Colloque IFGP : quel rôle et quelle place pour les élus dans la République ?

Le statut des 500 000 élus locaux est-il lié au destin contrarié de la décentralisation française ? Oui, à en croire l’Institut français de gouvernance publique (IFGP), à l’origine d’un colloque, organisé le 30 novembre au Sénat. Et selon ses conclusions, le destin des élus locaux de la République dépend étroitement de la relation du pouvoir local avec l’État et de la volonté de ce dernier de reconnaître une autonomie politique -réelle et effective- aux Communes, Départements et Régions afin de mieux agir auprès des Français pour répondre à la crise démocratique que traverse la France.

Un pacte de confiance entre les élus locaux et la République réside dans cet équilibre institutionnel, pourtant menacé comme jamais. Dans la crise démocratique et sociale que nous vivons, la responsabilité de l’État unitaire est immense et ce dernier doit répondre au préalable à 4 questions qui concernent sa vocation, le degré de confiance qu’il place dans la démocratie locale, les moyens qu’il lui attribue pour agir ainsi que sa capacité à se réformer pour innover :

  • Quelle place doit occuper l’État dans ses fonctions régaliennes et comment les assumer ?
  • Comment et avec quels moyens les trois échelons de collectivités ont-ils les capacités de répondre aux besoins de nos concitoyens ?
  • Comment gagner « la mère des batailles » qui est celle de l’autonomie financière et fiscale dont dépend notre autonomie politique locale ?
  • Comment s’affranchir du carcan normatif qui asphyxie le fonctionnement des collectivités et contraint l’action des élus ?

La force d’une résolution politique pour reconstruire la Décentralisation avec les élus locaux et le corps électoral.

Dans une étude récente, confiée par Départements de France au jeune universitaire Arnaud Duranthon, il apparaît que les causes principales de l’échec de la décentralisation à la française résident depuis 1945 dans ce mouvement de technicisation par la norme. Pour y remédier, il faudrait :

  • Créer une dynamique pour proposer un nouveau modèle de décentralisation au service d’un renouveau des pratiques démocratiques qui redonnerait aux citoyens l’envie de s’engager pour servir les valeurs républicaines ;
  • Rendre les élus locaux, pleinement acteurs de l’action publique de proximité et garants de sa qualité, ambition qui va bien au-delà des réformes juridiques statutaires proposées ;
  • Refuser de se laisser enfermer dans une vision comptable et une logique purement juridique imposée par l’État central, à l’image des dernières réformes d’organisation territoriale ;
  • Redécouvrir la finalité politique d’une décentralisation, à la fois source d’équilibre institutionnel et d’innovation ;
  • La décentralisation politique est la solution pour insuffler un nouvel élan de liberté et de confiance au service d’un renouveau de l’engagement des élus pour répondre à l’urgence (démission de 1300 maires depuis 2020, soit plus 10 % par rapport au dernier mandat)

Les élus départementaux, attachés à la démocratie représentative, ont pris la parole en 2023 et ont énoncé 10 principes pour transformer le statut de l’élu :

  • Favoriser l’expression des élus locaux, à l’image de l’expression de plus de 80 Exécutifs départementaux de toute sensibilité en 2023 ;
  • Leur vision de la démocratie locale traduit la nécessité : de retrouver la confiance auprès des citoyens en retrouvant le sens de l’action publique, de refuser tout nouveau Big bang institutionnel, de rétablir en urgence un lien clair entre l’impôt et le service rendu aux administrés ;
  • La difficulté d’exercer un mandat local en raison : de l’ignorance des Français concernant les conditions d’exercice des mandats, de la déconnexion entre les mandats nationaux et locaux, de la technicisation des fonctions électives, de la sévérité de certaines règles juridiques de nature déontologique ;
  • La contribution relative aux 10 principes relatifs à l’émergence d’un statut de l’élu part du constat que le statut actuel, malgré des améliorations, ne répond pas à une juste compensation des conditions matérielles d’exercice des mandats prônée par la Charte européenne de l’autonomie locale, ratifiée par la France 22 ans après sa signature;
  • La contribution propose notamment : de reconnaître la dignité du métier d’élu, d’entrer dans une logique contractuelle assortie d’un nouveau système de rémunération (grille des emplois fonctionnels), de garantir les droits relatifs à la protection sociale (y compris PSC), de favoriser la réintégration dans l’entreprise au terme du mandat, de multiplier par deux le nombre de jours de formation, de déplafonner le DIF, d’ouvrir le droit à une meilleure protection fonctionnelle.

Il apparaît donc urgent de recréer un nouveau rapport du pouvoir local avec la Nation.

Il est essentiel de reprendre le fil d’une véritable décentralisation politique, celle des territoires vécus, en se libérant du joug financier et en permettant aux collectivités locales d’exercer librement leur vocation, comme le disait le sénateur Jean-Claude Peyronnet, « à faire un certain nombre de choses et mieux que d’autres…pour des raisons de proximité ».

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