Transports et aménagement du territoire : le Sénat présente un rapport sur la modernisation de l’aéroport de Nantes Atlantique

L’appel d’offres du marché de modernisation de l’aéroport de Nantes Atlantique, lancé par l’État en octobre 2019, a été annulé le 29 septembre 2023, le Gouvernement ayant mis en avant le nombre insuffisant de candidats. Ce retour en arrière va entraîner un retard préjudiciable dans le lancement de travaux pourtant urgents et nécessaires, estimés à au moins deux ans.

En réponse à cette situation préoccupante pour les territoires situés à proximité de l’aéroport, déjà victimes de l’abandon du projet de Nantes-Notre-Dame-des-Landes en janvier 2018, Didier Mandelli, sénateur de Vendée, rapporteur au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a conduit une « mission flash » d’information.

Dans le cadre de ses travaux, le rapporteur a effectué deux déplacements à Nantes, le 13 novembre et le 8 décembre 2023. Il s’est rendu sur le terrain à l’écoute des préoccupations des principales parties prenantes (élus locaux, acteurs économiques et riverains).

  • Pourquoi ce rapport ?

Le projet de modernisation de l’aéroport de Nantes Atlantique est venu se substituer à la construction de celui de Nantes-Notre-Dame-des-Landes.

Six ans après cette décision unilatérale de l’État, les travaux n’ont pas commencé. L’inaction de l’État est d’autant plus problématique que l’aéroport est presque saturé et que ses riverains subissent des nuisances sonores croissantes, qui pourraient pourtant être fortement atténuées en cas de modernisation des infrastructures.

L’échec de l’appel d’offres serait dû, selon le Gouvernement, a une conjoncture difficile. Toutefois, la conception du cahier des charges par la direction générale de l’aviation civile (DGAC), a été émaillée d’hésitations, notamment à propos de l’extension éventuelle de la piste d’atterrissage.

Cette situation a justifié la mise en place d’une « mission flash », afin de cerner les causes de cet échec et d’en tirer tous les enseignements possibles en prévision de l’appel d’offres de renouvellement de la concession, que le Gouvernement a lancé le 14 décembre 2023.

  • Quels constats ?

Le constat est implacable : le Gouvernement n’a pas tenu les promesses faites à la suite de l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, en particulier s’agissant des difficultés structurelles liées à la saturation de l’aéroport de Nantes Atlantique et aux nuisances sonores aériennes que subissent encore les riverains. Surtout, la méthode employée par le Gouvernement n’a pas permis d’assurer le dialogue et la transparence nécessaires. Face à ces constats, le mercredi 20 décembre 2023, suivant l’avis du rapporteur, la commission a adopté à l’unanimité 15 recommandations selon trois axes :

-Agir au plus vite en faveur de la modernisation de l’aéroport, selon une méthode fondée sur la co-construction avec les acteurs du territoire et la transparence ;

-Maîtriser l’impact environnemental de l’aéroport ;

-Faire de la santé des populations riveraines une priorité.

  • Liste des propositions

Proposition n°1: demander au concessionnaire un programme d’investissements urgents en faveur de l’aéroport de Nantes Atlantique, en mettant l’accent sur l’amélioration des conditions d’accueil des passagers, la conformité des infrastructures aux nouvelles obligations du règlement européen « AFIR » (applicables au 31 décembre 2024) et la sécurité de la piste.

Proposition n°2 : assurer sans attendre la conformité du traitement des eaux de ruissellement de l’aéroport, y compris s’agissant des eaux s’écoulant vers la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu.

Proposition n°3 : confirmer l’abandon du projet d’allongement de la piste dans le cahier des charges du prochain appel d’offres concernant la remise en concession de l’aéroport.

Proposition n°4 : assurer une meilleure transparence de la nouvelle procédure d’appel d’offres, à travers :

– la conduite de réunions de concertation régulières avec les acteurs de terrain (élus locaux, milieux socio-économiques et riverains), notamment au cours de l’élaboration du cahier des charges, et le recueillement des propositions des élus locaux a minima sur le volet du cahier des charges relatif à l’environnement et aux nuisances sonores ;

– la soumission pour avis du projet de cahier des charges aux collectivités territoriales directement concernées par le projet de modernisation de l’aéroport ;

– la publicité du cahier des charges.

