Smartphone à l’entrée des collèges – Les Départements disent non à une généralisation précipitée et coûteuse

La généralisation de la « pause numérique » annoncée par Nicole BELLOUBET obligerait les collégiens à déposer leur téléphone à l’entrée de leur établissement dès janvier 2025. Évidemment favorable à l’idée d’interdire l’usage des téléphones dans les collèges, Départements de France pose cependant la question du coût d’une telle mesure, de la responsabilité juridique et de l’opportunité d’une généralisation avant la fin de l’expérimentation.

 

« N’étant pas concerné par la pause numérique, j’avais mon téléphone sur moi. La ministre aurait utilement pu m’appeler pour régler les détails d’une mesure généralisée à laquelle les Départements sont opposés et qui aurait a minima mérité quelques ajustements et précisions », ironise François SAUVADET.

Lors d’un précédent rendez-vous avec Nicole BELLOUBET, le Président de DF lui avait en effet fait part de l’opposition des Départements à cette mesure. Notamment parce que l’objectif – louable – de protéger les élèves peut être atteint sans avoir à débourser des centaines de millions d’euros. Il suffit que le ministère dote enfin les collèges en nombre suffisant d’assistants d’éducation (AED) pour faire respecter l’interdiction – déjà inscrite dans la loi[1] – d’utiliser les téléphones dans l’enceinte des établissements scolaires. « Plutôt que de fournir les personnels nécessaires à la mise en œuvre de la loi, le Gouvernement présente une expérimentation destinée à pallier ses carences, en demandant, une fois encore, aux Départements de mettre la main à la poche », déplore François SAUVADET.

Une note de près de 130 millions d’euros pour les Départements !

 D’après une note envoyée par le ministère de l’Éducation à DF, « pour un collège moyen de 450 élèves, le coût des casiers se situerait dans une fourchette de 10 000 à 18 000 euros TTC selon le modèle choisi et dans la configuration de base (serrure à clé ou moraillon porte-cadenas). Plus sécurisée, l’installation d’une serrure mécanique à code augmenté représente un surcoût minimum de 9 000 euros TTC ».

Ce serait donc aux Départements, qui ont la charge du bâti scolaire, d’assumer ce coût qui pourrait s’élever à 125 640 000€ pour les 6 980 collèges de France (configuration de base). « C’est quasiment le coût des oubliés du Ségur ! Les Départements font face ces dernières années à une explosion des dépenses sociales dans un contexte de chute des droits de mutation, d’envolée des prix des matières premières, de revalorisations successives des AIS et du point d’indice des fonctionnaires, d’augmentation des précarités et de l’envolée des dépenses de protection de l’enfance. Tout cela se répercute sur nos capacités d’investissement et d’aide aux communes », détaille le Président de DF. « Mais le Gouvernement préfère que l’on investisse dans des casiers… »

 La question de la responsabilité

Au prix des portables actuels, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’euros de biens qui seraient stockés dans ces dispositifs. La responsabilité en cas de vol dans ces casiers installés dans des collèges se pose donc avec acuité. Elle dépend de plusieurs facteurs et peut varier selon le contexte et les réglementations locales : l’établissement peut être tenu responsable en cas de manque de sécurité ou de surveillance ; la responsabilité peut être partagée même s’il est précisé dans le règlement intérieur que les élèves sont responsables de leurs effets personnels, même lorsqu’ils sont déposés dans des casiers ; les parents ou les élèves peuvent quant à eux être encouragés à avoir leur propre assurance pour leurs effets personnels.

« Mais en l’espèce, l’obligation de déposer le téléphone portable dans un casier émane directement du ministère. En cas de dégradation ou de vol, qui sera responsable ? L’Éducation nationale qui aura porté cette mesure ? Le collège qui n’a rien demandé ? ». DF demande des précisions sur ce point.

 L’inopportunité d’une généralisation avant l’expérimentation

« Près de 200 collèges se seraient portés volontaires pour tester cette pause numérique dès la rentrée. Mais les Départements concernés ont-ils donné leur accord ? Ont-ils seulement été informés ? Qui va financer les casiers dans ces 200 premiers collèges ? », interroge François SAUVADET. « Dans ces conditions, il est inconcevable que le Gouvernement annonce une date de généralisation de ce dispositif alors que l’expérimentation n’a pas encore débuté ».

 

DF s’oppose ainsi à une généralisation précipitée de la « pause numérique » par l’intermédiaire de casiers, sans concertation préalable, sans retour d’expérience ni financements adéquats par l’État. Avant toute extension de cette mesure, il est crucial de résoudre les questions des coûts, de la responsabilité en cas de vol et de garantir une consultation transparente des Départements. DF s’interroge enfin sur la pertinence d’un tel dispositif. Si l’Éducation nationale ne parvient déjà pas à faire respecter la loi du 3 août 2018, comment compte-t-elle s’y prendre pour que tous les élèves déposent leurs portables dans ces couteux casiers ?

 

[1] La loi n° 2018-698 du 3 août 2018 relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire a posé le principe de l’interdiction de l’utilisation des téléphones mobiles dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, ainsi que pendant toute activité liée à l’enseignement qui se déroule à l’extérieur de leur enceinte.

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