Le 5 juin 2024, le projet de loi pour le développement de l’offre de logements abordables a été adopté par la commission des affaires économiques du Sénat et profondément modifié par les amendements proposés par ses rapporteures, Sophie Primas et Amel Gacquerre. Ce texte sera discuté à partir du 17 juin.
Le texte élaboré par la commission s’inspire directement des rapports de la commission sur la crise du logement et sur le bilan de la loi SRU, ainsi que des travaux ayant conduit à l’adoption de la PPL renforçant le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux.
Réaffirmant la nécessité de construire des logements sociaux, la commission a regretté un projet de loi collectionnant les mesures techniques de faible portée sans qu’aucune d’entre elles ou toutes ensemble ne permettent de répondre à la crise du logement, alors que certaines remettent en cause la situation des locataires du parc social. Aucune ne constitue le choc d’offre ou de simplification annoncé. Aucune ne répond vraiment à la demande de logements sociaux ou de relance de l’accession à la propriété. Sans moyens financiers nouveaux, ce projet de loi s’avère sans stratégie. La déception est à la hauteur de l’attente et de l’enjeu.
La commission a donc fortement modifié le projet de loi pour redonner véritablement le pouvoir aux maires en matière de logement social, qu’il s’agisse de la construction, de l’attribution ou des ventes. La commission a assoupli la loi SRU dont l’application idéologique et dogmatique est devenue un sujet d’exaspération et de découragement.
La commission a pris des mesures pour encadrer la revalorisation des loyers HLM car il n’est pas question de faire payer aux locataires le coût d’une RLS qui, depuis 2017, est la vraie cause de la perte de moyens des bailleurs sociaux et de l’effondrement du nombre de constructions. De même, le paiement du surloyer au 1er euro, ou la remise en cause du droit au maintien dans les lieux touchant un petit nombre de locataires ne permettra pas aux 600 000 demandeurs de logement social supplémentaires depuis 2017 de trouver un logement.
Compte tenu de l’absence de dispositions significatives pour le logement des salariés et l’accession à la propriété, la commission a pris des mesures au profit des saisonniers, des travailleurs en mobilité, des travailleurs essentiels, des agents publics et des salariés des petites entreprises.
Pour Dominique Estrosi Sassone, présidente : « Faute d’avoir la grande loi sur le logement que nous attendions, nous avons cherché à faire vraiment bouger les lignes poursuivant l’application de nos propositions et déclinant notre vision pour résoudre la crise du logement et faire de la loi SRU une occasion de partenariat entre les maires et les préfets« .
Pour Amel Gacquerre, rapporteure : « Le projet de loi ne traitait pas vraiment du lien entre emploi et logement et de la volonté des entreprises de s’engager dans ce domaine. Nous avons proposé de nombreuses mesures qui viennent répondre à l’urgence de la situation. Il n’y aura ni plein emploi, ni réindustrialisation sans logement« .
Pour Sophie Primas, rapporteure : « On ne peut pas faire confiance aux maires en pointillés. Il faut au contraire les placer au cœur de la politique du logement. De même, on ne peut dire aux classes moyennes qu’elles sont vouées à la location alors qu’elles rêvent d’accession à la propriété. Il faut répondre aux aspirations profondes des acteurs du logement et des Français. »
Parmi les amendements adoptés en commission
- Pour une application de la loi SRU réellement négociée au niveau local
- Définition des secteurs de DPU pour régulation du marché
- Décret en Conseil d’État précisant les conditions d’exercice du DPU pour régulation du marché immobilier
- Délégation du DPU à l’EPCI : rétablissement de la possibilité pour une commune de déléguer tout ou partie de ses compétences sen matière de droit de préemption à un EPCI y ayant vocation, comme dans le droit commun du DPU.
- Exemption du décompte de l’artificialisation pour les constructions de logements sociaux, dans les communes manquant de foncier
- Facilitation de l’accès au foncier de l’État
- Participation du public par voie électronique pour les projets de logements en zone tendue
- Avis des ABF sur les projets de logement : prévoir que l’architecte des Bâtiments de France devra prendre en compte, dans ses avis les objectifs d’accès au logement fixés pour le territoire dans le programme local de l’habitat ou, à défaut, l’objectif général d’accès au logement, prévoir aussi une base de données nationale des avis des ABF, qui pourra former un référentiel et une sorte de base informelle de jurisprudence, et permettra aux porteurs de projets de mieux anticiper cette étape.
