L’Alsace au cœur des enjeux de la décentralisation

Frédéric Bierry © Collectivité européenne d’Alsace

L’Alsace est à elle seule un condensé des enjeux relatifs à la décentralisation. Territoire charnière déjà caractérisé par les singularités du droit local alsacien-mosellan, elle n’a eu de cesse de chercher le meilleur chemin institutionnel pour incarner, dans les ensembles nationaux et régionaux, les spécificités de son identité. Elle fut ainsi la première région métropolitaine à proposer à ses habitants, en 2013, un referendum sur la fusion entre départements et région à l’échelle du territoire.

La création de la région Grand Est, dont l’artificialité est durablement contestée en Alsace, a par ailleurs abouti à la mise en œuvre par la loi d’une solution de différenciation territoriale incarnée par la naissance, en 2021, de la Collectivité européenne d’Alsace. Assimilant les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin en une collectivité départementale unique dotée de compétences additionnelles spécifiques dans les domaines transfrontalier, touristique, linguistique et routier, la collectivité a permis le retour d’une Alsace institutionnelle. Un premier pas avant un autre destin institutionnel ?

La collectivité européenne d’Alsace et le transfrontalier

Particulièrement marquée par les enjeux transfrontaliers de l’espace rhénan, l’Alsace dispose, par la voie de la Collectivité européenne d’Alsace, d’un rôle spécifique en la matière.

Elle assure ainsi le rôle de chef de file pour « l’organisation sur son territoire des modalités de l’action commune des collectivités et de leurs établissements publics en matière de coopération transfrontalière ». Cette compétence emporte la préparation d’un schéma alsacien de la coopération transfrontalière.

Permettant la singularisation de l’Alsace dans les orientations définies à l’échelle régionale, cet outil fonde par ailleurs la possibilité d’une représentation transfrontalière préfet de région/président de la Collectivité européenne d’Alsace à l’échelle du Rhin supérieur.

Du fait de ses particularités historiques, l’Alsace dispose, sur le plan juridique, de particularités notables. Son retour dans le champ de la souveraineté française en 1918 s’est en effet accompagné de la persistance, sur les territoires d’Alsace et de Moselle, de particularités juridiques issues du droit allemand. Parmi elles, le statut des communes fait l’objet de particularités notables et de dispositions plus libérales que celles issues du droit national.

Jusqu’en 1982 et sous l’influence des conceptions fédérales issues du droit allemand, les communes alsaco-mosellanes étaient ainsi caractérisées par une autonomie nettement renforcée à l’égard du pouvoir central dont ne disposaient pas les communes du reste du pays.

La promulgation le 2 août 2019 de la loi n° 2019-816 relative aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace a signé la fin d’un long marathon politique et juridique à l’occasion duquel l’État et les élus des départements alsaciens du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont cherché à donner une réponse au « désir d’Alsace » né de l’intégration, par la réforme du découpage régional de 2015, de l’ancienne région Alsace à la région Grand-Est. Des particularités importantes ont été consenties au bénéfice de la nouvelle collectivité, qui exerce des attributions spécifiques en plus des compétences départementales traditionnelles. Elle a ainsi bénéficié du transfert de l’ensemble du domaine routier national et des autoroutes non concédées, ouvrant une voie que le législateur a récemment cherché à généraliser sur le territoire avec la loi « 3DS » du 21 février 2002. Elle est par ailleurs chargée, dans les domaines transfrontalier et touristique, d’élaborer des schémas visant à organiser l’action publique à l’échelle du territoire et à définir, en collaboration avec les autres collectivités, les orientations privilégiées. Elle est enfin chargée de promouvoir l’enseignement de la langue et de la culture régionale par la voie du recrutement d’intervenants bilingues intervenant sur le temps périscolaire.
Le résultat général, qui n’a pas fondamentalement remis en cause les équilibres de compétences entre département et région, revêt cependant les caractères d’un compromis dont les évolutions restent tributaires de la volonté de l’État de maintenir ou de modifier un découpage régional fortement contesté car ayant, au nom d’une projection statistique et quantitative du territoire, perturbé le lien entre les représentations sociales et identitaires des populations et leur incarnation institutionnelle.

« Je n’ai jamais été convaincu par la création de ces immenses régions, dont certaines ne répondent à aucune légitimité historique et surtout ne me paraissent pas répondre aux besoins grandissants de nos concitoyens pour une action publique de proximité. Je suis favorable à ce que nous allions plus loin et que nous élargissions, fusse dans un cadre expérimental, les compétences de la CeA, dans le cadre d’un dialogue riche et approfondi avec l’ensemble des parties prenantes. »

 Jean Castex, 2021

© Collectivité européenne d’Alsace

L'essentiel

La collectivité européenne d’Alsace est une collectivité départementale originale créée pour répondre à la disparition de l’Alsace institutionnelle lors de la création de la région Grand Est. 

Dotée de compétences particulières, elle incarne les spécificités alsaciennes au sein de la région.

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