Écriture inclusive : les sénateurs veulent protéger la langue française déjà fragilisée

Lundi 30 octobre, le Sénat a adopté, en première lecture, après des discussions animées, la proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive, déposée par Pascale Gruny (LR-Aisne) et plusieurs de ses collègues. Ce texte a été adopté à la suite des déclarations d’Emmanuel Macron, à Villers-Cotterêts, lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, qui a dit craindre de voir la langue française « céder aux airs du temps ». La proposition de loi modifiée est transmise à l’Assemblée nationale.

Aux termes de la définition donnée par la circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés, l’écriture inclusive désigne « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ».

Selon les auteurs de la proposition de loi, l’écriture inclusive constitue un frein à la lecture et à la compréhension de l’écrit. Ils estiment que l’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages. Ils jugent que l’écriture inclusive constitue, plus généralement, une menace pour la langue française.

Proscrire l’usage de l’écriture inclusive

La proposition de loi vise donc à proscrire l’usage de l’écriture inclusive dès lors que le droit exige l’usage du français. Elle prévoit ainsi de bannir cette pratique dans tous les cas où le législateur (et éventuellement le pouvoir réglementaire) exige un document en français, comme les modes d’emploi, les contrats de travail, les règlements intérieurs d’entreprise. Les actes juridiques sont également visés. Ils seraient alors considérés comme irrecevables ou nuls. Elle propose, en particulier, d’interdire cette écriture dans l’enseignement.

« La droite sénatoriale nous inflige ses lubies rétrogrades et réactionnaires. Vouloir figer la langue française, c’est la faire mourir« , s’est offusqué le sénateur socialiste Yan Chantrel. « Quand on parle de l’écriture inclusive, on parle du chemin vers l’égalité femmes-hommes« , a plaidé l’écologiste Mathilde Ollivier.

Peu convaincue, la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, a jugé quelques mesures excessives sur l’extension aux contrats privés. Elle a estimé que le rôle de l’État et du législateur n’était pas d’être une police de la langue, mais de garantir l’égalité devant la langue. Elle a rendu un « avis de sagesse » sur le texte du Sénat, ni favorable ni défavorable, rappelant que deux circulaires encadrent déjà cette pratique dans les textes publiés au Journal officiel et dans l’enseignement.

Au cours de ses travaux, le Sénat a notamment :

  • précisé le champ des pratiques interdites, en y incluant les néologismes sur les mots grammaticaux (notamment les pronoms du type « iel ») ;
  • sanctionné de nullité les actes juridiques qui contreviendraient à l’interdiction d’usage de l’écriture inclusive ;
  • inclus dans l’interdiction d’écriture inclusive les publications émanant de personnes publiques ou de personnes privées chargées d’une mission de service public.

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