Au premier jour du Congrès, une table-ronde a été dédiée aux enjeux financiers des Départements du nouveau quinquennat. Dans un cadre gouvernemental qui s’annonce très contraignant, les Départements, et notamment les plus fragiles d’entre eux, ont tiré la sonnette d’alarme.
Selon Michel KLOPFER, Consultant en finances locales, le projet de loi de programmation des finances publique (PLPFP) serait « pour la première fois extrêmement contraignant » pour les collectivités locales. En ouverture de la table-ronde, Michel KLOPFER a présenté son analyse d’une situation jugée « paradoxale » à plus d’un titre, l’État ne s’appliquant pas la rigueur budgétaire qu’il impose aux collectivités. « Comment les collectivités vont-elles pouvoir continuer à investir, ne serait-ce qu’en complément des grands chantiers que l’Etat peut ouvrir ? », a interpelé le consultant.
Une nouvelle « règle d’or » pour les collectivités
Pour ce dernier, un indicateur révèle la situation dégradée des finances des Départements : celui du taux d’épargne brute. Il était en moyenne de 11% en 2016 et, pour un tiers des Départements, inférieur à 10%. Le consultant a enfin mis en avant un point du PLPFP (article 24) : une nouvelle « règle d’or » pour les collectivités. Il s’agirait d’une procédure de déclenchement de l’intervention du Préfet quand la capacité de désendettement d’une collectivité dépasserait un certain plafond – de 9 à 11 ans pour les Départements. Dans un tel contexte « gravissime du point de vue de notre autonomie », « il n’y a pas de contractualisation possible avec l’État », a réagi Stéphane TROUSSEL, Président de la Seine-Saint-Denis.
AIS, logement social : même combat ?
Au sujet des allocations individuelles de solidarité (AIS), Dominique HOORENS, Directeur des études économiques et financières à l’Union sociale pour l’habitat (USH), a établi un parallèle avec le logement social. Son financement pèse, et pèsera encore plus dans les années à venir, à une échelle très locale. Pour éviter que certains territoires et organismes HLM accueillant des ménages modestes ne se retrouvent dans une impasse, la solidarité doit reposer sur les recettes de l’État, « plus larges » et « plus diverses » que les ressources locales.
Une fracture territoriale « dramatique »
Les Départements sont tous dans une situation financière particulière, mais certains d’entre eux sont « en voie de sous-développement », a alerté Pierre CAMANI, Président du Lot-et-Garonne. Privés de capacité d’intervention – soutien aux communes, investissements… -, « nous nourrissons le cycle de l’appauvrissement », a-t-il poursuivi. Entre les Départements ruraux et ceux qui ont une Métropole sur leur territoire, « il y a une fracture territoriale qui s’accélère et qui est dramatique. »
Pierre CAMANI a ainsi été à l’initiative d’un groupe de travail au sein de la Commission des Finances de l’ADF, présidée par Jean-René LECERF, sur les Départements en grande difficulté. Ces derniers font à la fois face à la hausse du reste à charge des AIS, à la progression moindre des DMTO et à la diminution des bases du foncier bâti. Certains sont aussi confrontés à l’arrivée massive et rapide de mineurs non-accompagnés, comme les Hautes-Alpes qui en auront accueilli 1.000 d’ici la fin de l’année contre 50 l’année précédente.
Large consensus autour de la motion
Dans sa motion commune adoptée à l’unanimité, l’ADF demande à l’État de résoudre la problématique du financement des AIS pour garantir « la pérennité de notre modèle social » en vertu de trois prérequis : « le maintien sans conditions des politiques d’insertion aux Départements, de leurs ressources dynamiques et la correction verticale des iniquités existantes quant au poids du reste à charge pour chaque Département ».
Jean-René LECERF, Président du Département du Nord, a d’ailleurs rappelé que « Le fonds d’urgence a servi de rustine indispensable […] Nous souhaitons sa disparition le jour où il aura été remplacé par une politique pérenne qui nous permettra d’équilibrer d’une manière sereine et avec une visibilité nos budgets ». Aussi a-t-il présenté les orientations issues des réunions de la Commission des Finances de l’ADF, dont l’objectif est de cibler un mécanisme de péréquation fondé sur un reste à charge par AIS et par habitant ; une amélioration qui prend en compte les indicateurs de ressources. Enfin, il a insisté sur le fait que les Départements sont là pour assurer et faire respecter le pacte social sans lequel il n’y a plus de République et de démocratie : « Nous, Départements, avons la conscience fondamentale d’être l’assurance-vie de la démocratie et de la République à qui s’adressent ceux qui n’ont plus personne à qui s’adresser, aux plus fragiles ».