- Dérogations au PLU hors zones tendues
- Suppression de l’étude d’optimisation de la densité : cette étude apparait inutile, coûteuse et source de contentieux tant au niveau de l’étude d’impact que de l’avis de l’autorité environnementale.
- Inutile dans la mesure où les aménageurs qui interviennent dans le cadre des ZAC ou des permis d’aménager ont, par définition, vocation à optimiser, dans le cadre de leur relation avec les collectivités, la densité des constructions à réaliser sur leur opération. En outre, l’étude relative à l’optimisation de la densité des constructions est intégrée à l’étude d’impact du projet qui n’a pour objet que d’apprécier, de limiter et d’éventuellement compenser les incidences du projet sur l’environnement et notamment la biodiversité.
- Éviter qu’une avance en compte courant ne mette en difficulté un bailleur et permettre aux bailleurs de gérer les LLI créés par leurs filiales
- Affranchir les bailleurs de l’autorisation administrative pour augmenter les loyers de 5 % à la suite d’une réhabilitation
- Préciser les modalités de la réévaluation des loyers à la relocation dans un décret
- Supprimer le contrôle préfectoral a priori sur les délibérations des OHLM relative aux loyers
- Possibilité pour les SEM de détenir un ou plusieurs livrets A pour leur activité HLM ou LLI comme les organismes HLM
- Faciliter la participation des SEM aux sociétés de projet : suppression de l’accord préalable du préfet lorsque des organismes d’HLM souhaitent souscrire des parts ou des actions dans des sociétés de projet. L’accord de la collectivité majoritaire est toutefois toujours requis. Cette proposition favorise l’intervention des SEM
- Dispositions en faveur de l’accès au logement des salariés du secteur privé et des agents du secteur public : possibilité pour un employeur de recourir, via une convention avec un bailleur, à l’usufruit locatif social (ULS) pour assurer le logement de ses salariés. Cette disposition intéresse tout particulièrement les petites entreprises de moins de 50 salariés. Proposer ensuite d’élargir la clause de fonction dans le logement social à toutes les fonctions publiques et, en zones tendues, aux employés des entreprises de transport public.
- Sécuriser juridiquement le fait qu’une personne morale puisse prendre à bail un logement intermédiaire qu’elle sous-loue en respectant les conditions de ressources
- Permettre aux établissements publics de santé de prendre des participations et de créer des filiales pour gérer et valoriser leur patrimoine immobilier
- Aligner le zonage des « zones tendues » s’appliquant aux OHLM et aux SEM dans le cadre de l’évaluation de la sous-occupation des logements
- Mieux encadrer l’abaissement du seuil du SLS
- Création des résidences à vocation d’emploi : ce nouveau type de logement serait réservé aux salariés en mobilité ou ayant un contrat à durée déterminée
- Permettre que les logements sociaux vendus « en bloc » ne soient plus soumis à des maxima de loyers et à une attribution sous condition de ressources
- Permettre la vente HLM avec décote de 20 % aux locataires et aux gardiens.
- Vente HLM dans les CUS : avis conforme de la commune dans un délai de quatre mois
- Faciliter le recours aux sociétés immobilières d’accession progressive à la propriété
Accédez au texte de la commission :
https://www.senat.fr/leg/pjl23-676.html
Audition de DF sur ce projet de loi
Michel MENARD, Président du Département de la Loire-Atlantique, représentant DF a été entendu le 24 mai par Sophie Primas, sénatrice des Yvelines et Amel Gacquerre, sénatrice du Pas de Calais, rapporteures au nom de la commission des Affaires économiques.
Le projet de loi logement a pour objectif de créer un choc de l’offre. Michel Ménard s’est montré perplexe sur le contenu du texte qui ne pourra répondre à la crise du logement par le seul fait du marché et d’un développement du logement locatif intermédiaire (LLI). Il a regretté, au même titre que les acteurs institutionnels présents, que ce texte vienne remettre en cause la loi SRU qui garantit la mixité sociale dans les territoires, et l’ouvrant à autre chose que du logement social, ce qui constitue une brèche dangereuse pour l’avenir.
Selon lui, il aurait d’abord fallu travailler à la solvabilité des bailleurs et des ménages, étant un des seuls intervenants à relever que la crise de la demande est liée à la déconnexion observée ces dernières années entre le revenu des ménages et le coût du logement, en locatif et en accession. Le LLI ne correspond que très marginalement aux capacités contributives des demandeurs de logement social. Les mesures du projet de loi sur l’augmentation des loyers, la systématisation du surplus de loyer, à l’égard des locataires sont édifiantes du décalage avec les réalités sociales.