Le Printemps de la fibre, organisé ce mardi 20 mars dans la Drôme, était l’occasion pour les spécialistes des réseaux d’initiative publique (RIP) de questionner les enjeux socio-économiques du déploiement des réseaux de fibre. L’emploi lié au déploiement des réseaux était au coeur des échanges, avec de belles perspectives pour les cinq années à venir, malgré une carence identifiée dans la formation des professionnels du secteur.
Si l’actualité vive du Printemps de la fibre était la pénurie conjoncturelle de fibre optique – qui semble pouvoir menacer le déploiement des réseaux en France comme à l’étranger -, le débat de fond pour la première édition de ce Printemps portait plutôt sur la question de l’emploi induit par la construction de ces infrastructures de réseau. La Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique (Firip) et l’opérateur Axione étaient à l’initiative de cet événement régional, accueilli dans la Drôme provençale par le syndicat mixte Ardèche Drôme numérique (ADN), un acteur pionnier dans le monde des RIP formé en 2007 sur les deux départements.
La fibre : combien d’emplois ?
A l’heure de l’accélération des déploiements annoncée lors des Etats généraux des RIP (voir ci-dessous notre article du 16 mars), les industriels ont pour objectif de fibrer 3 millions de prises par an, soit 12.000 par jour ouvré. Cette prouesse industrielle représenterait potentiellement une manne d’emploi conséquente, de l’ordre de 3 à 4.000 nouveaux emplois chaque année, à comparer aux 30.000 nouveaux emplois attendus en 2018 dans le secteur du BTP, ou aux 15.000 emplois attendus au plus fort du chantier du Grand Paris Express. A l’horizon 2022, ce sont 28.000 emplois qui pourraient être mobilisés dans l’ensemble des métiers de la fibre, selon les prévisions d’Objectif fibre, qui a vocation à réunir les associations professionnelles du secteur. La palette des métiers est accessibles à tous les publics : négociations pré-opérationnelles, études, travaux, maintenance. Néanmoins, on peut craindre une pénurie des compétences qui se fait déjà ressentir localement pour certains métiers. « L’offre est là, les besoins sont aujourd’hui essentiellement sur la formation et le financement », commente Nathalie Celle, spécialiste emploi et formation de la Firip.
Anticiper les besoins en compétences
Un plan national de formation, l’Edec fibre optique (pour « engagement de développement de l’emploi et des compétences ») a été engagé en mars 2017 par l’Etat, Objectif fibre et les partenaires sociaux. Ce programme, doté d’un budget de 2,7 millions d’euros, a pour objet d’anticiper les besoins en compétences et de construire une offre de formation adéquate, notamment en tenant à jour des référentiels métiers précis.
On compte aujourd’hui une trentaine de centres de formation aux métiers de la fibre, s’adressant plutôt aux techniciens et installateurs de terrain. Chacun est organisé autour d’un plateau technique FttH, qui représente un investissement d’environ 200.000 euros pour 100m² accueillant une petite dizaine d’apprentis. L’un d’entre eux, le centre de formation Néoplis Réseaux, a été mis en place par la CCI de la Drôme et l’ADN à Valence. Les formations y ont débuté fin 2016 : sur une cinquantaine de personnes formées – pour la plupart en reconversion – une quarantaine ont trouvé un emploi pérenne dans le domaine. Car le secteur est réputé créer de l’emploi durable, insiste Maguelone Nalet-Martin, la directrice de la maison de l’emploi, de l’entreprise et de la formation (Meef), un acteur local de l’insertion professionnelle.
Le secteur des RIP s’avère particulièrement propice pour l’insertion de clauses sociales dans les marchés publics : sur huit chantiers lancés par l’ADN en 2017, la commande publique responsable a fourni, par l’intermédiaire de la Meef, pas moins de 70.000 heures de travail en « marché clausé », soit l’équivalent d’une trentaine d’emplois. Ces clauses ont permis de favoriser sur ces marchés les chômeurs de longue durée ou personnes au RSA (43% des heures), les jeunes de moins de 26 ans (40%), les seniors de plus de 50 ans (7%) et enfin les personnes handicapées (3%).
Ingénierie de projet : une carence critique qui impacte tout le secteur
« Avant de réaliser, il faut concevoir » : telle est l’alerte des professionnels face à l’orientation essentiellement technique des formations existantes. L’insuffisance des circuits de formation porte de plus en plus sur des emplois plus qualifiés : bureaux d’études, ingénierie de projet, supervision de travaux. Aucune formation n’est clairement identifiée dans ces domaines, si bien que les gestionnaires de projet apprennent pour l’essentiel en pratiquant. Avec, au terme du déploiement de la fibre, la promesse de besoins encore plus spécialisés, par exemple dans la cybersécurité ou l’e-agriculture. On réfléchit localement à la valorisation du numérique dans les métiers viticoles, pour concilier les atouts territoriaux.
Sur le périmètre d’ADN, un second centre devrait ouvrir prochainement en Ardèche, répondant à cette montée en gamme des besoins de compétences, en prolongeant l’offre de formation essentiellement technique de Néopolis avec des formations en innovation et en ingénierie de projet.