Voulue par les élus locaux et le gouvernement, la fusion des départements alsaciens doit aboutir à la création au 1er janvier 2021 d’une collectivité européenne d’Alsace. Un projet de loi, sur lequel le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a donné son avis le 13 février, définit les compétences de la future entité. Zoom sur ces dispositions préfigurant d’une certaine façon le nouveau droit à la différenciation territoriale.
Le 4 février, les conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont largement voté, l’un et l’autre, en faveur d’une délibération par laquelle ils demandaient au gouvernement la création d’une « collectivité européenne d’Alsace », par le regroupement des deux départements alsaciens à partir du 1er janvier 2021. Désormais, le feu est donc vert pour la naissance par décret de la nouvelle collectivité, dont les contours ont été dessinés par « l’accord de Matignon » signé le 29 octobre dernier entre le gouvernement et les élus alsaciens.
Comme prévu par cette déclaration historique, la collectivité européenne d’Alsace restera dans le giron de la région Grand Est. Mais, en plus des attributions départementales, elle disposera de compétences particulières, qui lui seront transférées par un projet de loi « relatif aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace ». L’ambition est de doter le super-département « de compétences spécifiques et particulières de nature à répondre aux caractéristiques de l’Alsace sur le plan, par exemple, de son insertion socio-économique dans le bassin rhénan et de la coopération transfrontalière. » C’est ce qu’indique l’exposé des motifs du projet de loi, sur lequel le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) était consulté, le 13 février. Ce projet de texte, que Localtis a pu consulter, prévoit pour l’essentiel les mesures suivantes.
Politiques transfrontalières. Le développement de projets transfrontaliers sera « au cœur » de l’action de la nouvelle collectivité. Sa position de chef de file dans ce domaine l’amènera à réaliser un schéma alsacien qui pourra « comporter un volet opérationnel sur des projets structurants » et un autre, spécifique aux déplacements transfrontaliers. Le document sera défini « en cohérence avec le volet transfrontalier du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. » Il identifiera, « pour chaque projet, la collectivité ou le groupement chargé de sa réalisation, les compétences concernées des collectivités et groupements et, si besoin, prévoira les conventions de délégation de compétences qu’il leur est proposé de conclure. »
Par ailleurs, la nouvelle collectivité disposera à titre expérimental, avec le préfet de région, de pouvoirs diplomatiques, et ce « à l’échelle du Rhin supérieur. »
Routes. Le réseau routier national non concédé sera transféré à la collectivité européenne d’Alsace. L’objectif de ce transfert, qui s’accompagnera d’un transfert ou d’une mise à disposition des personnels de l’Etat concernés, est notamment de « permettre une régulation du trafic de transit à l’échelle transfrontalière et une meilleure insertion de l’axe Nord Sud alsacien dans les itinéraires transnationaux européens ». Cette vague de décentralisation fera l’objet de la part de l’Etat d’une compensation à la collectivité européenne d’Alsace, principalement sous la forme de l’attribution d’une fraction de tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.
À la demande de l’eurométropole de Strasbourg, la collectivité pourra décider de lui transférer « des portions » du réseau routier national qui sont situées sur son territoire.
Tourisme, sport, culture. La collectivité européenne d’Alsace pourra coordonner, sur son territoire, l’action des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dans le domaine du tourisme, et ce « en cohérence avec le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs. » Le gouvernement précise qu’elle assurera « l’animation de la marque Alsace » gérée aujourd’hui par l’agence de développement d’Alsace (Adira), et que son comité du tourisme assurera « l’animation de la destination Alsace. »
La future collectivité pourra également exercer un rôle de coordination dans le domaine du sport, ainsi que pour « les actions de sauvegarde, de promotion et de développement de la culture et du patrimoine alsacien et rhénan. »
Bilinguisme. La collectivité européenne sera compétente avec l’État pour le recrutement des enseignants chargés des cours de langue et de culture régionales.
Gouvernance. Jusqu’au prochain renouvellement des conseils départementaux, le conseil départemental de la collectivité européenne d’Alsace sera composé de l’ensemble des conseillers départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
Personnels. Les agents des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin relèveront de plein droit, au 1er janvier 2021, de la collectivité européenne d’Alsace « dans les conditions de statut et d’emploi qui sont les leurs. »
Ordonnances. Dans les 12 mois après la promulgation de la loi, le gouvernement pourra prendre, par ordonnance, des « mesures relatives aux adaptations nécessaires des textes ou organismes concernés par cette réforme, ainsi que des mesures complétant les dispositions relatives aux transferts de personnels et les règles financières, fiscales et électorales applicables. »
S’il est inscrit dans la Constitution, le droit à la différenciation pourrait permettre à la collectivité d’Alsace d’étoffer ses compétences.