Le Sénat a achevé l’examen du projet de loi après l’avoir modifié ou complété
Ce projet de loi présenté par Bercy affiche plusieurs dispositions intéressant directement les collectivités territoriales. Tour d’horizon.
- Dispositions relatives à la commande publique
Les sénateurs ont tout d’abord adopté un amendement du sénateur Roger Karoutchi permettant aux collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements d’utiliser, si elles le souhaitent, la plateforme de dématérialisation de Bercy (PLACE). Cet amendement de clarification répond ainsi à la demande unanime des associations d’élus qui avaient souhaité une utilisation facultative et gratuite de PLACE.
Olivia GREGOIRE, ministre déléguée chargée des entreprises, a rappelé son attachement au principe de la libre administration des collectivités territoriales et a donc approuvé la demande des élus locaux, soulignant au passage que PLACE ne pourra absorber le volume considérable de l’ensemble des commandes publiques des collectivités territoriales. Si PLACE devait être adapté, cela nécessiterait un chantier lent et coûteux, a-t-elle fait valoir.
L’amendement de certains sénateurs LR suggérant de rendre obligatoire le recours à PLACE a donc été rejeté.
Les autres amendements adoptés :
- Relèvement du seuil de dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux et des lots portant sur des travaux dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes.
Les sénateurs ont considéré que le relèvement de ce seuil de dispense constituait un levier efficace pour favoriser l’accès des TPE/PME à la commande publique, dès lors que les marchés de travaux inférieurs à 100 000 euros sont pour l’essentiel ceux auxquels candidatent ces entreprises. La ministre a donné un avis favorable.
- Inclure les biens issus du recyclage et du réemploi dans la catégorie « achats innovants.
Trois amendements adoptés contre l’avis de la Ministre visent à intégrer l’économie circulaire à la définition des marchés innovants. En effet, au regard des enjeux de transition écologique, il est important, selon les sénateurs, que la commande publique s’oriente, lorsque cela est possible, vers des méthodes et des procédés qui relèvent de l’économie circulaire. Le recours aux marchés innovants est un outil qui peut permettre d’accélérer son déploiement. En conséquence, ils ont décidé d’affiner la définition d’un marché innovant tel que défini dans le code de la commande publique pour qu’il intègre au mieux la notion d’économie circulaire.
- Exclure des passations de marchés publics les entreprises n’ayant pas déposé leurs comptes annuels
Adopté contre l’avis de la ministre, un amendement du groupe communiste entend, dans une démarche de simplification, exclure de plein droit les personnes morales qui ne déposent pas leurs comptes annuels afin de rendre plus efficiente la procédure de passation pour les acheteurs publics en évitant des vérifications disproportionnées notamment pour les collectivités locales et par la même exclure les entreprises qui ne seraient pas vertueuses.
- Faciliter le recours aux variantes techniques et environnementales
En stimulant l’innovation, la commande publique contribue à faire grandir les entreprises innovantes, qui, en retour, offrent aux collectivités territoriales la possibilité de répondre plus efficacement aux attentes et besoins des citoyens. Les variantes, prévues par la commande publique, solutions alternatives et vertueuses sur le plan technique et environnemental à l’initiative des entreprises, constituent aujourd’hui un levier trop peu utilisé par les acheteurs publics du fait notamment d’un cadre juridique trop contraignant.
