Pour financer les transports dans la région, les départements franciliens et la ville de Paris seront ponctionnés, en 2020, de 75 millions d’euros sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). C’est ce que prévoit un amendement du gouvernement au projet de loi de finances.
La facture des travaux du futur réseau de transport public de la métropole du Grand Paris s’est envolée. Pour financer la poursuite du chantier, l’Assemblée nationale a pris plusieurs mesures dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, dont la dernière, jeudi 14 novembre. Les députés ont adopté un amendement de l’exécutif, qui prévoit une ponction de 75 millions d’euros l’an prochain sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) que perçoivent la ville de Paris et les départements franciliens (Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Val-d’Oise). Les années suivantes, le prélèvement qui sera affecté à la Société du Grand Paris – la SGP, c’est-à-dire la structure en charge du Grand Paris Express – sera ramené à 60 millions d’euros. Mais, entre 2020 et 2022, seule une partie de cette manne bénéficiera en réalité à la SGP, puisque 50 millions d’euros par an serviront à financer les engagements de l’État concernant les investissements prioritaires dans les transports inscrits dans le contrat de plan avec la région Île-de-France.
Avec l’augmentation de la taxe sur les bureaux dans les quartiers « les plus attractifs » de l’agglomération parisienne votée le mois dernier, le prélèvement sur les DMTO permettra « le bouclage complet du financement » de la SGP, qui « nécessitait de trouver 230 millions supplémentaires », s’est réjoui le député (LR) Gilles Carrez. Les deux mesures faisaient partie des propositions que le député du Val-de-Marne a émises dans un rapport qu’il a remis au Premier ministre en septembre 2018.
Pour le gouvernement, la mesure est « logique ». Le Grand Paris Express « aura des conséquences positives sur les valeurs foncières dans les territoires concernés par l’implantation de nouvelles lignes et de nouvelles gares, ce qui entraînera une hausse des produits [de DMTO] perçus par les départements », explique-t-il dans l’amendement.
« Insupportable »
Deux semaines après avoir présenté une batterie de mesures en faveur de la Seine-Saint-Denis, le gouvernement propose d’amputer le département d’une partie de ses ressources, a dénoncé, de son côté, l’opposition – dont Valérie Rabault, la présidente du groupe socialiste et apparentés, et Christine Pirès Beaune, rapporteur spécial de la Commission des Finances.
La « manière de procéder » du gouvernement « est insupportable », ont réagi, quant à eux, les présidents des sept départements d’Île-de-France, dans un communiqué commun. Les élus se sont également indignés de n’avoir été informés des intentions du gouvernement que « quelques heures » avant le dépôt de l’amendement. Ils ont, enfin, regretté que ce dernier ne montre pas autant d’empressement pour la création du fonds mutuel de 150 millions d’euros, qu’ils ont proposée pour venir en aide aux territoires les plus défavorisés de la région. Au sujet de ce projet resté dans les cartons, les présidents de département pointent un « blocage » de la part de l’exécutif.
Dans l’hémicycle, jeudi, le ministre de l’Action et des Comptes publics a estimé que ce n’est certes pas « agréable » pour les départements « de se faire prendre une partie de [leur] richesse », mais que l’objet de l’opération est « juste ». Gérald Darmanin a aussi mis en avant le dynamisme des DMTO, qui, en un an, « ont augmenté d’1 milliard d’euros », rien qu’en Île-de-France.
Dans un second communiqué diffusé ce 15 novembre en fin de journée, les présidents des sept départements regrettent que le ministre ait choisi « d’opposer artificiellement l’Île-de-France et la province, en affirmant que les DMTO avaient augmenté d’un milliard d’euros en 2018, alors que la hausse est de 75 millions d’euros et qu’elle a déjà été entièrement retournée aux départements de province dans le cadre de la solidarité ». Ils redisent aussi que « cela ne servira pas à financer la SGP mais la part État du contrat de plan État-région prorogé jusqu’en 2022 », contrat sur lequel « les départements n’ont pas leur mot à dire et pour lequel ils participent pourtant déjà au financement via le bloc local ». Leur riposte ne s’est pas faite attendre : les départements et la ville de Paris annoncent avoir « décidé d’un commun accord », si cette mesure n’était pas abandonnée, de « ne ne plus siéger au conseil de surveillance de la SGP » et de déterminer « les modalités de leur retrait financier, dans les mêmes proportions que les ponctions réalisées, sur les actions et projets qu’ils cofinancent avec l’État ou financent déjà à sa place ».