Thématique – 2

Définir les compétences locales : pour les collectivités ou pour l’État ?

Pour disposer d’une véritable existence politique, les collectivités doivent détenir des compétences sur lesquelles exercer un pouvoir d’action. À la différence de pays comme l’Allemagne, dont l’État central s’est formé par la réunion d’États fédérés dotés de la compétence de principe, la France repose sur un système de distribution des compétences descendant, sur lequel l’État a le contrôle.

La tradition décentralisatrice française a cependant tôt fait place à l’instauration d’une compétence générale des collectivités territoriales visant à laisser aux collectivités une capacité d’action autonome en dehors des compétences expressément confiées à un échelon supérieur. 

La volonté de « rationalisation » a cependant conduit à la disparition de cette faculté pour les départements et les régions en 2015, privant ces collectivités de la capacité de déterminer démocratiquement une part de leur intérêt public local. À cette difficulté s’ajoute le transfert d’attributions de plus en plus contraintes qui réduit parfois les collectivités à des échelons de pure gestion.

Jean-Pierre Raffarin par Claude Truong-Ngoc, 2013. © Claude Truong Ngoc, Wikimedia Commons, licence Creative Commons Attribution

Le revenu de solidarité active : une compétence départementale ?

En 2003, l’État a souhaité procéder à la « décentralisation » du revenu minimum d’insertion, devenu depuis revenu de solidarité active. L’objectif est alors de compléter le rôle social des départements en liant l’insertion au versement des allocations. Cependant, le rôle des départements en la matière est resté limité à une fonction d’octroi de l’allocation, dont le cadre est très circonscrit par des normes nationales. Œuvrant à la manière d’un guichet, il dispose ainsi dans ce cas d’un rôle politique très réduit alors que cette compétence représente une part budgétaire très importante. L’accroissement constant de cette dernière, liée à l’absence de marges de manœuvre des départements dans le déploiement de cette compétence conduit d’ailleurs désormais à « expérimenter la recentralisation » de cette compétence dans un certain nombre de départements !

Issue de la loi municipale de 1884 qui disposait que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la communes », cette disposition conçue comme un fondement de compétence générale a été transcrite au bénéfice du département en 1926 et de la région en 1982.


Outil de concrétisation de la dimension politique des collectivités territoriales françaises, la clause de compétence générale constitue à l’évidence une forme de liberté laissée au bénéfice de l’ensemble des collectivités au sens où elle leur laisse le pouvoir et la capacité de commencer quelque chose.

Permettant aux collectivités d’initier une action en dehors des domaines expressément confiés à leur compétence, à condition que cette action n’entre pas en conflit avec une attribution explicite de compétence, cet outil a servi de support à de nombreuses avancées sociales portées par le mouvement du « socialisme municipal », au début du XXe siècle, mais aussi par l’action facultative des départements en matière sociale ou en matière de solidarité territoriale.


Le législateur, après maintes hésitations entre la loi RCT (2010), la loi MAPTAM (2014) et la loi NOTRe (2015), s’est finalement résolu à abroger le dispositif des clauses de compétence générale départementale et régionale en prévoyant que les assemblées délibérantes de ces collectivités règlent par leurs délibérations leurs affaires « dans les domaines de compétences que la loi [leur] attribue ».

Les « affaires du département » et les « affaires de la région » se trouvent ainsi qualitativement limitées aux compétences expressément attribuées par la loi.

Cette réduction n’est pas anodine, dans la mesure où elle revient à réduire la surface d’action politique de ces collectivités en les empêchant de déterminer les contours singuliers de leur intérêt public local en dehors de ce que le législateur a décidé de la formation de ce dernier.

Comment déterminer le caractère local d’une compétence ? La question n’est ni anodine, ni aisée. Si l’on peut juridiquement admettre qu’une compétence est locale dès qu’elle revient à la charge d’une collectivité, la question est politiquement plus délicate : comment déterminer le caractère spécifiquement local d’une compétence ?


La clause de compétence générale (v. ci-dessous) apportait un élément de réponse appréciable en permettant localement à chaque collectivité de déterminer par elle-même un certain nombre d’objets de son action au regard de l’intérêt public local. En dehors de ce dispositif, la détermination du caractère local d’une compétence reste délicate, ce qui a pu conduire le législateur à entreprendre la décentralisation de certains dispositifs dont le caractère spécifiquement local n’était pas particulièrement évident (routes nationales, revenu de solidarité active…), ce d’autant que le périmètre décisionnel des collectivités en ces domaines se trouve souvent très réduit, faisant de ces dernières des gestionnaires plus que des décideurs.


La question soulève alors le délicat enjeu de l’articulation entre les différents niveaux d’action publique que le principe de subsidiarité, qui postule que la décision et l’action doivent revenir par principe au niveau le plus proche le mieux à même de les mettre en œuvre et dont une formulation a été consacrée dans la Constitution en 2003, cherche à résoudre. La valeur de ce principe reste cependant très faible en droit français, le législateur restant maître de la définition des compétences locales.

Issue de la loi municipale de 1884 qui disposait que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la communes », cette disposition conçue comme un fondement de compétence générale a été transcrite au bénéfice du département en 1926 et de la région en 1982.


Outil de concrétisation de la dimension politique des collectivités territoriales françaises, la clause de compétence générale constitue à l’évidence une forme de liberté laissée au bénéfice de l’ensemble des collectivités au sens où elle leur laisse le pouvoir et la capacité de commencer quelque chose.

Permettant aux collectivités d’initier une action en dehors des domaines expressément confiés à leur compétence, à condition que cette action n’entre pas en conflit avec une attribution explicite de compétence, cet outil a servi de support à de nombreuses avancées sociales portées par le mouvement du « socialisme municipal », au début du XXe siècle, mais aussi par l’action facultative des départements en matière sociale ou en matière de solidarité territoriale.


Le législateur, après maintes hésitations entre la loi RCT (2010), la loi MAPTAM (2014) et la loi NOTRe (2015), s’est finalement résolu à abroger le dispositif des clauses de compétence générale départementale et régionale en prévoyant que les assemblées délibérantes de ces collectivités règlent par leurs délibérations leurs affaires « dans les domaines de compétences que la loi [leur] attribue ».

Les « affaires du département » et les « affaires de la région » se trouvent ainsi qualitativement limitées aux compétences expressément attribuées par la loi.

Cette réduction n’est pas anodine, dans la mesure où elle revient à réduire la surface d’action politique de ces collectivités en les empêchant de déterminer les contours singuliers de leur intérêt public local en dehors de ce que le législateur a décidé de la formation de ce dernier.

« Ces fonctions sont propres au pouvoir municipal, parce qu’elles intéressent directement et particulièrement chaque commune que la municipalité représente. Les membres des municipalités ont le droit propre et personnel de délibérer et d’agir en tout ce qui concerne ces fonctions vraiment municipales. »

Instruction sur la formation des nouvelles municipalités, 1789, p. 83.

L'essentiel

La définition des compétences confiées aux collectivités est un enjeu important pour la définition de leur autonomie. 

En France, elle reste contrainte par une grande technicité et par la difficulté de définir et d’admettre véritablement l’autonomie des intérêts locaux.

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