Cet amendement du groupe écologiste a été adopté contre l’avis de la ministre
- Ouverture de l’ensemble des marchés publics et des contrats de concession au dispositif de partenariat public-privé institutionnalisé
Un amendement du groupe écologiste vise à ouvrir le recours à l’ensemble des marchés et des contrats de concession au dispositif de partenariat public-privé institutionnalisé (PPPI), issu du droit de l’Union européenne (Communication interprétative de la Commission du 5 février 2008 concernant l’application du droit communautaire des marchés publics et des concessions aux partenariats public-privé institutionnalisés (PPPI), CJCE, 15 octobre 2008) et encadré en droit interne par l’avis du Conseil d’État du 1er décembre 2009. Actuellement, seules existent les sociétés d’économie mixte à opération unique, prévues au seul profit des collectivités territoriales, alors qu’aucun obstacle n’avait été identifié à la constitution de ces sociétés dans des cas plus larges. La ministre a donné son accord
- Création d’une nouvelle catégorie de marchés globaux sectoriels pour assurer le transfert de maîtrise d’ouvrage à l’opérateur privé pour les opérations avec imbrication de la maîtrise d’ouvrage entre opérateurs public et privé
Dans des hypothèses de cession de foncier avec des charges impliquant un important développement de logements (par exemple des parcelles permettant de mettre en œuvre un programme mixte), les conditions de recours aux marchés de conception-réalisation, aux marchés globaux de performance ou aux différents marchés globaux sectoriels, ne peuvent pas toujours être satisfaites. Cet amendement du groupe écologiste tend à y remédier. La ministre a donné son accord.
- Encadrer le délai entre l’attribution et la notification du marché par l’acheteur
L’amendement adopté vise à encadrer le délai entre la décision d’attribution et la notification du marché par l’acheteur afin de simplifier les procédures des marchés publics, qui restent trop complexes et entraînent des délais et des coûts importants pour les entreprises, notamment les plus petites. La ministre a donné un avis défavorable.
- Dérogation au paiement direct des sous-traitants pour certains marchés de travaux
En accord avec la ministre, un amendement a été adopté visant à préciser que les règles relatives à la sous-traitance n’ont vocation à s’appliquer aux marchés de travaux que dans l’hypothèse où l’acheteur est maître d’ouvrage. Accord de la ministre.
- Inscrire les VEFA dans le régime des contrats exclus
Toujours en accord avec la Ministre, un amendement adopté du groupe écologiste vise à assouplir le régime d’exécution des ventes futures en l’état d’achèvement (VEFA) qualifiées de marchés publics.
- Expérimenter un small business act outre-mer
Un amendement du sénateur de la Guadeloupe Victorin Lurel instaure, à titre expérimental et pour 5 ans, une « stratégie du bon achat » (SBA) dans les outre-mer. Dans des conditions fixées par voie réglementaire, il donne la possibilité aux acheteurs publics ultramarins de prévoir une participation minimale de 20% des PME locales et des artisans locaux, au sein des marchés publics d’une valeur supérieure à 500 000 euros hors taxes. Cet amendement a reçu le feu vert de la ministre.
- Dispositions relatives aux Assurances
L’article 14 du projet de loi vise à :
– généraliser à tous les contrats d’assurance de dommages et de personnes l’obligation pour l’assureur de motiver sa décision de résiliation unilatérale du contrat, cette obligation étant aujourd’hui limitée aux seuls contrats couvrant les particuliers ;
– encadrer les délais d’indemnisation des assurés pour les dommages causés aux biens.
La commission spéciale s’est accordée sur les objectifs de rééquilibrage des relations entre assureurs et assurés portés par ces mesures, qu’elle a par ailleurs proposé d’enrichir par l’adoption de plusieurs amendements du rapporteur.
La commission spéciale a tout d’abord ajusté les délais d’indemnisation des sinistres :
– d’une part, en réduisant le délai dont disposent les assureurs pour proposer une indemnisation ou une réparation, qui apparaissait trop élevé.
– d’autre part, en précisant le délai dont dispose l’assureur pour verser l’indemnisation une fois cette proposition acceptée. La fixation de ce délai faisait en effet l’objet d’un renvoi à un décret en Conseil d’État qui n’apparaissait pas justifié.
Par ailleurs, elle a adopté un amendement prévoyant une évaluation par le Gouvernement de l’efficacité de ce dispositif d’encadrement des délais d’indemnisation au plus tard deux ans à compter de son entrée en vigueur.
La commission spéciale a en outre introduit un mécanisme de sanction en cas de non-respect du délai dont dispose l’assuré pour formuler une proposition d’indemnisation ou de réparation, afin de garantir l’effectivité du dispositif.
