Le remaniement intervenu ce 21 juin fait notamment passer Jacques Mézard de l’Agriculture à la Cohésion des Territoires. Le sénateur du Cantal se voit adjoindre un secrétariat d’Etat – sans fonctions définies – confié à Julien Denormandie. Dans le même temps, Gérard Collomb est rejoint au ministère de l’Intérieur par une autre spécialiste des collectivités, Jacqueline Gourault, particulièrement reconnue sur les questions d’intercommunalité.
Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont formé ce mercredi 21 juin un gouvernement étoffé, après la cascade de démissions enregistrées depuis lundi, avec 30 membres contre 23 dans l’équipe précédente, une parité stricte (15 hommes / 15 femmes) et une majorité (17) venus de la société civile.
Cinq nouveaux ministres ont fait leur entrée dans le gouvernement Philippe 2. Deux sont issues du PS : la juriste et membre du Conseil constitutionnel Nicole Belloubet, nommée à la Justice où elle succède à François Bayrou, et Florence Parly aux Armées pour succéder à Sylvie Goulard. La diplomate Nathalie Loiseau remplace aux Affaires européennes Marielle de Sarnez, Jacqueline Gourault, sénatrice MoDem, occupe un nouveau poste, celui de ministre auprès du ministre de l’Intérieur, et Stéphane Travert (ex-PS tôt rallié à Emmanuel Macron) s’empare du portefeuille de l’Agriculture. Celui-ci était détenu dans le gouvernement Philippe 1 par Jacques Mézard (PRG), nommé à la Cohésion des Territoires en remplacement de Richard Ferrand.
La nouvelle équipe compte également neuf secrétaires d’Etat dont les quatre de l’équipe sortante qui conservent leurs postes. Les cinq nouveaux venus sont Sébastien Lecornu (LR) et Brune Poirson (REM), tous deux nommés auprès du ministre de la Transition écologique, Jean-Baptiste Lemoyne (LR), auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Geneviève Darrieussecq (MoDem), auprès de la ministre des Armées, Julien Denormandie auprès du ministre de la Cohésion des Territoires et Benjamin Griveaux, auprès du ministre de l’Economie et des Finances.
Conformément aux souhaits exprimés par le candidat Macron pendant la campagne, certains ministres et secrétaires d’Etat n’ont pas de fonctions précises. « Ils ont vocation à être les adjoints des ministres auprès desquels ils sont nommés », précise-ton à l’Elysée.
Geneviève Darrieussecq et Jacqueline Gourault restent les deux seules représentantes du MoDem au sein de l’exécutif alors que le parti centriste comptait trois membres dans le gouvernement sortant. Quant à Julien Denormandie et Benjamin Griveaux, il s’agit de deux très proches du chef de l’Etat, le second ayant été le porte-parole d’En Marche avant d’avoir été élu dimanche député de Paris.
Alexis Kohler, a annoncé la composition du nouveau gouvernement depuis les jardins de l’Elysée avec un peu plus d’une heure et quart de retard sur l’horaire prévu, signe de tractations de dernière minute. Ce remaniement post-législatives, qu’on annonçait « technique » avec quelques ajustements à la marge, est devenu large et politique.
Ce jeudi matin, le nouveau gouvernement se retrouvera pour son premier Conseil des ministres avec, à l’ordre du jour, la loi antiterroriste. (Le gouvernement Philippe II)
Jacques Mézard et la Cohésion des territoires… surtout ruraux
De l’agriculture aux territoires, il n’y a peut-être qu’un pas pour un sénateur RDSE (radical de gauche) du Cantal – actif au sein de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat dont il était vice-président – et président de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac, une ville dont il a été l’adjoint au maire. Jacques Mézard connaît de près les collectivités, le monde rural et celui des élus locaux. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas été tendre à l’égard des réformes territoriales du précédent quinquennat.
« Le compromis [de la loi Notr] crée plus de problèmes qu’il n’en enlève », déclarait-il par exemple il y a un an au Sénat lors d’un bilan de la réforme, souhaitant « bon courage » à « ceux qui devront expliquer aux Français comment ça marche ». Ce texte est un « salmigondis », devait-il encore juger, alors que la France « a besoin de simplification ». Pas davantage de crédit pour la réforme de la carte des régions, accusée de « sacrifier le Massif Central », et obligeant les parlementaires à jouer « au Rubik’s cube en enlevant un territoire d’un côté, en rajoutant une région d’un autre ». Il avait aussi critiqué le recours à la procédure accélérée, réclamant même un référendum sur le sujet. Auteur ou coauteur de plusieurs propositions de loi, on se souvient notamment de celle visant à autoriser les commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) à décider du report d’un an de l’entrée en vigueur des nouveaux périmètres intercommunaux.
