Histoire – 4

Une construction progressive : l’organisation décentralisée de la République

Après une parenthèse de près d’un siècle due aux vicissitudes de l’Histoire, la décentralisation revient sur le devant de la scène après-guerre. Soucieuse de donner à la décentralisation une base juridique nouvelle, la Constitution de 1946 consacre un principe de libre administration des collectivités visant à garantir constitutionnellement l’exercice de la démocratie directe au niveau local. Dans les années 1980, c’est par une série de textes législatifs majeurs que la décentralisation trouve un nouvel élan qui mène à la transformation de la région comme collectivité territoriale, au renforcement des compétences locales, à la disparition de l’essentiel du contrôle de tutelle de l’État et à la consécration de l’autonomie complète du département. 

En 2003, c’est au sein même de la Constitution que la décentralisation fait son entrée, par une révision qui conduit à réécrire complètement les articles la concernant et à faire de « l’organisation décentralisée de la République » un principe de l’État.

En 1982, sous l’impulsion de Gaston Defferre, est ainsi adoptée une série de textes législatifs et réglementaires qui reconfigurent fortement l’organisation décentralisée de la République : transfert de l’autorité exécutive départementale et régionale à un élu, création de la région comme collectivité territoriale, disparition de la tutelle préfectorale au profit d’un contrôle administratif, renforcement des compétences locales…

Vingt ans plus tard, cet effort est approfondi par la révision constitutionnelle de 2003, portée par Jean-Pierre Raffarin, qui fait figurer « l’organisation décentralisée » comme un principe directeur de la République. 

De nouvelles garanties constitutionnelles touchant aux compétences et aux moyens juridiques et financiers sont introduites qui visent à renforcer la démocratie locale et à prévoir de nouveaux « microprocesseurs » pour la décentralisation : principe de subsidiarité, protection des ressources locales, référendum d’initiative locale… 

Vingt ans après cette révision constitutionnelle, force est de constater que, tout en apportant certaines garanties nouvelles, elle n’a pas entraîné de profonde transformation dans le mouvement de décentralisation, ses potentialités étant restées insuffisamment exploitées par le législateur et imparfaitement garanties par le Conseil constitutionnel.

Apparu dans la Constitution de la IVe République, repris dans celle de la Ve République, le principe de libre administration des collectivités territoriales est ainsi formulé par l’article 72 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. » 

Objet de grands débats juridique quant à son étendue, qui reste imparfaitement définie, ce principe a d’abord et avant tout vocation à garantir que les collectivités territoriales soient administrées par des organes élus. En d’autres termes, c’est au moins l’idée de démocratie représentative locale qu’il préserve, empêchant l’adoption de toute loi qui chercherait à ôter l’administration des collectivités territoriales à l’action d’autorités élues. 

Nombreux sont cependant ceux qui soutiennent qu’il a plus largement vocation à servir de principe matriciel de la décentralisation française et de support à une forme d’autonomie institutionnelle et de gestion des collectivités territoriales. Selon cette approche, l’ensemble des garanties d’autonomie reconnues au bénéfice des collectivités pourraient ainsi être synthétisées par ce principe, qui aurait alors une valeur contraignante supérieur et servirait de moteur juridique au prolongement de la décentralisation.

Portrait du Ministre de l’Intérieur Gaston Defferre. © Archives nationales/ Wikimedia Commons.

L'essentiel

Au XXe siècle, la décentralisation se poursuit, jusqu’à être intégrée à la Constitution comme mode d’organisation souhaitable de l’État : peu à peu, les collectivités territoriales gagnent en autonomie politique et juridique.

« La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. » 

François Mitterrand, Conseil des ministres,
15 juillet 1981

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