Proposition n°5 : encadrer strictement le recours à des cabinets privés dans la gestion du projet de modernisation de l’aéroport de Nantes Atlantique et assurer la publicité des prestations demandées, dans la lignée des recommandations du rapport sénatorial de mars 2022 sur l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques.

Proposition n°6 : créer une communauté aéroportuaire afin de mieux associer les collectivités territoriales et les autres acteurs locaux à la gouvernance de l’aéroport de Nantes Atlantique et à la conduite des travaux de modernisation.

Proposition n° 7 : assurer une intégration durable de l’aéroport dans son environnement, à travers :

– le lancement dès aujourd’hui d’une étude destinée à mesurer les effets des nuisances issues de l’aéroport sur la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu ;

– l’établissement d’un cahier des charges plus ambitieux sur le plan environnemental (par exemple, sur la gestion des eaux de ruissellement, la décarbonation des engins de piste et la maîtrise du foncier utilisé) ;

– l’anticipation, dans le futur cahier des charges, de la réalisation d’équipements d’alimentation électrique des points de stationnement au large, dans la perspective de l’entrée en vigueur des obligations issues du règlement européen «AFIR» en 2030.

Proposition n°8 : améliorer la connectivité ferroviaire de Nantes avec les aéroports parisiens et les autres aéroports du Grand Ouest et assurer une meilleure desserte en transports collectifs de l’aéroport de Nantes Atlantique.

Proposition n°9 : renforcer le couvre-feu à l’aéroport de Nantes Atlantique et en améliorer l’application par :

– la réécriture de l’arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d’exploitation de l’aérodrome de Nantes Atlantique, afin de clarifier les conditions exonératoires pouvant être invoquées par les compagnies aériennes en cas d’atterrissage en dehors des horaires programmés ;

– le doublement du plafond des amendes de l’Acnusa en cas de non-respect du couvre-feu ;

– l’interdiction des atterrissages avant 7 heures du matin et des décollages après 21 heures.

Proposition n°10 : moduler les redevances aéroportuaires en fonction de l’horaire de mouvement (atterrissage et décollage) des aéronefs, en prévoyant un rehaussement des redevances pour les mouvements effectués avant 7 heures du matin et après 21 heures.

Proposition n°11: assurer rapidement le renouvellement des flottes d’aéronefs utilisés à l’aéroport de Nantes Atlantique par :

– la modulation des redevances aéroportuaires selon la classe acoustique des aéronefs utilisés par les compagnies aériennes, grâce à un barème ayant vocation à être renforcé au fil des années;

-la renégociation de la directive européenne du 26 mars 2002 relative à l’établissement de règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté pour:

-tenir compte des évolutions techniques survenues et de l’approfondissement des connaissances scientifiques relatives aux effets sur la santé du bruit des aéronefs ;

-intégrer l’aéroport de Nantes Atlantique à la liste des aéroports urbains pouvant interdire plus largement, à titre dérogatoire, une catégorie d’aéronefs en fonction de leur niveau de bruit.

Proposition n°12 : mettre en place un objectif tendanciel de baisse des émissions sonores à l’aéroport de Nantes Atlantique, qui serait mesuré grâce à un indicateur global mesuré pondéré (IGMP) similaire à celui utilisé à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.

Proposition n°13 : renforcer les dispositifs d’atténuation des effets des nuisances sonores pour les riverains de Nantes Atlantique par :

-le rehaussement du plafond des aides à l’insonorisation en tenant compte de l’inflation du coût des travaux ;

-le renforcement des moyens alloués au fonds de compensation de Nantes Atlantique ;

-la réouverture du droit à l’isolation phonique pour les travaux effectués avant une date qui serait fixée par voie réglementaire, pour tenir compte des évolutions intervenues en matière de techniques d’isolation.

Proposition n 14 : élargir le droit au délaissement au bénéfice de l’ensemble des riverains de la zone B du plan d’exposition au bruit de Nantes Atlantique, sans remettre en cause l’accès à ce dispositif pour ceux qui y sont déjà éligibles.

Proposition n 15 : mettre en place la procédure d’approche « RNP AR » pour limiter les nuisances sonores autour de l’aéroport de Nantes Atlantique et assurer une meilleure sécurité des vols.

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