On l’a aussi pas mal entendu sur les sujets finances locales, que ce soit par exemple dans un rapport fustigeant dès 2014 les conséquences attendues de la baisse des dotations aux collectivités, ou dans celui qui, analysant la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) votée fin 2015, évoquait « les cas dramatiques de certaines communes ».
Les enjeux d’aménagement du territoire ont de même toujours fait partie de son corpus, avec un message clair qu’il exprimait par exemple en ces termes en 2014 face à Cécile Duflot, alors ministre de l’Egalité des territoires : « Le processus de métropolisation pose un vrai problème d’aménagement du territoire (…) il y a urgence désormais à permettre un rééquilibrage en faveur des territoires périurbains et ruraux ».
Julien Denormandie, un « adjoint » venu de Bercy
Reste que le périmètre de ce ministère de la Cohésion des territoires, du moins tel qu’il avait été défini pour son prédécesseur Richard Ferrand, comprend en principe aussi le logement (et pas uniquement le logement en zone « sous-tendue ») et la politique de la ville. Un périmètre qui semble se confirmer dans la mesure où le gouvernement Philippe 2 ne compte toujours pas de secrétaire d’Etat dédié à l’un ou l’autre champ, contrairement à ce que réclamaient ces dernières semaines bon nombre d’acteurs de ces deux champs.
Certes, Jacques Mézard se voit, contrairement à Richard Ferrand, doté d’un « adjoint » – d’un secrétaire d’Etat, en la personne de Julien Denormandie. Mais en principe sans terrain dédié, donc.
Souvent cité parmi les « Macron boys », Julien Denormandie, 36 ans, Ingénieur des Ponts, eaux et forêts, a fait une bonne partie de sa jeune carrière à Bercy, après deux ans dans les services diplomatiques en Égypte. Il y a été conseiller de Nicole Bricq, puis de Pierre Moscovici… puis d’Emmanuel Macron dont il est devenu le directeur adjoint de cabinet, travaillant à cette occasion sur la « loi Macron ». Il rejoindra ensuite le futur président comme secrétaire général adjoint d’En Marche. Pas d’ancrage spécifique, donc, sur les gros dossiers du portefeuille ministériel confié à Jacques Mézard. « Nous allons travailler en binôme », a en tout cas assuré ce dernier lors de la passation de pouvoirs ce mercredi soir… dans une allocution qui aurait pu laisser supposer qu’il venait d’être nommé ministre de la ruralité.
Jacqueline Gourault, autre voix du monde local à l’Intérieur
Les choses sont tout autres du côté du ministère de l’Intérieur, où Gérard Collomb – dont les décrets d’attribution laissaient déjà entendre qu’il serait le principal interlocuteur des collectivités -, se voit adjoindre une secrétaire d’Etat plus que connue du monde local.
Jacqueline Gourault est élue locale du Loir-et-Cher depuis 1983. Maire, conseillère générale, conseillère régionale, élue communautaire… Ses mandats successifs lui ont donné une vision concrète de tous les niveaux de collectivités. Sénatrice depuis 2001 et vice-présidente du Sénat depuis 2014, elle a été de tous les débats sur l’intercommunalité et les communes nouvelles, et notamment co-auteur de la proposition de loi sur le statut de l’élu.
Vice-présidente de l’Association des maires de France en charge de l’intercommunalité, on n’a guère vu de tribune de congrès consacrée à la coopération intercommunale ne la comptant pas parmi les orateurs. Reste qu’Emmanuel Macron n’a pour l’heure pas annoncé de chantier important sur l’intercommunalité – mis à part celui sur les métropoles, pour lequel Gérard Collomb devrait en toute logique rester en première ligne, le modèle lyonnais faisant aux yeux du chef de l’Etat figure d’exemple à suivre.
Localtis reviendra plus en détail sur la composition du gouvernement Philippe 2 dans ses prochaines éditions… et guettera une nouvelle fois la publication des nouveaux décrets d’attribution.