avant, le Conseil constitutionnel avait jugé conformes à la Constitution la suppression intégrale de la taxe d’habitation d’ici à 2023 et le dispositif de compensation. Mais il avait censuré des dispositions non négligeables, dont la ponction sur les droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements franciliens.
La suppression de la taxe d’habitation et sa compensation ont franchi sans encombre les radars du Conseil constitutionnel. Après le vote définitif du projet de loi de finances, le 19 décembre dernier, la haute juridiction avait été saisie de trois recours, émanant de députés de gauche (socialistes et apparentés, gauche démocrate et républicaine et La France insoumise) et de droite (Les Républicains), ainsi que de sénateurs (Les Républicains).
Des parlementaires qui ont usé d’arguments proches. Le nouveau schéma de financement mis en place par la loi de finances remet en cause l’autonomie financière des collectivités territoriales et, ce faisant, leur libre administration, ont-ils pointé. Des griefs que les Sages ont balayés d’un revers de main. « Les recettes fiscales qui entrent dans la catégorie des ressources propres des collectivités territoriales s’entendent, au sens de l’article 72-2 de la Constitution, du produit des impositions de toutes natures non seulement lorsque la loi autorise ces collectivités à en fixer l’assiette, le taux ou le tarif ou qu’elle en détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette, mais encore lorsqu’elle procède à une répartition de ces recettes fiscales au sein d’une catégorie de collectivités territoriales », ont-il notamment indiqué.
Pour les députés de gauche, la décision de ne pas prendre en compte, pour le calcul de la compensation, les hausses des taux de taxe d’habitation décidées par les communes et les intercommunalités en 2018 et 2019 et celle de geler les taux de la taxe en 2020 pénalisent le secteur communal – notamment les communes les plus en difficulté – en le privant d’une centaine de millions d’euros. Ils dénonçaient des mesures contraires au principe constitutionnel de libre administration et « impactant gravement la prévisibilité budgétaire et financière des collectivités territoriales ». Une analyse rejetée par le Conseil constitutionnel. La réduction des ressources consécutive à la mesure en cause, égale à 0,1% des recettes de fonctionnement des communes « n’est pas d’une ampleur de nature à entraîner une atteinte aux exigences constitutionnelles », affirme-t-il.
Aléas économiques
Les sénateurs LR s’inquiétaient de la disparition du pouvoir de taux des départements et pointaient l’évolution moins rapide, au cours des dernières années, du produit de la TVA par rapport à celui de la taxe foncière. « La part des ressources propres des départements pourrait être fortement diminuée et sera en tout état de cause beaucoup plus dépendante des aléas économiques », critiquaient-ils. La fraction de TVA qui, en 2021, sera affectée aux départements en remplacement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, entre dans la catégorie des « ressources propres » des départements, assurent les Sages. « Le fait que les départements ne puissent déterminer le taux de la taxe sur la valeur ajoutée et le fait que son produit global puisse éventuellement fluctuer selon le contexte économique » n’ont pas grand-chose à voir avec la notion de ressources propres, répondent-ils également.
Les juges de la rue Montpensier ont par ailleurs jugé conformes à la Constitution la majoration de 20% de la taxe sur les bureaux dans certains quartiers de la métropole du Grand Paris et le dispositif de révision des valeurs locatives des locaux exceptionnels (monuments historiques, châteaux..) qui, contrairement aux autres locaux d’habitation, sera fondé sur la valeur vénale. De même, ils ont validé les dispositions visant à sécuriser les dispositifs financiers décidés en 2013 pour compenser au profit des départements les revalorisations du RSA. Les parlementaires voyaient dans celles-ci une tentative de l’Etat pour couper court à certains risques contentieux, mais « sans motif impérieux d’intérêt général ».
DMTO en Ile-de-France
En revanche, le Conseil a censuré le prélèvement (de 75 millions d’euros en 2020 et de 60 millions les années suivantes) sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) que perçoivent la ville de Paris et les départements franciliens (Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Val-d’Oise). Cette ponction assimilée à un « racket » par les présidents de départements concernés, devait servir à financer les engagements de l’Etat concernant les investissements prioritaires dans les transports inscrits dans le contrat de plan avec la région Ile-de-France, ainsi que la Société du Grand Paris, organisme en charge des travaux de l’extension du réseau de transports de l’agglomération parisienne. Sans se prononcer sur les griefs des requérants, la juridiction a constaté que la mesure a été adoptée « selon une procédure contraire à la Constitution ».
Les Sages ont censuré de nombreuses autres dispositions, parmi lesquelles une modification du cadre budgétaire et comptable des caisses de crédit municipal et l’autorisation donnée aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de placer certains fonds en titres participatifs émis par des offices publics de l’habitat. Ils ont considéré que ces mesures, « étrangères au domaine de la loi de finances », constituent des « cavaliers budgétaires ».
Le gouvernement est resté muet sur la censure concernant le financement des transports en Ile-de-France. En revanche, la ministre de la Cohésion des territoires et le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics se sont félicités, dans un communiqué commun, de la « conformité à la Constitution » de la suppression de la taxe d’habitation, une réforme « en faveur du pouvoir d’achat de tous les Français ». « L’Etat assumera (…) la compensation intégrale des collectivités », ont-ils souligné.