Lors du débat organisé le 12 mars au Sénat sur la proposition de loi adoptée au Sénat afin de faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé, les sénateurs anciens Présidents de Départements sont intervenus pour rappeler le rôle incontournable des Départements dans la gestion des routes et leur sentiment mitigé sur la loi 3DS.
Christian Bruyen (Marne) : « cette proposition de loi est indispensable pour éviter des blocages de procédure, préjudiciables à l’entretien et à la modernisation du réseau transféré. D’ailleurs, l’état actuel de ce réseau n’est pas extraordinaire…
Notre groupe y est plutôt favorable. Mais cette expérimentation est-elle au cœur de la décentralisation ? Je n’en suis pas convaincu.
Un gestionnaire de plus, pour un domaine routier dépendant déjà d’un grand nombre de décideurs, n’est pas gage de simplification. On peut regretter que seules trois régions aient été volontaires, pour 1 638 km sur plus de 10 000 km. La compétence routière est très divisée : 700 000 km de voirie dépendent des communes, 380 000 des Départements, un maillage structurant.
Je ne conteste pas le chef de filât des régions en matière de mobilité, mais les Départements ont une expertise reconnue, quoique sous-considérée dans la capitale.
Ces trois régions sont courageuses. Elles ont une assise financière qui fait cruellement défaut aux Départements, asphyxiés par l’État. Cette asphyxie affectera douloureusement l’équilibre des territoires dans un futur proche.
Il serait opportun de remettre le département au cœur de ce dispositif. Des conventions entre régions et Départements pourraient reconnaître l’ingénierie de ces derniers, dans une mutualisation de bon sens. Il faudrait aussi revisiter les conditions du transfert, qui tiennent du marché de dupes, pour augmenter le nombre de volontaires.
Il ne faut pas limiter l’écotaxe aux grands axes, mais inclure également les tronçons à l’importance locale manifeste.
Une concertation véritable doit s’établir, sans mésestimer l’échelon départemental. Prenons en compte la mobilité dans toutes ses dimensions territoriales. »
Gilbert Favreau (Deux-Sévres) : « le réseau routier national non concédé s’amenuise d’année en année : 11 000 km, contre 377 000 km de routes départementales.
La loi 3DS permet aux Départements et métropoles de récupérer un certain nombre de routes, et la mise à disposition à titre expérimental de routes nationales non concédées à des régions, dont seules trois ont été séduites, pour 1 638 km de routes.
Mon département des Deux-Sèvres a mené une expérimentation pour l’axe RN 149 et 249 Poitiers-Nantes, pleinement justifiée par les fortes contraintes de circulation et nombreux accidents sur cette route. Le Département fixait trois conditions suspensives : un état des lieux des charges transférées ; une compensation par l’État des charges nouvelles ; un engagement de l’État de contribuer à hauteur d’au moins 50 % au programme de modernisation de l’itinéraire financé par le CPER.
Le Département s’est vu opposer une fin de non-recevoir à cette demande, au motif qu’il ne peut y avoir une négociation spécifique de la compensation entre l’État et la collectivité recevant un transfert. Le Département a donc abandonné sa demande, restant sur un statu quo.
Sur les trois régions ayant manifesté leur intérêt, seules deux ont signé une convention avec l’État, entrant en vigueur au 1er janvier 2025, sous réserve de la négociation d’une convention complémentaire.
Le CGCT ne permet pas de délégation de signature du président du conseil régional aux services de l’État. La proposition de loi y remédie, mais elle ne marquera pas l’histoire…
L’État n’a pas les moyens, mais il ne veut pas lâcher la gestion ! »