En séance publique : deux nouveaux amendements ont été adoptés
- Extension à 6 mois du préavis en cas de résiliation unilatérale par l’assureur d’un contrat couvrant les collectivités locales et leurs groupements
Dans sa mission d’information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales, la commission des finances a adopté une recommandation tendant non seulement à obliger les assureurs à justifier les résiliations unilatérales que subissaient les collectivités sur leurs contrats d’assurance – proposition déjà mise en œuvre par l’article 14 du présent projet de loi – mais également à porter la durée minimum de préavis à six mois. Elle figure en recommandation n°12 du rapport « Garantir une solution d’assurance aux collectivités territoriales » déposé le 27 mars 2024.
L’objectif du délai minimum de six mois est de laisser aux collectivités subissant une résiliation unilatérale le temps nécessaire, eu égard aux règles de la commande publique, pour passer un nouveau marché public d’assurance. Cette proposition renforce le droit résultant de la décision du Conseil d’État du 12 juillet 2023 Grand port maritime de Marseille. Cet amendement présenté par M Husson a été adopté contre l’avis de la ministre.
- Création d’un pouvoir d’injonction sous astreinte exercé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution lorsque l’assureur ne respecte pas les délais d’indemnisation
Selon le Gouvernement, les dispositions introduites en commission qui visent à rendre davantage effectif le nouveau dispositif d’encadrement des délais d’indemnisation en matière d’assurance dommages aux biens soulèvent des questions juridiques, notamment au regard des principes constitutionnels de proportionnalité et de légalité des peines, du fait du caractère forfaitaire fixé par décret du montant que devrait vers l’assureur fautif à l’assuré. De plus, elles ne définissent pas comment et par qui le non-respect du délai serait constaté.
Il a donc présenté un amendement afin de lever ces écueils juridiques, tout en conservant l’objectif initial de la commission, en remplaçant ses dispositions par une nouvelle sanction pécuniaire contre les assureurs ne respectant pas les délais d’indemnisation en matière d’assurance dommages aux biens.
Il confie à la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (Autorité qui a la charge de veiller à la protection des clients des entreprises d’assurance et de réassurance) un pouvoir d’injonction sous astreinte lorsqu’elle constate que les pratiques commerciales d’un assureur ou d’un réassureur ne sont pas conformes au dispositif d’encadrement des délais d’indemnisation en matière d’assurance dommages aux biens.
Ce pouvoir d’injonction sous astreinte est par ailleurs cumulatif avec les sanctions pécuniaires que la commission des sanctions peut prononcer en cas de manquement à toute disposition au respect de laquelle l’Autorité a pour mission de veiller. Ces sanctions pécuniaires ne peuvent excéder cent millions d’euros.
- Étendre aux opérations d’infrastructures routières les dispositions de l’article L. 122-1-1 du code de l’expropriation
Un amendement proposé par le Département de Dordogne a été défendu par Serge Mérillou afin d’étendre aux opérations d’infrastructures routières les dispositions de l’article L. 122-1-1 du code de l’expropriation. La loi Industrie verte a permis la reconnaissance du caractère de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) d’une opération faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique.
Or, partout en France, des projets sont bloqués, parfois juste avant leur achèvement. Mais s’ils ne remplissent pas les exigences environnementales, ils auraient dû être arrêtés dès le départ. Cela permettrait d’éviter qu’une collectivité soit sommée de détruire un ouvrage quasiment achevé.
Cet amendement entend simplifier la vie des collectivités, les sécuriser et éviter des gaspillages d’argent public. Il ne réduit pas le niveau d’exigence en matière environnementale.
Cet amendement n’a pu aboutir car les rapporteurs ont rappelé que le Sénat a favorisé un périmètre restreint aux seuls projets industriels d’envergure lors de la loi Industrie verte. En conséquence, ces procédures, dérogatoires, doivent être limitées et proportionnées. Il faut, selon eux, laisser le temps au dispositif d’être appliqué.
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https://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2023-2024/635.html
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