Budget : les Départements sous tension

A quelques jours de l’examen du projet de loi de finances en Conseil des ministres le 27 septembre, les départements de France tirent la sonnette d’alarme et se tournent vers l’État. Ils réclament une réaction de « solidarité nationale » pour pouvoir faire face à une dégradation de leurs finances qu’ils jugent « dangereuse », selon le président de l’ADF, François Sauvadet.

Même si un fonds d’urgence de 60 millions d’euros destiné aux départements les plus en difficulté est déjà dans les tuyaux (notamment pour soutenir les plus ruraux tels les Ardennes, l’Aisne, la Meuse), le chef de file des collectivités départe- mentales estime que l’enveloppe doit être réhaussée à hauteur de 100 millions d’euros, via un « fonds de soutien exceptionnel ». Parallèlement, il juge urgent d’indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation. Son calcul est simple : cette DGF représente 8,269 milliards

alors qu’avec une indexation elle atteindrait 9,133 milliards. Le sujet a été mis sur la table du Haut Conseil des finances publiques, présidé par Bruno Le Maire, mardi. « Il manque 1 milliard », déplore le président Sauvadet en rappelant que les départements ont été contraints de supporter 4 milliards d’euros de dépenses entre 2019 et 2022, « pour l’essentiel non compensées ». La hausse des dépenses et des charges est régulièrement dans le collimateur des collectivités mais ce qui met le feu aux poudres aujourd’hui, c’est la situation de leurs ressources principales, hors dotations : la chute annoncée des droits de mutation (DMTO) dans un contexte de crise immobilière aiguë (- 18 % en moyenne selon les dernières données de l’ADF). À noter qu’environ 20 % des ressources départementales sont issues des frais de notaires.

Tout en se considérant comme des acteurs en première ligne sur le front de la crise sociale, les présidents de départements veulent tirer la sonnette d’alarme face à un « effondrement » de la construction et du volume des crédits bancaires distribués aux ménages. Ils affirment ainsi que cette crise immobilière, qui leur rappelle celle des subprimes en 2008, les place dans une situation « intenable », voire une « quasi-impasse ». « Tout le monde la voyait venir cette crise dès la fin de l’année dernière, insiste Sauvadet qui veut aussi mettre en garde le pouvoir face aux fragilités du pays. La précarité gagne l’escalier des classes moyennes. Je crains une accélération des fractures territoriales et sociales. Il faut faire attention car le lit des illusions se creuse dans le fossé des annonces. »

« Il y a le feu au lac »

Le président UDI de la Côte d’Or doit rencontrer Élisabeth Borne très prochainement mais en montant au créneau sur les difficultés des départements, il adresse clairement un message à Emmanuel Macron et à son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Il leur demande de fixer des « objectifs de cohésion nationale financés ». Sauvadet a eu l’occasion d’alerter directement le président de la République lors du dernier Conseil national de la refondation, début septembre.

Pour François Durovray, président LR de l’Essonne, membre de l’ADF et portevoix de l’association des sept départements d’Île-de-France, la situation est très préoccupante. « Il y a le feu au lac », prévient-il, avant de rappeler une analyse de l’agence de notation Standard & Poor’s selon laquelle les collectivités locales françaises seraient les entités les plus fragiles financièrement après les provinces chinoises.

« Grâce à une embellie sur le secteur de l’immobilier, nous avions pu faire face aux dépenses que l’État nous a demandé d’assumer mais nous n’avons pas de cagnotte », explique l’élu. Il reconnaît le boom exceptionnel du marché immobilier enregistré au cours de deux dernières années et durant les années pré-Covid. Mais la tendance s’est inversée brutalement. À l’échelle de l’Essonne, la situation budgétaire enregistre une baisse de « 25 % » côté recettes. Cet affaissement représente un trou de 80 millions d’euros dans le budget départemental, « soit la construction de deux collèges alors que je dois en construire huit ! », clame le président Durovray. Mais, au-delà de l’Île-de- France, il pressent une reproduction de cette crise dans les autres territoires français, là où les départements les plus fragiles sont financièrement tenus à bout de bras grâce à un système de péréquation mis en place par l’ADF. Jusqu’à présent, les collectivités départementales les plus solides ont réussi à aider les plus fragiles mais l’ADF craint que cette solidarité interne soit grandement fragilisée. « Toutes les recettes de la péréquation seront taries dans deux ans. C’est une bombe à retardement », met en garde François Durovray. Nul doute qu’il le redira lors de son entretien prévu jeudi avec Dominique Faure, la ministre des Collectivités territoriales et de la Ruralité.

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