Expérimentation du transfert de la médecine scolaire aux Départements volontaires : les sénateurs adoptent la proposition de loi malgré les réticences de la Ministre

Les sénateurs ont adopté le 20 mars la proposition de loi de Mme Françoise Gatel proposant d’expérimenter le transfert de la médecine scolaire aux Départements volontaires, contre l’avis de Nicole Belloubet, Ministre de l’Education nationale.

Cette proposition de loi vise à répondre aux difficultés d’accès au bilan de santé scolaire, une proposition régulièrement portée par les sénateurs, en particulier lors des travaux de la loi 3DS mais déclinée jusque-là par le Gouvernement.

Ce texte présenté par Françoise Gatel (UC-Ille-et-Vilaine) prévoit de confier, pour une durée expérimentale de cinq ans aux Départements volontaires, la compétence médecine scolaire et les obligations relatives au bilan de santé et à la promotion de la santé en milieu scolaire. Les modalités de ce transfert de compétence et de crédits seraient conclues par une convention, après un état des lieux permettant au Département de solliciter l’ensemble des informations nécessaires à la prise de décision.

Face aux pénuries et aux disparités territoriales – 46 % des postes de médecins scolaires sont actuellement vacants, selon les chiffres présentés au Sénat – « Il y a nécessité de réformer profondément, de clarifier le dispositif, de le déconcentrer », a déclaré Mme Gatel.

La Ministre a reconnu que la Médecine scolaire connait des problèmes importants : c’est la raison pour laquelle le Ministère de l’Education nationale travaille à y apporter des réponses concrètes.

En l’état actuel, cette proposition de loi risque, selon Mme Belloubet, de susciter plusieurs difficultés :

  • Un tel transfert risque tout d’abord de complexifier la répartition des compétences, non seulement entre l’État et les collectivités territoriales, mais aussi entre échelons de collectivités, puisque les Départements devraient gérer des agents affectés dans les écoles et les lycées, qui relèvent des communes et des régions.
  • La médecine scolaire doit rester une politique nationale, afin de garantir une égalité partout sur le territoire. L’État doit définir une stratégie d’ensemble en matière de santé et de prévention pour les jeunes, notamment en santé mentale.
  • La pénurie de médecins étant généralisée sur tous les territoires, leur rattachement au ministère de l’éducation nationale facilite une péréquation, certes imparfaite, qu’un transfert aux collectivités garantirait moins encore.
  • Il est à craindre aussi que le transfert proposé ne provoque le départ de certains médecins scolaires en exercice, qui verraient dans l’éloignement de l’école une atteinte à leur identité professionnelle.
  • Enfin, les Départements ont déjà des compétences étendues en matière sociale. Celles-ci sont lourdes et coûteuses, avec à la clé des difficultés budgétaires, de mise en œuvre et de ressources humaines.

La Ministre a ensuite rappelé la réflexion de fond actuellement engagée sur l’articulation des compétences entre l’État et les collectivités et sur la décentralisation. Elle a donc souhaité ne pas anticiper sur les conclusions de la mission confiée par le Président de la République à Éric Woerth, sans bénéficier de sa vision globale.

Après avoir conclu sur l’avis défavorable du Gouvernement, elle a présenté la volonté de la rue de Grenelle d’avancer sur l’efficience de la santé scolaire, pour une politique de prévention efficace au bénéfice des élèves. Cela suppose une vraie coopération entre les quatre composantes essentielles de la médecine scolaire : les médecins, les infirmiers, les assistants sociaux et les psychologues scolaires.

Alors que les professionnels de santé se raréfient, le Ministère a fait de leur revalorisation une priorité. Dans le cadre du Grenelle de l’éducation, les mesures catégorielles pour 2021 ont permis une revalorisation indemnitaire pour les médecins de l’éducation nationale de 1 700 euros.

Le Ministère veut aussi améliorer les conditions d’exercice pour renforcer l’attractivité du métier. Il a donc engagé une revue des missions, devant permettre aux médecins scolaires de se concentrer sur la prévention et la protection de la santé des élèves.

Dans le débat engagé, les sénateurs anciens Présidents de Départements ont plaidé pour l’expérimentation de ce transfert. À leurs côtés, des sénateurs se sont inquiétés des moyens financiers de certains départements en difficulté.

Accédez au texte adopté :

https://www.senat.fr/leg/tas23-094.html

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